Après des heures de discussion avec les représentants des différentes fractions parlementaires, lundi 2 avril, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a prononcé la dissolution du Parlement. Des élections législatives anticipées pourraient se tenir le 27 mai. "Aujourd'hui, j'ai signé le décret sur une interruption avant terme des pouvoirs du Parlement", a déclaré M. Iouchtchenko lors d'une allocution télévisée. "Ce n'est pas seulement mon droit, c'est aussi mon devoir", a-t-il ajouté, certain de ce que sa décision n'entraînerait "ni troubles, ni confrontations". Annoncée après des mois de mésentente entre le Parlement, la présidence et le gouvernement, la convocation de nouvelles élections a suscité l'ire de la coalition gouvernementale emmenée par le Parti des régions du premier ministre Viktor Ianoukovitch. Deux ans après la "révolution orange" qui porta Viktor Iouchtchenko au pouvoir, l'Ukraine se prépare à un nouveau rapport de force entre les "bleus" du Parti des régions (les russophones de l'est du pays) et les "oranges" pro-occidentaux (centre et ouest). En riposte, le Parlement, dominé par les russophones des régions, a adopté en session d'urgence une résolution interdisant de débloquer les fonds nécessaires au financement de la campagne électorale. Le décret présidentiel, décrit comme une "tentative de coup d'Etat", est "dénué de fondement légal", avancent les parlementaires. Selon le quotidien Ekonomitcheskie Izvestia, il risque de déclencher une crise : "La coalition ne l'appliquera pas et la Cour constitutionnelle tranchera, elle aussi, dans ce sens." Le journal y voit la porte ouverte à l'engagement d'"une procédure de destitution" du président. Lors d'une réunion du cabinet des ministres, convoquée d'urgence en pleine nuit, le premier ministre a appelé le président à "ne pas publier ce décret". Le ministre de la défense, Anatoli Gritsenko, un fidèle de Viktor Iouchtchenko, a fait savoir pour sa part que l'armée ukrainienne obéirait au président. Le Parti des régions envisage d'occuper le Parlement en permanence et de contester la décision présidentielle devant la Cour constitutionnelle comme infondée juridiquement. De son côté, Viktor Iouchtchenko a accusé la coalition prorusse d'agir de manière anticonstitutionnelle en persuadant des parlementaires de l'opposition de rejoindre ses rangs. Onze défections enregistrées fin mars parmi les députés de "Notre Ukraine", le parti pro-présidentiel, vers le groupe parlementaire des régions ont augmenté son poids au Parlement. Désormais, 260 députés sur 450 lui sont affiliés alors qu'ils n'étaient que 239 après les élections législatives de mars 2006. Le parti des russophones cherche à faire grossir ses effectifs, afin de passer outre le veto présidentiel et d'imposer des modifications à la Constitution en dépit de l'avis du chef de l'Etat, ce qui devient possible avec une majorité parlementaire de 300 députés. La dissolution a été accueillie avec satisfaction par l'ex-premier ministre Ioulia Timochenko, farouchement opposée au Parti des régions. Qualifiant de "courageuse" la décision de son ancien partenaire de la "révolution orange", la dame à la tresse a assuré que la résistance manifestée par les russophones n'aurait pas d'impact sur le déroulement des élections. "Ils peuvent rester assis au Parlement ou dans leurs bureaux, mais le fait est qu'après-demain la campagne électorale s'ouvrira", a-t-elle ironisé. Très populaire en Ukraine, l'ancienne égérie de la "révolution orange" compte tirer le meilleur parti des élections à venir et renforcer le poids de sa formation "Le bloc Ioulia Timochenko" au Parlement. Selon les sondages, les intentions de vote n'ont guère varié depuis les législatives de mars 2006. Le Parti des régions arrive en tête, devant la formation de l'ancien premier ministre, tandis que "Notre Ukraine", le parti présidentiel, arrive, lui, en troisième position.