Au début des années 1970, Hassan II a demandé l'aide des Etats-Unis sous Richard Nixon, pour protéger son homologue algérien Houari Boumédiène. Selon l'ancien roi, Gamal Abdel Nasser aurait usé de tous les moyens pour prendre le dessus sur le monde arabe, quitte à envisager d'éliminer le chef d'Etat algérien. Le soutien militaire et diplomatique entretenu entre le Maroc et le Front de libération nationale en Algérie, pendant la Guerre de libération qui a abouti à l'indépendance algérienne en 1961, a laissé place à un froid dans les relations entre les deux pays, en raison des divergences sur la démarcation des frontières. Les tensions sont montées crescendo, jusqu'à la confrontation armée qui a donné lieu à la Guerre des sables, en octobre 1963. Pour rappel, les affrontements ont pris fin avec une médiation de l'Organisation de l'union africaine (OUA) et les deux pays ont signé un accord de cessez-le-feu, le 20 février 1964 à Bamako (Mali). Le 19 juin 1965, Houari Boumédiène, jusque-là ministre de la Défense et vice-premier ministre, a mené un coup d'Etat militaire contre son compagnon de route, Ahmed Ben Bella, démis ainsi de ses fonctions. Au Maroc, ce changement a été perçu positivement par Hassan II (1961 – 1999), au point que ce dernier a envisagé de tourner la page de ces péripéties à travers une normalisation des relations avec le pays voisin. Hassan II appelle Washington à protéger Boumédiène de Gamal Abdel Nasser Les relations entre les deux pays ont commencé à s'améliorer progressivement. En 1969, Boumédiène s'est ainsi rendu au Maroc, où il a rencontré Hassan II à Ifrane. Un traité éponyme a été signé dans la ville, prévoyant l'abandon des revendications marocaines sur les territoires appelé Sahara oriental. Selon les récits historiques, le Maroc a continué sur la voie de la normalisation des relations avec l'Algérie, comme en atteste un document daté du 7 janvier 1970, déclassifié par le Département d'Etat américain. Dans celui-ci, Hassan II prévient même d'un possible assassinat visant Boumédiène. Ainsi, le roi a demandé à l'ambassadeur américain au Maroc, Henry Tasca, de prévenir Richard Nixon et de demander protection du président algérien auprès de ses services de sécurité, en raison des menaces d'un coup d'Etat soutenu de loin par son homologue égyptien, Gamal Abdel Nasser, aidé par son allié libyen, le colonel Mouammar Kadhafi. Dans ce contexte, Hassan II a fait part de «profondes préoccupations» face aux danger auquel les pays du Maghreb seraient confrontés, à cause du «nouveau régime militaire en Libye». Aussi le roi marocain a-t-il exprimé ses craintes que la prochaine étape du leader égyptien après son soutien au renversement de la monarchie en Libye soit celle de viser le président algérien, susceptible d'être remplacé par une «personne plus malléable au sein des dirigeants arabes». Dans ce sens, Hassan II a expliqué que l'éviction de Boumediene «contribuera grandement à accroître l'influence de Gamal Abdel Nasser et de l'Union soviétique en Tunisie et au Maroc». Dans ce sens, il a appelé à la prise des mesures nécessaires pour mettre un terme au projet régional nassérien, notant que si la question n'était pas prise au sérieux, il existerait «un danger réel sur toute la côte du sud de la Méditerranée, qui pourrait basculer vers un contrôle communiste». Un rapprochement entre Rabat et Alger En septembre 1970, Houari Boumédiène, le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah et le roi Hassan II assistent à la conférence de Nouadhibou en Mauritanie, où le chef d'Etat algérien a déclaré n'avoir aucune prétention stratégique dans le désert. Quant au roi du Maroc, il a évoqué le rapprochement maroco-algérien en ce début des années 1970. Lors d'une conférence de presse tenue en septembre 1974 et publiée dans le second volume de la série «Cahiers du Sahara» par le ministère de la Communication en novembre 2015, Hassan II réagit ainsi au sujet de la position algérienne concernant le Sahara : «Je suis satisfait tant que l'Algérie ne revendique pas ce qui appartient au Maroc. Le gouvernement algérien a officiellement annoncé, comme me l'a dit le président Houari Boumédiène, que c'est un homme qui a jusqu'à présent démontré respect et engagement. Il m'a dit que l'Algérie n'avait pas de convoitise dans le désert. Plus encore, il m'a demandé de le prévenir 48 heures à l'avance en cas de manœuvre militaire [contre l'Espagne, ndlr] pour qu'il puisse nous soutenir (…).» En 1974, la position algérienne était plus proche de celle du Maroc sur la question du Sahara, alors sous occupation espagnole, comme l'a déclaré le roi lors de la même conférence de presse : «Je compte sur le président de la prochaine session (des Nations unies), il est originaire des pays du Maghreb, M. Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères. Il veut éviter que son pays ne choisisse entre la nécessité de soutenir la Mauritanie ou le Maroc, et que c'est une situation à laquelle de nombreux pays arabes, africains et européens sont également confrontés.» Moins de trois mois après la Marche verte du 6 novembre 1975, l'Espagne a signé avec le Maroc et la Mauritanie l'Accord de Madrid sur la partition du Sahara entre le Maroc et la Mauritanie, ainsi que le départ des forces espagnoles de la région en février 1976. La Marche verte et la guerre Amgala Contrairement à ses positions antérieures, l'Algérie a mal accueilli la signature de cet accord, surtout à l'approche du départ de l'armée espagnole du désert. L'embarras a été tel que l'Armée nationale populaire algérienne s'est infiltrée le 27 janvier 1976 dans le village d'Amgala, au sud de la ville d'Es-Smara, et près de la frontière mauritanienne. Selon la version marocaine, la première brigade d'infanterie de l'armée algérienne a attaqué la ville d'Amgala, tandis qu'une autre a mené l'offensive sur la région de Tifariti. Une troisième brigade blindée s'est placé dans la région de Mahbas, adjacente à la frontière mauritanienne. Après avoir reçu ces informations, l'armée marocaine s'est empressée de repousser une intervention algérienne, poussant l'armée du pays voisin à déserter le champ de bataille, laissant derrière elle voitures et équipements. Dans son ouvrage «L'histoire du mouvement national», l'historien marocain Karim Ghellab évoque cet épisode : «La victoire à Amgala a marqué la fin de la guerre du Sahara, car les batailles qui ont suivi n'étaient que des guerres entre bandes. Si l'Algérie avait gagné la bataille d'Amgala, la région serait devenue un point stratégique pour une reprise de contrôle armée dans le désert.» Deux semaines après la bataille, le roi Hassan II écrit à Houari Boumédiène à ce sujet. Il s'est exprimé par ces mots : «Ce qui est arrivé est aussi surprenant qu'absurde. Les Forces armées royales se sont retrouvées, le 27 janvier 1976, face à l'Armée populaire nationale algérienne à Amgala, zone qui fait partie intégrante du Sahara.» Et d'ajouter : «Du sang a coulé entre nos deux peuples, parce que vous n'avez pas tenu vos promesses. Aussi voyez-vous que l'armée marocaine restée sur place a été trahie (…) Elle s'est confrontée à des unités de l'Armée nationale populaire algérienne lourdement armées et équipées, ce qui révèle son intention évidente de mener une opération destructrice, qui a d'ailleurs fait des dizaines de victimes parmi mes enfants et ceux qui se battent pour mon pays.» Un développement des divergences Le conflit maroco-algérien s'est développé après la guerre d'Amgala, pour prendre d'autres dimensions. Le Front Polisario, depuis les tentes de Tindouf, a autoproclamé la «République arabe sahraouie», le 27 février 1976. Hassan II a répondu à la décision prise par le Polisario et son allié algérien par une lettre adressée à l'armée marocaine, où il déclare ainsi : «Je ne vous cacherai pas la gravité de la situation sans non plus dramatiser la situation que vous connaissez. Nous sommes déterminés à défendre notre unité territoriale par tous les moyens possibles et assurer la sécurité de notre peuple.» Le 27 décembre 1978, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé la mort du président Houari Boumédiène, à qui Chadli Ben Djedid a succédé.