L'idée qui animait l'introduction de la scolarité obligatoire et l'institutionnalisation des systèmes éducatifs était celle de «l'éducation pour tous». Cette idée s'est développée dans les pays occidentaux industrialisés, parallèlement à la conviction démocratique qu'une élévation du niveau général d'éducation est nécessaire pour accroître les droits et opportunités sociales de l'ensemble des citoyens. L'idée qui sous-tendait l'éducation formelle était que grâce à la scolarisation, les individus, à une certaine étape de leur vie, auraient acquis des connaissances et des compétences suffisantes pour le reste de leur vie et que leur éducation pourrait ainsi être considérée comme achevée. Ce qui n'était probablement pas prévu était le fait que ces systèmes étaient enclins à l'échec. Aujourd'hui, un grand nombre de familles n'inscrivant plus leurs enfants à l'école, ou les retirant de l'école publique lorsque certaines normes scolaires n'étaient pas respectées, ou encore lorsqu'elles considéraient que la poursuite de la scolarité publique n'était plus utile à la réalisation de leurs projets personnels ou à la concrétisation de leurs espérances pour un grand avenir. L'éducation formelle dispensée à l'école publique contemporaine n'atteignait pas tous les individus et lorsqu'elle le fait par un taux considérable de généralisation, elle peut apparaître comme un mécanisme de sélection (... !). Plutôt que comme une source de connaissances et de compétence permettant et facilitant une insertion active et participative au sein de son milieu social. L'expression d'éducation formelle était utilisée par Derwey J. pour désigner le système mis en place par la société afin de transmettre l'ensemble des résultats et connaissances (en programmes) d'une génération à l'autre. Actuellement, cette expression est souvent remplacée par celle d'«Education de base» pour la distinguer de l'éducation complémentaire ou l'éducation continue ou encore l'éducation tout au long de la vie. Pour les pays en développement et en démocratisation comme le nôtre, tous les responsables et acteurs concernés sont appelés à réviser la notion de l'école clonée par l'Occident au sein de leur corps social mutilé par un Etat greffé sans analyse ni diagnostic. Et par là repenser et reconstruire l'école pour mieux l'adapter à son propre milieu social et en tirer profit. L'école doit être conçue comme un processus national et multi-dimentionnel, se poursuivant tout au long de la vie scolaire et universitaire et au-delà visant à préparer des citoyens à une participation informée, active, positive et responsable à la vie sociale, économique et politique au sein de leurs propres pays. La mise en œuvre effective de nouvelles pratiques à l'intérieur des écoles présuppose en particulier : - La reconnaissance par la société du rôle de l'école dans la promotion des objectifs de l'éducation à un enseignant démocratique, généralisé, en particulier en ce qui concerne la décentralisation des politiques d'éducation, la transparence des processus de décision et la responsabilité de l'ensemble des acteurs concernés ; - L'existence de possibilités d'apprentissage souples et multiformes, en particulier du point de vue de la structure des programmes d'enseignement, des méthodes d'enseignement et d'apprentissage, des procédures d'évaluation, des activités périscolaires et de leurs relations avec les activités scolaires sélectionnées ; - L'existence dans l'école d'un climat et de modèles de comportement ainsi que de normes, d'attitudes, d'idées et de pratiques, qui mettent en valeur la dignité de l'individu (enfant, adolescent et jeune homme), renforcent la participation et la responsabilité individuelle, réduisent le «programme caché !» et favorisent un mode de relation démocratique entre les élèves et les enseignants, entre les élèves et l'administration, entre les enseignants, l'administration et entre l'école et les parents d'élèves ; - Une certaine confiance en soi et un haut niveau d'attente à l'égard de l'éducation et des uns et des autres chez les enseignants et chez les élèves, en particulier en ce qui concerne la conviction de pouvoir atteindre des objectifs personnels et sociaux par l'étude et / ou l'enseignement des contenus proposés ; - Des relations de partenariat entre les écoles et d'autres institutions éducatives et non éducatives au niveau local, national et international, y compris les centres de recherches, les O.N.G, les associations professionnelles et locales, les syndicats, les institutions religieuses officielles, les petites et moyennes entreprises, les communes, etc. L'objectif de l'apprentissage d'une manière citoyenne démocratique change les écoles d'institution éducative de formation (reposant sur l'enseignement) en institutions éducatives de construction et de transformation individuelles (reposant sur l'apprentissage). Les écoles n'ont plus seulement pour tâche de communiquer des connaissances et de développer chez les élèves des comportements conformes à certains critères spécialisés / scientifiques préexistants mais de susciter et de favoriser leur apprentissage. Et les écoles ne peuvent mener à bien cette tâche qu'en développant des possibilités nouvelles d'épanouissement individuel reposant sur le respect de la personnalité et de la dignité individuelle. Ces possibilités sont liées à la diversification des connaissances (connaissances formelles, opératoires, critiques et modulables) et à la diversification des compétences (capacités d'adaptation, de reproduction, de construction et d'application) qui sont apprises, entretenues et développées à l'école. L'existence de possibilités multiples d'apprentissage constitue l'élément d'un milieu éducatif favorable. Selon B. Reardom (...) la classe doit jouer un rôle de soutien en aidant les élèves à se sentir importants, uniques et reconnus à leur juste valeur, en permettant aux élèves de travailler de manière autonome, en aidant les élèves à se sentir en sécurité et en confiance, en favorisant les relations d'empathie et d'amitié et le respect d'autrui, en organisant le travail coopératif entre les élèves, en permettant la reconnaissance des résultats et des différences, en donnant aux élèves la possibilité de se comprendre et d'exprimer leurs idées et sentiments, en prêtant beaucoup d'attention aux élèves dans les espaces (hors-classe) de l'école, surtout pendant les récréations rarement assistées par des attachés éducatifs bien formés. En offrant ainsi des contenus diversifiés et des moyens d'apprentissage actif dans un climat éducatif favorable, nos écoles deviennent des «micro-communautés démocratiques» dans lesquelles droits et responsabilités sont répartis de manière égale entre tous les acteurs et quotidiennement mis en pratique afin de réaliser les objectifs pour lesquels l'école a été établie et garantir la responsabilisation individuelle et collective souhaitée. (Fin)