Dans cette série, Yabiladi revient sur les grands lieux de pèlerinage juif au Maroc, visités annuellement par des milliers de fidèles et de curieux. Dans ce neuvième épisode, l'histoire de Shlomo Aben Danan et par extension, celle d'un lignée de Rabbins et d'un bijou architectural de la capitale spirituelle du royaume. Rabbi Shlomo Aben Danan (premier à gauche). / Ph. DR Rabbi Shlomo Aben Danan est inhumé au cimetière israélite de Fès. / Ph. DR Aben Danan n'est pas un nom inconnu pour les Marocains. C'est celui que porte de nos jours l'une des synagogues les plus célèbres de Fès et du Maroc, construite au XVIIe siècle et qui a été restaurée en 1996. Mais derrière ce bijou architectural du royaume se cache l'histoire d'une famille célèbre ayant offert au Maroc toute une lignée de rabbins, de chefs religieux et membres pieux de la communauté juive marocaine. Parmi eux, Shlomo Aben Danan. «Issu d'une famille prestigieuse, tant par sa généalogie que par la valeur de ses membres, pratiquement tous importants Rabbanim ou Dayanim (juges), il naquit à Fès le Chabbat 9 Sivane 5608 (1848)», raconte-t-on dans un article d'Univers Torah. «Les archives de la famille Aben Danan (Aben Danan) datent au moins du XIVe siècle, mais certaines traditions de la famille sont encore plus anciennes», précise-t-on dans «Encyclopédie des Juifs dans le monde islamique». Au XVe d'ailleurs, c'est Maimon Aben Danan, l'un de ses membres, qui s'installe à Grenade, à Al Andalus. Ayant constaté très tôt les capacités exceptionnelles de son fils, le père Rabbi Shlomo, Rabbi Moché confie alors son instruction aux Sages de Fès. Cependant, alors qu'il n'a que 30 ans et son fils 10 ans, Moché décède en 1858, laissant derrière lui Shlomo, orphelin. L'éducation du jeune homme est alors confié à son grand-père, Rabbi Chémouèl et à son oncle, Rabbi Its'hak, un grand érudit qui transmet ainsi ses connaissances au jeune Shlomo. Rabbi Shlomo se concentre alors sur l'étude de la Tora. «L'enfance de Rabbi Shlomo était très difficile (…) En dépit de cette grande tragédie et de la douleur qu'il a ressentie pour avoir perdu son père bien-aimé, le jeune garçon ne s'est pas détourné de l'étude de la Torah», précise de son côté le site Hevrat Pinto. Rabbi Shlomo Aben Danan. / Ph. DR Président du Tribunal rabbinique de Fès à l'âge de 30 ans Rabbi Shlomo n'a que 17 ans lorsqu'il entame l'étude de la Kabbale, tradition juive donnant une interprétation mystique et allégorique de la bible. «Doué d'une intelligence supérieure, à dix-huit ans, il commençait à donner aux jeunes gens de Fès des cours dans le même esprit que ceux des Yéchivote (écoles), les guidant ainsi dans l'apprentissage du Talmud et de la Halakha (Loi juive) et formant ainsi peu à peu des futurs Rabbanim», poursuit Univers Torah. Marié à l'âge 18 ans, Rabbi Shlomo se distingue à l'âge de 21 ans, soit en 1869, l'année où il est admis au tribunal rabbinique de Fès. «Les juges plus âgés ont reconnu son immense connaissance de la Torah et ont tenu compte de ses opinions pour chacune des décisions qu'ils devaient délibérer», précise-t-on. Des tombes au cimetière israélite à Fès. / Ph. DR Rabbi Shlomo Aben Danan réalise ensuite la moitié de son rêve d'enfant de se rendre en Palestine. En 1875, alors qu'il n'est âgé que de 27 ans, il entreprend le long périple avec son oncle Rabbi Its'hak Aben Danan. Toutefois, alors qu'il voulait s'y installer, le jeune Shlomo quitte alors la Palestine vers le Maroc. À son retour à Fès, il est alors nommé trésorier et chef de la communauté, pendant trois ans, avant de devenir Grand Rabbin et président du Tribunal rabbinique de Fès, alors qu'il n'avait que 30 ans. «Les autorités marocaines, qui connaissaient le grand respect que son peuple éprouvait pour lui, ont confirmé sa nomination au poste de Grand Rabbin et président de la Cour, en lui conférant les pleins pouvoirs d'un juge officiel», indique-t-on sur Hevrat Pinto. Un poste qu'il occupera pendant 50 ans, devant l'un des présidents rabbiniques les plus connus au Maroc. De plus, Rabbi Shlomo notait chaque jugement et décision qu'il avait prononcés. En 1901, il publie alors un ouvrage de compilation intitulé «Achèr Lishlomo» (ou Asher LeSlomo) où il documente «tous les problèmes halakhiques qui lui ont été soumis, directement ou indirectement, depuis les communautés d'Afrique du Nord, des villes de Salé, Rabat, et même de Gibraltar». Son lieu de prière, la synagogue Aben Danan, toujours conservé En 1920, il est nommé à la Cour de justice de Rabat, pour remplacer le grand Rabbin Rabbi Raphael Encaoua, premier Grand Rabbin du Maroc. Un an après, il revient à Fès pour récupérer son poste. Rabbi Shlomo rend l'âme à Fès entre 1927 et 1928, laissant derrière lui une communauté endeuillée. Il est inhumé au Cimetière Israélite de Fès, à en croire Rabbi Map. La synagogue Aben Danan à Fès. / Ph. DR Alors que son lieu de prière habituel était la fameuse Synagogue Aben Danan fondée à Fès au XVIIe siècle, celle-ci portera son nom. «Il se levait chaque matin avant l'aube, et se hâtait d'aller ouvrir les portes de la synagogue. Même à un âge avancé, il était toujours le premier arrivé et il priait avec toujours la même ferveur», raconte-t-on dans Univers Torah. La synagogue Aben Danan, avec des portes en bois en forme d'arche ornées de stucs et entouré d'une bordure en mosaïque à motifs à fort style marocain, morisque et islamiqud, sera fermée pendant plusieurs années. «Je pense que la synagogue a été fermée vers 1965 ou 1966 car très peu de Juifs vivaient encore dans le Mellah de Fès», confie à Yabiladi un membre de la famille Aben Danan. Le lieu de prière de Rabbi Shlomo Aben Danan, la synagogue Aben Danan à Fès après sa restauration. / DR Ce n'est qu'en 1996 que le Fonds mondial pour les monuments (WMF), en partenariat avec le ministère marocain de la Culture, la communauté juive de Fès et la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain restaurent la synagogue. En 1999, l'aide supplémentaire de membres de la famille Aben Danan vivant à l'étranger a permis d'ouvrir ses portes au public. Article modifié le 2019/07/27 à 13h41