Redoutant un raz-de-marée islamiste en 2002, l'ancien Premier ministre Abderahman Youssoufi avait tourné la page du scrutin uninominal à un seul tour et mis en place celui de liste. Dix huit ans après cette réforme, des voix se lèvent pour le retour à l'ancien mode. Et comme en 2002, le même épouvantail est brandi pour motivée la demande. En présence du chef du gouvernement, le ministre de l'Intérieur a lancé les consultations avec les partis politiques pour la préparation des législatives de 2021. Ce premier round, tenu mercredi soir au siège de la présidence du gouvernement, était réservé aux formations ayant une représentativité au Parlement. Les autres seront conviés à une prochaine rencontre avec Abdelouafi Laftite et Saad-Eddine El Othmani. Le mode de scrutin aux prochaines élections est au cœur des discussions entre les différents partis. Le bureau politique du RNI a demandé une révision des lois électorales. L'USFP de Driss Lachgar mène une campagne pour le retour au scrutin uninominal à un seul tour, en vigueur au Maroc depuis les élections de 1963 jusqu'à celles de 1997. En 2002, l'ancien Premier ministre Abderrahman Youssoufi avait mis fin à cette expérience et imposé à l'ensemble de la classe politique le scrutin proportionnel plurinominal, aussi appelé le «scrutin de liste». Les motivations du socialiste étaient exclusivement électoralistes. Il était convaincu que sa réforme permettait d'éviter le raz-de-marée islamiste, tant redouté par les autres grands partis. Une victoire en trompe l'œil pour El Youssoufi en 2002 En 2002, le PJD n'était pas aussi fort qu'aujourd'hui pour s'opposer ouvertement à la réforme initiée par El Youssoufi. Les «frères» de Benkirane étaient encore sous la tutelle de Abdelkrim El Khatib. Cet ancien proche du Palais occupait alors le poste de secrétaire général. Ainsi aux législatives du 27 septembre 2002, la formation d'El Youssoufi est arrivée première avec 50 sièges, talonnée de très prêt par l'Istiqlal (48), le PJD suivait avec 42 députés. Une victoire en trompe l'œil pour l'USFP, sachant que les islamistes de la Lampe n'avaient présenté des candidats que dans 60% des circonscriptions. Dès les élections du 25 novembre 2011, la recette concoctée par El Youssoufi supposée freiner les islamistes commençait à battre de l'aile. Le PJD a largement remporté ce scrutin avec 107 députés grâce notamment à plusieurs sièges glanés dans la même circonscription telles Salé (2), Tanger (4) et Béni Mellal (2). Une percée confirmée aux législatives du 7 octobre 2016 avec par exemple Rabat (2), Salé Médina (2), SaléEl Jadida (2) ou encore Tanger-Asilah (3). Ce sont ces sièges en plus dans la même circonscription qui ont permis au PJD d'avoir 125 députés. Les opposants au scrutin mis en place depuis 2002 par Youssoufi pensent qu'un éventuel retour au scrutin uninominal à un seul tour priverait le parti de la Lampe de ses sièges bonus réalisés aux léglistatives de 2011 et 2016. Mais si ce mode ne garantit la victoire qu'à un seul candidat, le nombre des circonscriptions en jeu devrait automatiquement être revu à la hausse pour correspondre au nombre de députés. Et compte tenu de la faiblesse des autres partis, ce nouveau mode de scrutin pourrait ne rien changer pour le PJD.