Le père de Kaoutar a survécu au tremblement de terre d'Agadir. Où se trouvait-il ce 29 février 1960 au moment où la ville allait et venait dans tous les sens ? Au cinéma Salam ! Tous ceux qui se trouvaient à cet endroit au nom prémonitoire sont sortis indemnes du sinistre. Ceci bien sûr grâce à la solide enceinte de la bâtisse. Normal, elle a été construite par «nsara» (sur le dos des «indigènes» s'entend). Du travail bien fait. «Salam» aurait été vendu à un célèbre promoteur de la ville. Heureusement, la Municipalité a bloqué la vente considérant que c'est un patrimoine de la ville : Le cinéma «Salam», à l'histoire si chargée et à l'architecture si particulière est donc fermé depuis plusieurs mois maintenantŠ Mais à Agadir il y a trois cinémas en tout. Une prouesse quand on sait qu'à Ouarzazat, notre capitale du cinéma, il n'y a pas de cinéma. Le seul qui existe est fermé. Pour en revenir à Agadir, on élimine le cinéma Salam - temporairement j'espère - il nous reste le Rialto et le Sahara. Le premier essaye de ramener le public qui le boude grâce à quelques bons films qu'on y programme de temps en temps. Le festival du Cinéma et Immigration, 4ème édition cette année, devrait normalement aussi lui redonner un coup de jeune mais la déco ne suit pas. Le local est toujours dans le même état depuis plusieurs années maintenant : les mêmes fauteuils, la même sono, le même entretien médiocre, en atteste l'état des waters en particulier. Reste Le cinéma Sahara. A propos de celui-là, on pourrait noircir des pages aussi vastes que le désert du Sahara qu'on n'aurait pas fini de tout dire. Alors, disons l'essentiel : la spécialité de ce cinoche est maintenant connue de tous : les films XX ELLE et LUI ou ELLE et les copains du quartier. Et les affiches de ces films-là sont tellement inaffichables que les responsables en font faire d'autres manuscrites avec plein de fautes d'orthographe et de goût. Mais des fois, le cinéma Sahara connaît des éclaircies. C'est ce qui lui est arrivé la semaine dernière avec à l'affiche un bon film pour enfants. Vu que les distractions, il n'y en a pas beaucoup à Agadir, et comme il pleuvait, les gens ont fermé les yeux sur l'état délabré des lieux et ont emmené leurs gosses pour une partie ciné. Finalement, c'était un film dans le film. Les spectateurs ne savaient plus où donner de la tête : aux péripéties des héros ou au plafond qui risquait de leur tomber sur la tête. Que dis-je ? Le plafond ? Plutôt un tamis qui laissait passer la pluie et la météo. L'eau coulait à flot dans les passages, il faisait froid. «La goutte dans un cinéma en plein centre-ville ? On se serait cru dans un bidonville, oui», s'exclame une spectatrice révoltée. (Heureusement, elle n'était pas survoltée, avec l'eau on ne sait pas ce qui aurait pu arriver.) Donc, récapitulons, le Salam neutralisé, le Rialto pas à la hauteur, le Sahara cassé : alors qu'on ne s'étonne plus que les gens n'aillent plus au ciné !