L'explosion de dimanche dernier au quartier Sidi Moumen de Casablanca met le doigt sur l'usage d'Internet par les terroristes. Si le cyber n'était vraisemblablement pas la cible de l'attaque, cet événement témoigne si besoin est à quel point l'utilisation de l'Internet est précieuse aux terroristes. Les deux kamikazes de l'explosion de dimanche dernier à Casablanca n'étaient pas originaires du quartier Sidi Moumen, où s'est produit l'explosion : le cyber offre l'avantage de pouvoir accéder à des informations communiquées par des tiers, où que l'on soit, c'est-à-dire discrètement, sans l'inconvénient de la surveillance possible avec les postes personnels. Visiblement, la cellule terroriste derrière cette explosion transmettait des instructions à ces membres par le biais d'Internet, probablement par méfiance du téléphone. Alors Internet, meilleur ami du terrorisme? L'organisation en réseau et la rapidité de communication sont sans aucun doute un appui précieux pour les cellules terroristes. Peut-on pour autant affirmer que le fondamentalisme et le terrorisme peuvent s'épanouir sans crainte sur la toile ? Non, car l'Etat demeure maître du jeu. Ainsi, de nombreux sites sensibles sont régulièrement interdits : pornographes, pédophiles, séparatistes, dissidents sont ainsi fréquemment chassés du web marocain. Mais l'Etat a bien souvent un temps de retard, car il est difficile de repérer les sites aux contenus contraires à la loi marocaine. Alain, informaticien à Casablanca, explique : « Certes il existe bien des logiciels de filtrage, mais ils sont surtout efficaces en français et en anglais. Pour les sites arabophones, les logiciels de filtrage automatique sont moins performants. » A cela s'ajoutent des considérations pratiques : « Le filtrage ralentit souvent l'ordinateur, et il fait quelquefois mal son travail, bloquant l'accès à certains sites parce qu'il a repéré un mot clef », ajoute-t-il. Résultat, de nombreux internautes familiers des arcanes de l'informatique téléchargent à leur passage au cyber des logiciels de parade, court-circuitant les restrictions d'accès. Et l'ensemble du cyber est ainsi équipé, à l'insu de son propriétaire, de dispositifs de libre accès. Si le filtrage automatique trahit bien des faiblesses, cela ne signifie pas pour autant que les sites faisant l'apologie du terrorisme (et les autres également illégaux) sont dans l'impunité : le ministère de l'Intérieur peut demander aux fournisseurs d'accès, qui hébergent les sites marocains, de bloquer tel ou tel site. Et de remonter à son concepteur. C'est ce qui explique que les sites officiels du Polisario par exemple soient inaccessibles. Mais comment s'y prend le ministère ? Après avoir repéré un site aux contenus illégaux, il contacte l'hébergeur du site. Lequel est responsable du contenu des sites qu'il héberge. Et si l'hébergeur est étranger, le site n'en est pas moins diffusé au Maroc par un hébergeur national. Donc l'expatriation ne permet pas de tout dire. « Elle présente un petit avantage tout de même, explique Alain. Elle permet de cacher son identité et son adresse, ce qui est impossible autrement. Mais par coopération inter-gouvernementale, les Etats peuvent tout de même retrouverl'auteur d'un site hébergé à l'étranger. C'est simplement plus long ». Dans ce jeu de cache-cache, les jihadistes ont de nombreuses astuces. François-Bernard Huyghe, auteur d'ouvrages comme La quatrième guerre mondiale et L'ennemi à l'heure numérique, explique dans son article « Jihad à l'heure numérique » que le moyen le plus sûr pour ne pas être repéré par les services de sécurité consiste à écrire des mails sur une boite mail mais à ne pas les envoyer, pour échapper au filtrage. La cellule terroriste toute entière, ayant accès à la boite mail, peut ainsi recevoir des instructions en toute confidentialité. L'ultime parade étant tout simplement de changer régulièrement d'adresse URL pour son site Internet. Ainsi, il faut sans cesse le débusquer sous sa nouvelle localisation. C'est de la sorte que les sites faisant l'apologie du terrorisme changent d'adresse régulièrement, celle-ci circulant confidentiellement au sein de milieux fermés, comme les fidèles d'une mosquée fondamentaliste. La lutte contre le terrorisme passe indubitablement par Internet.