Plusieurs républicains, dont Colin Powell, s'opposent aux efforts du président pour réécrire le droit international. DANS SA TENTATIVE de réécrire unilatéralement le droit international humanitaire, George W. Bush a trouvé sur sa route des adversaires plus coriaces qu'il ne s'y attendait : trois sénateurs républicains de la commission des forces armées du Sénat et deux anciens chefs d'état-major interarmes, dont l'ex-secrétaire d'État Colin Powell. Il a aussi la presse contre lui, qui publiait hier des éditoriaux au vitriol contre ce «président qui fait du lobbying pour la torture.» À huit semaines d'élections législatives cruciales, ce bras de fer «titanesque» où s'étalent les divisions républicaines l'a poussé à tenir hier une conférence de presse non programmée pour prendre l'opinion à témoin. «Nous devons offrir à nos soldats et professionnels du renseignement les instruments dont ils ont besoin pour protéger notre pays d'une nouvelle attaque, a martelé le président américain. Je propose que l'on introduise de la clarté dans la loi», a-t-il ajouté, estimant que les Conventions de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre sont «vagues» et «ouvertes aux interprétations.» Le noeud du conflit est une proposition de loi déposée au Congrès par l'Administration pour légaliser certains instruments de sa «guerre globale contre le terrorisme». La Maison-Blanche veut limiter la protection des «ennemis combattants» au bannissement des traitements «cruels, inhumains ou dégradants». C'est une définition plus restrictive que celle des Conventions de Genève qui interdisent «les atteintes à la dignité humaine, les humiliations et les traitements dégradants». Elle permettrait aux interrogateurs de la CIA de continuer à avoir recours à «un ensemble de procédures alternatives» pour faire parler les captifs. Protéger les agents de la CIA L'Administration veut aussi mettre les agents opérant dans les prisons secrètes de la CIA à l'abri de tout recours fondé sur les conventions internationales. Et elle veut permettre aux «commissions militaires», tribunaux d'exception susceptibles de prononcer la peine de mort, d'utiliser à charge des informations confidentielles sans les communiquer à la défense. Jeudi, George Bush s'était rendu en personne au Capitole pour défendre un arsenal juridique partiellement annulé au printemps par la Cour suprême, et sans lequel «le programme de la CIA ne pourra pas continuer». Ce programme, officiellement secret jusqu'à ce qu'il révèle, la semaine dernière, le transfert de quatorze détenus des prisons secrètes de la CIA vers Guantanamo, n'est pas remis en cause par le Congrès. Mais les sénateurs républicains John McCain, ancien prisonnier torturé au Vietnam, John Warner et Lindsey Graham ont fait adopter juste après sa visite un texte dissident en commission de la défense qui s'en tient aux Conventions de Genève. Dans une lettre de soutien à McCain, Colin Powell écrit : «Le monde commence à douter du fondement moral de notre lutte contre le terrorisme. Redéfinir (le droit international) aggraverait ces doutes. Qui plus est, cela mettrait nos propres troupes en danger.» Piqué au vif, Bush a répliqué hier : «Toute comparaison entre la compassion du peuple américain et les méthodes des extrémistes islamistes est inacceptable.»