Considéré comme l'un des plus grands poètes du monde arabe, Al-Moutanabi était connu pour son talent de l'éloge en poésie, louant les gloires des hommes de pouvoir les plus offrants, qui l'accueillaient dans leur cour. Cependant, ce sont poésies qui lui coûtèrent la vie. Au cœur du Moyen-Orient, les dirigeants abbassides (750 – 1258) portaient un intérêt particulier à la poésie, dans un monde arabe en évolution qui s'ouvrit sur le savoir et les sciences. Ainsi, des poètes, des écrivains et des intellectuels émergèrent à cette époque-là, enrichissant la culture arabe de leurs écrits qui devinrent des références. Parmi eux, Ahmed ibn al-Hussein ibn Hassan ibn Abdul Samad al-Jaafi Abou al-Tayeb al-Kindi, dit Al-Moutanabbi, qui vit le jour en 915 à Kûfa (Irak). La majorité de sa poésie était consacrée à sa personne, présentée comme celle d'un grand chevalier. Proche de la cour abbasside, Al-Moutanabbi enrichit la poésie arabe par ses proses panégyriques. Un culte de la personnalité voué à soi-même Selon certaines sources, ce poète fut appelé Al-Moutanabbi pour avoir proclamé sa prophétie, comme le souligna Mohamed Yusuf Fran dans «Al-Moutanabbi, le chant éternel du désert». En effet, celui-ci rappela lorsqu'Al-Moutanabbi partit vivre au sein de la tribu de Banu Kalb, «il prétendit avoir des origines Alaouites husseini. Il fit croire ensuite à sa prophétie, puis à ses liens avec Ali ibn Abi Talib, jusqu'à ce que des tribus damascènes aient démontré ses mensonges». Ainsi fut-il arrêté pendant un long moment où il faillit être tué, avant de se repentir. La même source rappela, selon Abou Abdullah Muath bin Ismaïl, cette scène survenue à Lattaquié et confirmant à quel point Al-Moutanabbi se vouait particulièrement un culte à lui-même : «Lorsque nous étions devenus plus à l'aise dans nos rapports, je restai un jour seul avec lui à la maison pour apprécier ses prestations et sa poésie. Je lui dis : Dieu, vous êtes un jeune homme redoutable digne d'un grand roi. Ce à quoi il rétorqua : mais sais-tu ce que tu dis ? Je suis un prophète qui a été envoyé ! Pensant qu'il plaisantait, je répondis : et que fais-tu en tant que tel ? Il m'affirma alors qu'il emplissait la terre de justice après avoir vu la tyrannie y triompher.» Par ailleurs, Ayman Ali Al-Sayyad rappela dans «Al-Mutanabi, entre poète et complots de poètes» que cet homme «se distinguait par sa grande culture et sa poésie» en tant que «fin connaisseur de tous les domaines du savoir». De cette manière, Al-Moutanabbi gagna en notoriété, devenant une source d'inspiration intarissable pour les poètes et écrivains. D'ailleurs, l'édition n°173 de Daawat Alhaq le souligna : «Abou al-Tayeb Al-Moutanabbi fut un grand poète par excellence. Il occupa une place de choix, mais il fut victime de ce grand succès qui lui créa beaucoup d'ennemis. Malgré leur prestige et la qualité de leurs poèmes, beaucoup ne purent atteindre sa célébrité. Ils auraient pu être plus connus s'ils n'avaient pas vécu à la même époque.» La diatribe qui lui coûta la vie Conscient de toutes ses qualités et bien plus, Al-Moutanabbi excellait dans l'éloge des plus offrants et dans les diatribes à l'encontre de ceux qui ne lui consacrait pas la fortune qu'il considérait mériter. Il vécut ainsi en 'nomade' des cours princières et califales, jusqu'en 948, lorsqu'il rejoignit celle de l'émir abbasside Ali Sayf al-Dawla à Alep, ne tarissant pas d'éloges à son égard. Neuf ans et demi plus tard, le poète partit pour l'Egypte, où il couvrit d'éloges l'eunuque puis gouverneur ikhchidide Abû al-Misk Kâfûr. Dans cette vie princière, il arriva cependant à Al-Moutanabbi de se fendre d'une diatribe à l'encontre du célèbre coupeur de route égyptien Dabba ibn Zayd al-Assadi qui s'en souvint fidèlement en lui préparant une vengeance. Sur son chemin du retour à Kûfa, Al-Moutanabbi rencontra justement Fātik ibn Abī Jahl al-Assadi, qui était l'oncle de Dabba. Se sentant cerné par les hommes de Fātik, le poète songea à prendre la fuite, mais son jeune accompagnateur lui rappela les propos qu'il avait bien tenus à l'égard de Dabba. Al-Moutanabbi rétorqua alors avec sa poésie éloquente, arguant que «la gloire est pour l'épée, non pas pour la plume». Il s'entretua alors avec Fātik jusqu'à la mort, décédant en 965. Malgré ce décès tragique, la poésie d'Al-Moutanabbi constitua un prolongement éternel de sa vie. En effet, ses textes furent étudiés à travers les siècles, inspirant chercheurs et poètes, toujours édités jusqu'à nos jours, comme le rappela Abdelaziz Dassouqi dans son œuvre consacrée à ce géant de la panégyrie arabe.