Envie de voir le dernier clip d'Herman Düne ? Le fils du voisin expliquer sa passion pour les avions en balsa ou Pierre Bourdieu expliquer que Ségolène Royal est de droite ? C'est simple il suffit d'aller sur YouTube. C'est là que ça se passe pour la vidéo en ligne. C'est ce qu'a compris Google en décidant de débourser 1,65 milliard de dollars, en actions, pour mettre la main sur le site de partage de vidéos, emblématique du Web 2.0. C'est aussi la leçon du relatif échec de Google Vidéo, le service de partage de vidéo lancé par Google. La rumeur concernant le rachat animait le petit monde du Net depuis un moment déjà. "Il s'agit d'un des nombreux investissements que nous allons réaliser pour faire de la vidéo l'expérience centrale des internautes, a expliqué Eric Schmidt, PDG de Google. Lorsque nous avons observé le marché et vu ce qu'il s'y passait, nous avons vu qui était le gagnant dans le domaine de la vidéo sur le Web collaboratif. C'est ce qui nous a menés à commencer à discuter avec YouTube." YouTube, lancé fin 2005, s'est hissé en quelques mois à la 14e place des sites les plus visités du monde, selon le cabinet ComScore, avec 72 millions de visiteurs en août 2006 et 100 millions de vidéos regardées par jour. De quoi attirer les convoitises de tous les grands d'Internet, dont Yahoo!, News Corp., Viacom et Time Warner, qui ont également cherché à le racheter ces derniers mois, selon la presse économique. HAUSSE DES REVENUS PUBLICITAIRES PRÉVUE Google, pourtant habitué à se développer tout seul, a préféré payer pour doper au plus vite sa branche Google Vidéo, qui n'a qu'une faible part de marché de la vidéo en ligne, loin derrière YouTube et le site de socialisation MySpace (groupe New Corp.). Selon le cabinet Hitwise, sur le marché américain, leur part est de 11 % pour Google, contre 46 % pour YouTube et 21 % pour MySpace, en nombre de vidéos vues. Or, les revenus des publicités accompagnant des vidéos promettent une multiplication par six d'ici à 2010, à 2,3 milliards de dollars, soit près de 10 % de la publicité totale sur Internet, selon l'institut eMarketer. Pour ménager les fans de YouTube, le site continuera à opérer de manière indépendante, conservera sa marque et ses 67 salariés, et restera basé à San Bruno, en Californie. "L'équipe de YouTube a bâti une puissante plate-forme de médias qui complète la mission de Google d'organiser le monde de l'information pour le rendre utile et accessible à tous", a commenté Eric Schmidt, lors d'une conférence téléphonique. "En joignant nos forces à celles de Google, nous bénéficierons de sa technologie et créerons de nouvelles opportunités pour nos partenaires", a commenté le PDG et cofondateur de YouTube, Chad Hurley. DÉMINAGE AVEC LES MAJORS DU DISQUE POUR ÉVITER LES PROCÈS Seul point noir de cet rachat très attendu, les risques de procès antipiratage qui menaçaient YouTube, dont beaucoup de vidéos sont tirées d'émissions de télé ou de clips de chanteurs sans autorisation. Certains analystes estimaient que de tels procès pouvaient "tuer" YouTube, comme pour le site de musique illégal Napster il y a quelques années. Pour prévenir ce risque, Google et YouTube ont annoncé, lundi, des accords avec quatre majors du disque et de la télévision, permettant la diffusion gratuite et légale d'extraits de leurs contenus, en échange d'un partage de revenus publicitaires. YouTube a annoncé un accord avec Universal Music, Sony BMG Music et le groupe de télévision CBS, et Google avec Sony et Warner Music. Google et YouTube mettront aussi en place un système de détection et de filtrage des contenus pirates, pour que les majors puissent, soit les retirer, soit les monnayer par de la publicité. Les analystes voient déjà, dans cette transaction, le prélude d'une nouvelle surenchère de rachats dans l'Internet. "C'est l'une des plus grosses transaction récentes, mais le phénomène a été déclenché l'an dernier quand News Corp. [le groupe du magnat Rupert Murdoch] a racheté MySpace" pour 580 millions de dollars, a commenté l'analyste Phil Leigh, d'Inside Digital Media. "C'est un indicateur qui confirme qu'une nouvelle vague de fusion se développe." Le rachat de YouTube est la plus grosse acquisition jamais réalisée par Google en huit ans. Sans surprise, les internautes réagissent aux propos de Chad Hurley et Steve Chen, les fondateurs de YouTube. C'est surtout la cinquième acquisition de Google depuis trois ans. Elle intervient après les prises de participation dans dMArk Broadcasting, une société qui a mis au point des logiciels pour les radios en ligne, en janvier 2006 (investissement de 100 millions de dollars), AOL (prise de participation de 5 % dans le capital, en décembre 2005, pour un milliard de dollars), ou Picasa, qui permet de gérer et partager ses images en ligne (investissement de 4 millions de dollars). L'action Google a terminé, lundi, en hausse de 2,02 %, à 429 dollars.