Le Crédit Agricole du Maroc a enregistré pour la première fois un résultat net de 97 MDH pour le premier semestre 2006. Cette performance ne sera pourtant pas accompagnée d'une distribution de dividendes. La politique étant le renforcement des fonds propres. Ramené aux indicateurs nationaux du marché bancaire, le chiffre n'est certes pas excessif. «Ce n'est pas beaucoup mais la symbolique est très forte», insiste Tariq Sijilmassi Président du Directoire du Crédit Agricole du Maroc. L'ambition affichée du meneur de la banque va au-delà. Le manager est en effet mandaté pour conduire l'institution sur la voie du marché boursier. Le rendez-vous est attendu pour 2008. L'amélioration de la qualité du service et du système de gestion conditionne, toutefois, la bonne marche du processus. Aujourd'hui, le tableau de bord de la banque laisse présager des horizons plus cléments à celle qui a autant fait l'objet de tapage médiatique. «Nous venons de très loin», précisera le manager. Au 30 juin 2006, les ressources clientèle avoisinent, justement, les 28.581 MDH, soit +7 % par rapport au 31 décembre 2005. Les analystes financiers sont unanimes. Le taux de couverture des emplois clientèle par les dépôts a fortement progressé. Il est passé de 62 % en 2002 à 105 % au 30 juin 2006. En clair, la refonte du mode de financement a été cogitée depuis 2000. Dès cette année-là, le mot d'ordre fut, en effet, donné aux gestionnaires pour éviter le financement issu des organismes étrangers. En 2004, 1,5 milliard de dirhams ont été remboursés par anticipation à la Banque européenne internationale (BEI). «On peut considérer que la banque ne subit plus de risque de change puisqu'elle ne fait plus quasiment appel à des prêts extérieurs», conclut finalement Sijilmassi. Même démarche en direction des bons de la CNCA, leur remboursement progressif s'effectuera à travers le compte d'exploitation. Au final, les seules ressources devront être celles rattachées au portefeuille proprement dit. Bref, la logique de la collecte des ressources au moindre coût est claire et partagée par tous les professionnels du secteur… Une telle politique de crédit prône la sécurité puisqu'elle permet d'attirer les meilleurs clients. «Le redressement de la banque vient en partie de la maîtrise du coût des ressources», justifie le patron de la banque. Le constat est évident sauf que la politique d'octroi des crédits a été également revue pour éviter les dérapages d'antan. Le nouveau manager préférera se garder d'en offrir un développement au media. Car la page est tournée… La politique intègre d'ailleurs la gestion optimale des créances douteuses. «Le taux de chute est le même que chez les autres banques», atteste T. Sijilmassi. La mise en conformité en termes de respect des normes de provisionnement est prévue pour le 30 juin 2007. L'abandon des créances des petits agriculteurs est une opération bien digérée par la banque. Elle s'est soldée par une augmentation de capital d'un milliard de dirhams. Pour l'heure, l'Etat a procédé au versement de la première tranche de 300 MDH. Quant aux transactions relatives au recouvrement, le rythme actuel est estimé à 335 MDH par semestre. La logique est également à la révision de la situation des clients jugés victimes d'un taux prohibitif de 14 % aggravé par un cumul d'agios sur toute une décennie. Au final, l'encours des créances saines s'est élevé, au 30 juin 2006, à 19,8 milliards de dirhams. Cet indicateur a augmenté de 900 MDH par rapport à fin 2005. Bref, la dernière ligne droite de l'institution bancaire, affirmant sa remise en forme, sera le rendez-vous de la mise à niveau réglementaire attendue pour le mois de juin 2007. «La banque pourra inscrire son résultat brut d'exploitation en résultat net pour afficher désormais une croissance» . Et pour associer les compétences humaines aux résultats, le projet «Culture d'entreprise» devra véhiculer cette nouvelle vision. Il faut dire que le changement de staff de la direction générale est marquant. Aujourd'hui, les 3.000 personnes évoluant au sein de la banque semblent bénéficier d'une meilleure attention. Celle-ci se traduit quant à elle par le projet Cap 2008, concocté à l'occasion, qui devra accompagner le développement de l'entreprise. Celui-ci s'articule autour de quatre volets fondamentaux. Le premier retient la rémunération, moyen essentiel d'émulation. Le second, qui consiste en la gestion des compétences et des carrières, devra pallier l'éloignement des agents déployés à travers le réseau de la banque de leur direction générale. Le dossier «prévoyance et sécurité de l'emploi» constitue le troisième volet du projet. L'enjeu est important, à en croire le premier porte-parole de la banque. «Nous avons des drames sociaux en préparation. Pour remédier à la situation de nos retraités qui ne toucheront en guise de pension que 30 % de leur salaire, nous sommes en train de mettre en place un système de rachat de retraite complémentaire». Les faits sont là. La sonnette d'alarme tirée… Enfin, le développement des activités sociales au bénéfice des salariés de l'institution devrait permettre de créer une ambiance sociale. Et pour accompagner la politique agricole nationale, la direction générale du Crédit Agricole du Maroc rappelle les nouvelles conditions accordées aux agriculteurs. «Pour lever le frein à l'investissement, nous avons décidé d'adopter un taux de 5 % hors TVA pour le crédit de fonctionnement à court terme à l'agriculture». Baptisé Achamil, le produit est destiné aux agriculteurs dont la situation a déjà été identifiée selon un mode de scoring clair et préétabli par le département concerné. Dans le moyen terme et sur une durée inférieure ou égale à 7 ans, l'octroi du crédit à l'investissement est désormais accessible à un taux de 5,5 %. Au-delà, la banque compte se positionner en tant que force de propositions pour le développement du secteur. Au cœur des préoccupations, la promotion de l'oléiculture, de l'élevage et du pâturage… La culture maraîchère n'est pas en reste. La politique de micro-irrigation représentant la base de la politique agricole, le message est clair. Il est de taille lorsque, juste pour la ville de Marrakech, le développement des cultures à forte valeur ajoutée et celui des golfs intégrés aux complexes touristiques nécessitent la même denrée rare. L'optimisation de cette ressource est fondamentale. La citoyenneté n'est pas à démontrer à ce niveau. Car il s'agit d'une affaire nationale.