Le camp d'Imider sur Jbel Albbane (province de Tinghir) a été rasé à coups de bulldozer par les autorités locales. Mardi, il a été levé par le Mouvement sur la route 96 qui l'occupe depuis 2011, annonçant une nouvelle étape de la mobilisation pour le droit aux ressources naturelles, pointant la mainmise par les exploitants miniers. Mercredi matin, les autorités locales de la province de Tinghir ont procédé à la démolition du camp d'Imider (Jbel Albbane). La veille, les occupants ont décidé de le vider, après concertations organisées par le Mouvement sur la route 96 qui l'investit depuis 2011. Le Mouvement, qui organise la mobilisation locale contre l'accaparement des ressources hydriques par les exploitants des mines d'argent voisines, a annoncé cette décision mardi soir dans un communiqué. Tel un pied-de-nez à l'accaparement des biens naturels communs, ce camp aura ainsi duré huit ans et trois mois. Omar Moujane, membre du comité de dialogue et du comité d'organisation du Mouvement sur la route 96, explique à Yabiladi que tout au long de cette période, «des revendications sociales, économiques et environnementales partagées avec les habitants d'Imider et des alentours des mines d'argent de la région, les plus grandes du Maroc, ont été portées mais n'ont jamais eu de répondant». «De son côté, la direction des exploitants de la mine a refusé d'entendre nos appels à la raison sur le respect des droits des populations locales à l'accès à l'eau, qui a été détournée pour leurs usines et que nous avons donc décidé de couper à travers ce camp», ajoute Omar Moujane. Sauver le mouvement de la récupération politique Tout au long de cette période, le Mouvement a également défendu un dossier revendicatif où chaque étape a défini un ordre de priorités des points qui n'ont pas été réglés. «Cela a été le cas en 2017, où nous avons par exemple appelé à ouvrir un dialogue tripartite avec l'administration exploitante des mines ainsi que les autorités», nous indique le militant, pour remonter aux origines de la situation actuelle. «Fin 2018, le dialogue est resté au point mort, même si nous avons eu de multiples rencontres avec la direction, les élus locaux et régionaux et même le ministre de tutelle, Aziz Rebbah», ajoute-t-il. Début 2019, le Mouvement dit s'être confronté à «un discours politique qui suggère une manipulation de la mobilisation populaire d'Imider». «Nous nous sommes rendus à l'évidence que certaines parties concernées tiraient profit en laissant la situation telle quelle, de manière à ce que notre dossier ne soit jamais résolu», confie encore Omar Moujane, qui nomme «principalement les manœuvres du PJD et des partis les plus représentés au niveau local, ainsi que les sociétés sous-traitantes dans les mines qui profitent de marges de bénéfice importantes en excluant la population locale des retombées de cette activité économique». Après proposition aux parties concernées d'une feuille de route pour trouver une issue, en juin dernier, «certains ont estimé que le dossier d'Imider était trop complexe et que des pressions de lobbys économique et politique font que les responsables n'osent pas s'aventurer au cœur du problème», nous explique le fer de lance du Mouvement de la route 96. «Nous avons refusé catégoriquement cette explication. Par conséquent, nous avons décidé de mettre fin à toutes les tentatives de diviser les militants du Mouvement 96, dont certains s'étaient déjà retirés du camp, afin de ne pas nous diviser. Notre division aurait profité à d'autres.» Omar Moujane L'évidence de passer à une autre forme de contestation Avant de prendre une telle décision, celle-ci a été débattue publiquement au cœur du camp avec l'ensemble de ses habitants, femmes, hommes et enfants, comme le veut la tradition d'«agraou» sur place. «La possibilité de lever le camp a été approuvée, ce qui nous a décidé à passer à l'acte», nous explique Omar Moujane, précisant que «cela ne veut pas dire que le combat touche à sa fin». «Nous envisageons d'autres formes de contestations, tout autant pacifiques, mais qui s'illustreront d'une autre façon et dont nous aurons décidées également de manière collective», souligne-t-il auprès de Yabiladi. Cinéma : Un documentaire en avant-première au cœur du camp d'Imider Cette expérience historique et inédite a été documentée, dès 2016, par le réalisateur Nadir Bouhmouch. Cette année-là, il a en effet posé sa caméra au cœur du camp, où il a mené des ateliers de travail avec la population locale qui a participé, de la sorte, à l'écriture et aux différentes étapes de la conception d'un documentaire immortalisant sa lutte. Grâce à celui-ci, intitulé «Amussu» la lutte d'Imider a bénéficié d'un nouvel écho international, puisque le film a été projeté dans plusieurs festivals internationaux, notamment celui de Toronto ou encore d'Agadir où il a été primé. Une lueur d'espoir pour la population d'Imider qui espère toujours une solution politique et économique.