Si vous pensez que nos ancêtres connaissaient le tajine, la pastilla et le couscous comme nous le préparons aujourd'hui, détrompez-vous. Au fil des siècles, ces trois plats emblématiques du Maroc ont été influencés par des facteurs étrangers, des événements historiques, et l'échange de cultures culinaires qui se poursuit de nos jours. C'est un plat aussi délicieux qu'ancien qui est principalement associé aux peuples autochtones d'Afrique du Nord. Mais le nom de ce plat, servi dans un pot en terre cuite, remonte à l'Antiquité, lorsque la civilisation grecque a influencé les habitudes culinaires des méditerranéens. Pour Mary Ellen Snodgrass, auteure de «Encyclopedia of Kitchen History», (Editions Routledge, 2004), Tajine ou Tagine est une version empruntée du mot grec «Teganon», qui signifie «poêle à frire» et fait référence au récipient de service du plat lui-même. En effet, la même encyclopédie indique que ce plat célèbre des temps modernes «se compose d'un bol en terre cuite peu profond recouvert d'un couvercle perforé, qui reste en place pendant des heures de chauffage à séchage lent». Les références à ce pot, à ce plat et à sa technique étonnante remontent jusqu'à l'époque du cinquième calife abbasside Hâroun ar-Rachîd, qui régna au VIIIe siècle. En outre, les tajines ont également été mentionnés dans l'une des plus célèbres collections de contes populaires du Moyen-Orient. Selon Mary Ellen Snodgrass, «les aliments cuisinés à la manière d'un tajine apparaissent dans Alf Layla wa Layla (Les mille et une nuits), une collection d'histoires arabes apparue au IXe siècle de notre ère». Tajine, ce plat amazigh qui ne cessent d'évoluer Les tajines, comme d'autres plats marocains et nord-africains, ont été influencés par les changements que la région a traversés. L'auteure et cuisinière écossaise Chillie Basan indique dans son livre «Tagines & Couscous : Delicious recipes for Moroccan one-pot cooking» (Editions Ryland Peters & Small, 2015), que le plat amazigh «a évolué avec l'histoire de la région». Selon elle, ces changements sont survenus avec «des vagues d'envahisseurs arabes et ottomans, des réfugiés maures d'Andalousie et des colonialistes français». Les conquêtes arabes, par exemple, ont contribué à apporter des épices au Maroc, comme le gingembre, la muscade, le poivre noir, la cannelle et le clou de girofle, ont écrit Rob et Sophia Palmer. Selon eux, les Arabes ont également été responsables du mariage du sucré-salé lors de la cuisson des tajines. «Sous les Arabes, nous voyons le développement de plats qui sont désormais réputés comme les classiques de la cuisine marocaine avec des accords aigres-doux tels que les tajines de poulet aux olives et aux citrons, le bœuf aux noix et l'agneau aux abricots». La même chose s'est produite avec les Ottomans. Les deux auteurs rappellent bien que «les Ottomans n'aient jamais réussi à coloniser une partie du Maroc moderne, ils ont atteint ses frontières (orientales, ndlr) au XVIe siècle et leur art culinaire a filtré depuis les ports du Nord» du Maroc. Ici, Rob et Sophia Palmer font référence à «la ville de Tétouan, où nous voyons le plat tajine t'affia (…) édulcoré avec du sucre et des raisins secs et garni d'amandes frites».