La violence scolaire au Maroc a récemment fait la Une des journaux avec plusieurs cas qui soulèvent des questions sur notre système éducatif et les méthodes appliquées dans les salles de classe. Pour les experts, le recours à la violence est un échec de communication majeur qui engendre des pratiques similaires. La semaine dernière, les photos du visage tuméfié d'une élève du primaire ont inondé les réseaux sociaux au Maroc. Créant un mélange de choc et d'indignation, elles montraient la fillette de 8 ans avec des yeux tuméfiés. La famille de l'élève de Taroudant a accusé son professeur de première année du primaire d'avoir tabassé leur fille, poussant les autorités locales à ouvrir une enquête, et arrêter l'enseignant le 14 janvier, soit quelques jours après la publication des photos. La première audition de son affaire est prévue le 20 janvier. Dans le même temps, à El Jadida, un tribunal de première instance a condamné un jeune homme à trois mois de prison pour avoir appelé des élèves, dans une vidéo devenue virale, à s'en prendre physiquement à leurs enseignants. Il avait été arrêté à Bir Jdid en décembre 2019. Bien que ces cas se soient produits dans deux régions et des circonstances différentes, ils ont tous les deux un élément en commun : la violence à l'école. Un phénomène inquiétant qui va de l'intimidation aux altercations verbales et physiques au sein du système éducatif. L'échec de la communication entre l'enseignant et l'élève Mais aux origines de ce constat amer, l'échec de la communication entre élèves et enseignants. Pour le psycho-sociologue et professeur universitaire Mohssine Benzakour, l'utilisation de la violence pour maintenir l'ordre dans la classe ou pour punir les élèves se produit lorsque les enseignants «sont dans l'incapacité à communiquer». Il estime que les enseignants, les élèves ou les personnes en général qui choisissent de résoudre leurs problèmes en utilisant la violence sont «soit malades, soit incapables de trouver des solutions». Ce comportement «conduit aux incidents qui se produisent au sein du système éducatif marocain et qui impliquent des violences mutuelles entre élèves et professeurs», ajoute notre expert. «La relation entre les deux parties (enseignants et élèves) devient, dans ce cas, basée sur l'intimidation et la violence», note-t-il sans oublier qu'elle puise aussi ses origines dans la violence au sein de notre société. Mohssine Benzakour rappelle à cet égard que «certains parents incitent les enseignants à battre leurs enfants et légitiment les coups à travers un discours religieux qui n'est pas du tout religieux», soutient-il. «Nous lions souvent la violence à l'éducation et à la discipline au Maroc, ce qui est complètement faux car la communication non violente est tout ce dont nous avons besoin pour transmettre des messages et des valeurs d'une manière saine.» Mohssine Benzakour La violence comme moyen de se «venger» de ses élèves ? De son côté, Abdeljabbar Choukri, doctorant spécialisé en psychologie et sociologie, estime que la violence scolaire peut résulter de plusieurs autres facteurs. L'un d'eux est la situation des enseignants au Maroc et la manière dont ils sont traités. «Parfois, les enseignants fréquentent leurs classes avec une série de problèmes et de défis», explique-t-il, citant à cet égard «les problèmes familiaux, les petits salaires et les autres difficultés liées à la vie quotidienne et à leur profession». Des éléments qui «peuvent gêner certains enseignants et les faire réagir de manière agressive ou les faire tomber dans une forme de vengeance», déclare-t-il. Tout en condamnant ces comportements, Abdeljabbar Choukri note que parfois, «les enseignants ne sont pas entendus par leur administration lorsqu'ils sont confrontés à des élèves difficiles ou lorsqu'ils se trouvent incapables de communiquer» avec eux. La violence est ainsi considérée comme «unique solution pour maintenir l'ordre dans leur salles de classe». Pour surmonter de telles situations, le chercheur estime que les formations pédagogiques doivent être durables et constantes pour aider ces enseignants à corriger certaines de leurs méthodes et à adopter de nouvelles pédagogies positives. Justement, pour la pédagogue et chercheure marocaine Malika Bendher la pédagogie positive est la seule chose à laquelle les enseignants devraient penser lorsqu'ils traitent avec des élèves. «La violence engendre la violence», rappelle-t-elle, en soulignant qu'«en frappant leurs élèves, les enseignants se blessent en premier lieu, puis blessent leurs élèves et font de l'école et du processus d'apprentissage une expérience négative». Au lieu de recourir à la violence, les enseignants doivent penser à «des manières et des idées positives, par lesquelles ils peuvent transmettre les mêmes messages». La chercheure estime que «les enseignants peuvent confier des missions aux élèves contre lesquels ils préféreraient recourir à la violence». «Ils peuvent leur confier la responsabilité des clubs créatifs. Cela les aidera à utiliser leur énergie dans quelque chose de fructueux et de positif», suggère-t-elle, en insistant sur le fait que «la violence reste une approche inacceptable».