Les sondeurs et les oracles à la petite semaine, ont des drapeaux en berne. Le peuple souverain leur a donné une belle leçon. Du coup, ils se rabattent sur la faiblesse du taux de participation, pour continuer leur œuvre de démolition. Les faits eux sont têtus. La faiblesse du taux de participation est analysée par ailleurs (voir page 13). Elle constitue un message très fort en faveur de la mise à niveau des structures partisanes et de leurs méthodes d'encadrement. Les résultats sont là et ils démentent une certaine presse et ses analystes. Non seulement il n'y a pas de raz-de-marée du PJD, mais on peut même considérer que ce parti recule. En 2002, il n'avait couvert que 51 circonscriptions, cette fois, il s'est présenté dans 94 circonscriptions, en ne grignotant que 4 sièges de plus. Son chef, n'a même pas atteint le quotient électoral et n'a récolté que 9000 voix. On avait aussi parié sur un vote sanction contre le gouvernement. Le peuple souverain, a, lui conforté la majorité actuelle qui gagne des sièges même si l'USFP a beaucoup baissé. D'ailleurs, l'évènement majeur de ce scrutin, c'est la baisse de l'USFP et la remontée sensible de l'Istiqlal et le PPS, ses partenaires dans la Koutla.L'USFP qui vit des soubresauts internes depuis belle lurette est victime d'une conjonction d'éléments. Il a souffert de la multiplication des candidatures à sa gauche, pas moins de 5 listes concurrentes issues du mouvement Tihadi, qui ont grignoté sur le parti de Yazghi. La balkanisation contenue En outre, la clientèle habituelle du parti, est amputée des couches de petits fonctionnaires, qui sont passées au vote protestataire. L'autre élément important, c'est que les six premiers partis monopolisent près de 70% des voix. Les électeurs ont limité les effets de la balkanisation et appuyé les partis à une implantation réelle. Cette réalité, selon des sources concordantes, sera prise en compte au plus haut niveau, les petits partis ne seront plus consultés officiellement. Cette réalité imposera un début de rationalisation de la vie politique par le biais du financement public. Les partis qui n'ont pas atteint 5 % des voix, n'auront plus droit à l'argent du contribuable. Ils ne pourront donc plus remplir les conditions imposées par la loi sur les partis et seront dans leur grande majorité condamnés à disparaître de l'échiquier ou à intégrer des alliances plus larges. En tout état de cause, ces élections renforcent la construction démocratique, ardue, paradoxale, mais réelle. Le respect des règles, n'est pas l'unique point positif, la limitation des effets de la balkanisation est aussi une bonne nouvelle. L'analyse des résultats prouve que le corps électoral qui s'est exprimé, a plutôt choisi le camp conservateur. C'est une réalité. Il a aussi conforté la majorité aux affaires. Ce paradoxe ouvre la voie à deux scénarios totalement différents. Le premier, le plus plausible, serait la reconduction de la majorité actuelle avec l'Istiqlal à la primature et la Koutla comme charnière centrale. Des voix à l'intérieur de l'USFP réclament le retour à l'opposition, considérant que c'est le parti de Ben Barka qui a payé au prix fort le consensus de la transition, on peut s'attendre à des gesticulations qui constitueraient un remake de 1997, quand l'Istiqlal n'a intégré la coalition gouvernementale, qu'après avoir obtenu un nombre de portefeuilles sans rapport avec son score électoral. L'USFP pourrait utiliser la même stratégie. Cependant, un second scénario est envisageable. La gauche irait dans l'opposition et laisserait l'Istiqlal conduire une coalition de droite. Pour beaucoup de démocrates, ce scénario serait même souhaitable parce qu'il permettrait enfin, l'homogénéité des alliances. Mais les observateurs s'accordent pour dire que la reconduction de la coalition actuelle, réaménagée au vu des résultats, est l'option privilégiée, sauf si les rapports de force à l'intérieur de l'USFP sont totalement inversés en faveur du retour à l'opposition. Des sources très fiables parlent d'une formation accélérée du gouvernement, parce que l'agenda est pressant et que le gouvernement actuel ne peut valablement y répondre, d'autant plus que 4 de ses membres ont été sanctionnés par les urnes. Médias : Problème de sources Abderrahmane Youssoufi a imposé le scrutin de liste à la proportionnelle, en visant deux objectifs : la politisation des élections et l'arrêt de l'usage de l'argent. Deux objectifs bien nobles mais qui n'ont pas été atteints, loin de là ces partis n'ont pas relégué le phénomène des notables, bien au contraire, ils se sont mis à les courtiser et l'usage de l'argent n'a pas été freiné par l'extension des circonscriptions. La balkanisation a abouti à un phénomène pervers : les candidats ne font campagne que dans une partie de la circonscription. Les chiffres officiels le prouvent, quelques milliers de voix suffisent dans des circonscriptions où le nombre d'inscrits est de l'ordre de 200.000. En vérité, le vote reste largement personnalisé. Le nombre de candidats est multiplié par 3 ou 4 parce que chaque candidat « monte » une liste avec des gens sans espoirs d'être élus. En outre, ce système favorise la balkanisation comme le prouve le cas des Harakat qui, unifiés ont perdu plus de 30 sièges. Le mode le plus adéquat est l'uninominal à deux tours. Il permettrait une plus grande participation, offrirait des opportunités d'alliances et donnerait à coup sûr une représentation mieux élue. Médias : Problème de sources Les législatives du 7 septembre ont retenu l'attention d'un grand nombre de médias internationaux. Cet intérêt se justifie par l'exemplarité de l'expérience marocaine et la nouvelle image de la démocratie. Cependant, les couvertures étaient biaisées. Les télés ont toutes matraqué les mêmes images, celles des bidonvilles de Sidi Moumen, sans même rappeler l'important programme de recasement en cours. Elles ont toutes annoncé le raz-de- marée du PJD, s'appuyant sur le fameux sondage Américain qui accordait 47% des voix aux Islamistes. Trompés par cette illusion, les médias se sont attachés à « démontrer l'Islamisation» de la société et à accabler l'action gouvernementale. Les résultats sont là pour attester de l'erreur. Il est faux de croire que ces médias ont tenté de manipuler l'opinion publique ou qu'ils ont une dent contre le Maroc. La cause est beaucoup plus triviale. Les journalistes étrangers s'appuient sur leurs confrères locaux de la presse écrite, en particulier, ceux qui croient qu'au Maroc, le clivage est entre le PJD et le RAP et qui ont fait des islamistes les vainqueurs putatifs des années avant le scrutin. Baignant dans cette ambiance, la majorité des confrères étrangers a fait fausse route et a été déroutée par ces résultats. Les confrères locaux, quand ils jouent aux sources, oublient que cela se transforme en images télé. Ils auront vendu l'image d'un pays en voie de talibanisation. A méditer.