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L'expédition de Mo'ta
Publié dans Jeunes du Maroc le 25 - 12 - 2005

Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Ce soir nous parlerons de ‘Oumrat al-Qada' (petit pèlerinage de l'acquittement) parce qu'il est étroitement lié au traité de Al-Houdaïbya, également de la conversion de Khaled ibn Al-Walîd et ‘Amr ibn Al-‘Âç, de la correspondance du Messager d'Allah (BP sur lui) avec les rois et en dernier lieu de la bataille de Mo'ta.
Le Traité de al-Houdaïbya stipulait que les Musulmans devaient repartir en l'année 6 de l'Hégire sans accomplir leur ‘Oumra et revenir un an après. Le Messager (BP sur lui) partit donc pour la Mecque l'année suivante au mois de Dhul-Qui‘da. Il a insisté pour que tous ceux qui avaient assisté avec lui à la signature du traité l'accompagnent. Ces personnes avaient été découragées de ne pouvoir accomplir leur ‘Oumra l'année d'avant et il voulait leur redonner confiance et leur rendre leur dignité. Ce verset fut révélé - il peut-être traduit par - : “ Allah a été véridique en la vision par laquelle Il annonça à Son messager en toute vérité : vous entrerez dans la Mosquée Sacrée si Allah veut, en toute sécurité, ayant rasé vos têtes ou coupé vos cheveux, sans aucune crainte. Il savait donc ce que vous ne saviez pas. Il a placé en deçà de cela (la trêve de Houdaybiya) une victoire proche. " (TSC[i], Al-Fat-h (LA VICTOIRE ECLATANTE) : 27).
Le départ vers la Mecque :
Le Prophète (BP sur lui) partit pour ‘Oumrat al-Qadâ' accompagné de deux mille hommes et femmes. Lorsqu'il donna l'ordre à cent cavaliers de s'apprêter, Abou Bakr lui rappela qu'une clause du traité défendait le port des armes. Il lui répondit qu'il les prenait par crainte de la traîtrise des ennemis et qu'il allait les garder hors de la Mecque s'il ne devait pas en avoir besoin.
Le Musulman doit être perspicace et non naïf.
A son arrivée aux environs de la Mecque, le Prophète (BP sur lui) fit avancer les cavaliers devant lui pour envoyer un message qui semblait dire aux Quraychites “attention à la traîtrise”. Ces derniers s'inquiétèrent et Souhayl ibn ‘Amr qui avait signé avec le Prophète le traité au nom de Qoraïche vint lui demander s'il se rappelait de la clause qui lui défendait le port des armes. Le Prophète (BP sur lui) lui répondit qu'il ne les avait pas amenés pour combattre. Souhayl comprit sa pensée et lui dit : “Nous savons que tu ne manques jamais à tes serments.”
Remarquez-vous depuis que nous parlons de la Sira, le Messager d'Allah (BP sur lui) d'Allah n'a jamais menti, ni commis de traîtrise ? De nos jours, il semble pour un politicien ou un homme d'affaires que réussir sans louvoyer est une chose impossible, mais notre Prophète (BP sur lui) y a réussi. Bien qu'il lui ait toujours fallu planifier d'avance sans attendre la révélation du ciel, il n'a jamais menti ni commis de traîtrise et même son ennemi le reconnaissait.
A leur entrée à la Mecque, le poète ‘Abdillâh ibn Rawâha qui accompagnait le Prophète (BP sur lui) se mit à réciter des vers. Il disait :
Ô vous les mécréants, libérez sa voie,
Sur laquelle tout le bien s'y trouve
Ô Allah, en ses paroles je crois
Et la vérité est ce qu'il approuve.
‘Omar ibn Al-Khatab, toujours très sérieux, le réprimanda et lui dit : “Tu récites des vers quand tu es avec le Messager (BP sur lui) en état de consécration à ton entrée à la Mecque ?” Le Messager (BP sur lui) lui dit : “Laisse le ‘Omar, ses vers sont plus efficaces contre Qoraïche que des flèches.”
Voyez, comme je le répète souvent, comment les arts et la culture peuvent être importants pour la société à condition d'être de haute valeur morale. Notre Prophète (BP sur lui) le réalisait.
Pour laisser la place libre aux Musulmans, les mécréants de la Mecque escaladèrent les montagnes environnantes d'où ils pouvaient avoir vu sur la Ka‘ba. Abou Soufiâne et ‘Ikrima ibn Abi Djahl, craignaient l'enthousiasme qui pouvait naître pour l'Islam à la vue de ceux qui accomplissaient la ‘Oumra. Ils firent circuler la rumeur que ces derniers avaient une maladie de peau contagieuse. Le Messager (BP sur lui) le sut et dit à ses compagnons : “Allah recouvrira de Sa miséricorde celui qui leur fera apparaître sa force aujourd'hui.” Il leur dit également de découvrir leur bras droit et de faire les trois premiers tours de circumambulation au pas de trot. Les gens de Qoraïche en furent étonnés et troublés. Deux ans après, en accomplissant le pèlerinage, le Prophète (BP sur lui) refit la même chose et dit à ‘Omar qui s'en étonnait : “Ô ‘Omar, cela sera ma tradition pour l'éternité.” C'est à dire l'union de la force à la foi.
Après avoir terminé les rites de la ‘Oumra, le Prophète (BP sur lui) envoya demander aux gens de Qoraïche s'ils acceptaient de venir prendre un repas avec lui. Il ne pensait qu'à diffuser son Message et n'avait jamais de ressentiments même envers ses pires ennemis. Ils refusèrent fermement, lui répondirent que les trois jours de la ‘Oumra étaient terminés et qu'il devait s'en aller.” Sa‘d ibn ‘Oubâda, un Ançâry qui était près du Prophète (BP sur lui), se fâcha pour lui et dit : “Ce n'est pas votre terre, ni la terre de vos pères, elle appartient au Messager d'Allah qui n'en partira que sauf et la tête haute.” Le Prophète se tourna vers lui en souriant et lui dit : “Ô Sa‘d, nous n'offensons pas ceux qui se trouvent chez nous.” Ensuite, s'adressant aux Musulmans, il dit : “Ô vous les Musulmans, que le soleil ne se couche pas avant que vous n'ayez tous quitté les lieux.” Aucun homme ne s'attarda car le Prophète (BP sur lui) ne mentait jamais ni ne faisait défaut à ses serments. Il aimait unir les gens, pas les disperser.
De nos jours, nous oublions ce trait du caractère de notre Prophète et nous nous querellons au sujet de tout et de rien. Nous sommes en décadence parce que nos pays sont tous dissociés et ne savent pas se mettre d'accord.
Avant de partir de la Mecque, le Prophète (BP sur lui) envoya un message à Khaled ibn Al-Walid qui n'éprouvait pas de l'inimitié pour l'Islam mais exécutait seulement les ordres de Qoraïche comme le militaire accompli qu'il était. Le Prophète (BP sur lui) lui disait : “Tu as tardé à nous rejoindre Khaled, peux-tu encore ignorer l'Islam avec ton intelligence ?” Pourtant Khaled avait été la cause de la mort de Hamza l'oncle bien-aimé du Prophète (BP sur lui) mais tout ce qui importait à ce dernier était de servir son Message. Voyez-vous la bonté et la pureté de son cœur qui attirait les gens vers l'Islam.
Comme tous les coeurs humains, celui de Khaled fut attendri par les bonnes paroles du Prophète (BP sur lui) qui a su le toucher. Il racontait et dit qu'il fit un songe le soir même où il se voyait sortir d'une terre étroite vers une autre large et verdoyante. Il avouait encore que, à chaque fois qu'il se mettait contre Mohammed, il savait que ce dernier allait triompher. Il décida d'aller vers lui mais, comme il était un homme positif, il voulut servir la cause tout de suite et convaincre quelques-uns de ses compatriotes de la nouvelle religion pour les emmener avec lui. Il s'en alla vers Safwân ibn Oumayya et ‘Ikrima ibn Abi Djahl qui refusèrent. Il pensa alors à Othmân ibn Talha qui avait la garde des clefs de la Ka‘ba et qui accepta.
En route vers Médine, les deux hommes rencontrèrent ‘Amr ibn Al-‘Âç qui, après Al-Houdaïbiya, avait compris que Qoraïche avait perdu sa guerre contre Mohammed et était allé se réfugier chez son ancien ami An-Nadjachy empereur d'Ethiopie. A son arrivée, il vit ‘Amr ibn Oumayya qui apportait un message à l'empereur de la part du Prophète (BP sur lui). ‘Amr, furieux contre l'homme, dit à An-Nadjachy, de le laisser lui couper la gorge parce qu'il était de ses ennemis. L'empereur se mit en colère et lui dit : “Je te laisse tuer le messager du Messager d'Allah ?” ‘Amr reprit : “Est-il réellement le messager d'Allah ?” l'Empereur dit : “Oui et, par Allah, j'ai embrassé sa religion.” et il conseilla à ‘Amr de faire comme lui. Les trois hommes, Khaled ibn Al-Walîd, Talha et ‘Amr continuèrent vers Médine. Le Prophète (BP sur lui) les reçut avec beaucoup de joie et dit à ses compagnons : “Voilà la Mecque qui vous jette ce qu'elle a de meilleur comme hommes.” Il fit des invocations pour Khaled et pria Allah de lui pardonner toutes ses fautes passées. Avant de prononcer son serment d'allégeance, ‘Amr posa la condition d'avoir toutes ses fautes pardonnées et le Prophète (BP sur lui) lui dit que l'Islam efface toutes celles qui le précèdent.
L'invitation à l'Islam en dehors de la péninsule arabique :
Le Prophète (BP sur lui) commença à envoyer des messages aux rois pour les inviter à l'Islam comme celui envoyé à l'empereur des Byzantins qui disait “ De Mohammed le messager d'Allah à Héraclius, empereur des Byzantins. Embrasse l'Islam et tu auras le salut”. Il envoya le même message à l'empereur d'Egypte, de Perse et à tous les rois. Après Al-Houdaïbiya, voyant qu'il n'y aurait plus de guerre à l'intérieur de la presqu'île arabe et que le sujet de la religion y avait été tranché, il voulait continuer à diffuser son Message à la Terre entière. Cette correspondance aida à la prochaine victoire de la Mecque parce que Qoraïche allait ainsi réaliser que la religion devenait mondiale et n'était plus un conflit intérieur entre Mohammed et eux.
Héraclius avait lu le message du Prophète (BP sur lui) et avait dit à ses gens : “Trouvez-nous quelqu'un de chez lui qui puisse nous en parler.” Ils trouvèrent Abou Soufiân venu en commerce. L'empereur le fit asseoir, plaça les compagnons venus avec lui derrière et leur dit : “Je vais lui poser des questions et s'il ment vous lèverez la main.” Il s'adressa à Abou Soufiân et cette conversation eut lieu entre eux :
“ Quelle est la lignée de cet homme parmi vous.”
Abou Soufiân étonné que l'empereur ait eu connaissance du Prophète dit : “ Il est d'un certain rang.”
Manque-t-il à ses promesses ?
Non.
“Ment-il ?”
“Non.”
Ses adeptes augmentent-ils ou diminuent-ils ?
Ils augmentent.
“Y en a-t-il de ceux qui apostasient par mécontentement contre lui ?”
“Non, jamais.”
“Et que leur ordonne-t-il ?
“La véracité, la chasteté, la préservation des liens de famille et la Salat (prière).”
Héraclius dit : “Si ce que tu dis est vrai, cet homme héritera de la terre où je me trouve.”
En sortant de chez l'empereur Abou Soufiân dit à ses compagnons que Mohammed était devenu bien trop connu et qu'il allait sûrement triompher d'eux.
Le Prophète (BP sur lui) avait envoyé aux rois quatorze messages tamponnés d'un sceau. Ses Compagnons lui avaient dit que les rois ne reconnaissaient que les messages ainsi tamponnés et il montrait qu'il n'y avait aucun mal à suivre des mœurs étrangères. Quatorze messagers qui parlaient des langues étrangères partirent. Il ne faut pas s'en étonner parce que le Prophète (BP sur lui) avait un jour ordonné à Zayd ibn Thâbit d'aller apprendre l'Hébreu et de ne pas retourner avant de l'avoir perfectionné ce qu'il fit en dix-huit jours. Médine n'était pas un pays pauvre et faible, le Prophète (BP sur lui) y encourageait tous les talents et elle en était pleine.
Nous avons besoin de talents pareils pour réussir notre renaissance et pas seulement de jeunes gens qui ne connaissent de la religion que la pratique du culte.
A la réception du message, l'empereur des Perses, furieux de voir que le Prophète (BP sur lui) avait mis son nom avant le sien, déchira la lettre. Le Messager (BP sur lui) dit en recevant cette nouvelle : “Puisse Allah lui déchirer son royaume.” L'empereur envoya dire à Bazin son vassal au Yémen d'envoyer deux hommes pour lui amener Mohammed à qui il voulait donner une leçon de politesse. Le même jour, le fils de l'empereur l'avait tué et son royaume fut déchiré. Lorsque les deux messagers venus du Yémen arrivèrent devant le Prophète (BP sur lui), il leur sourit et dit : “Retournez dire à Bazin que mon Seigneur a tué le sien.” Bazin embrassa l'Islam à la suite de cette histoire et le Prophète (BP sur lui) le garda à la tête de son pays jusqu'à sa mort durant le pèlerinage d'adieu (dernier pèlerinage du Prophète).
Les quatorze ambassadeurs munis de messages de la part du Prophète aux rois retournèrent sains et saufs à part Al-Hârith ibn ‘Amr ibn ‘Oumaïr al-Azdy. Il avait été envoyé aux Ghassanides dont le royaume se trouvait aux confins de la Syrie en bordure de l'empire byzantin. Ils étaient chrétiens et formaient une sorte d'état tampon entre les Byzantins et les Arabes. Ils tuèrent Al-Hârith.
L'expédition de Mo'ta :
Quand le Prophète reçut la nouvelle de la mort de son messager, il appela les gens à se réunir à la mosquée et leur tint ses paroles : "votre frère et mon messager Al-Hârith a été tué. Que celui qui croit à Allah et au jour du jugement dernier se prépare demain après la prière du fadjr à aller combattre les Ghassanides."
Le Prophète a réagi à la mort de son messager en déterrant la hache de guerre pour diverses raisons. Avant tout, il pouvait tout accepter sauf d'être trahi, et nous avons vu comment il a agi avec les Beni Qoraïdha et à la rumeur que Othman fut tué à Al-Houdaïbiya. Et puis, s'il ne réagit pas à cette trahison qu'ont commis les Ghassanides, les autres tribus en feraient autant et il ne pourrait plus asseoir sa mission en Arabie et de là, appeler à Dieu en toute quiétude. Mais aussi, parce que le Prophète tenait beaucoup à ses frères et ses compagnons et il ne put laisser mourir son messager sans le venger. Ceci ne peut qu'augmenter le sentiment d'appartenance des musulmans à leur communauté quand ils verront que toute une armée s'est ébranlée pour venger la mort d'un seul homme.
Trois mille compagnons se sont rassemblés tôt le matin. Les Ghassanides étaient une grande puissance dans la région, et mille kilomètres les séparaient de Médine. Cela ne découragea pas les musulmans pour autant. Le Prophète les fit attendre jusqu'à ce qu'il accomplisse la prière du vendredi, mais ne les laissa pas prier avec lui sous peine de prendre du retard pour partir. Quand il termina sa prière, il passa en revue l'armée et ne trouva pas Abdellah Ibn Rawaha. Celui-ci apparut peu après et le Prophète l'interrogea sur ce qui l'avait retenu. Abdellah lui dit qu'il a voulu gagner la rétribution de la prière avec le Prophète et il s'est dit qu'il arriverait en tout cas à rejoindre l'armée à temps. Cette justification ne plut pas au Prophète, et son visage devint rouge de colère. Il dit : "sais tu la différence entre toi et ceux là qui se sont préparés depuis l'aube ? Ce qui sépare entre l'orient et l'occident. Par Allah un combat dans le sentier d'Allah vaut mieux que tout le bien du monde." Abdellah s'en affligea et dit à part lui : Par Allah je ne saurai réparer cette faute qu'en tombant martyr dans cette bataille.
Le Prophète ne sortit pas avec eux. Non qu'il fût âgé, d'ailleurs il aura à sortir dans deux expéditions après cela, mais il voulait par là, ancrer dans l'esprit de ses compagnons le sens de la responsabilité et les préparer pour l'avenir quand il ne sera plus parmi eux. Comme quoi il n'est pas le seul responsable de ce message dont il est porteur. Sentons-nous cette responsabilité aujourd'hui ? Avons-nous conscience de la charge qui nous incombe en étant musulmans ? Avons-nous repris le relais de notre bien aimé pour le porter aux autres nations comme il s'est appliqué à le faire ? Sommes-nous entrain de marcher sur les pas du bien aimé ?
Le Prophète se tint devant l'armée et lui désigna son chef. Il leur dit : "Zayd Ibn Haretha prendra le commandement. S'il meurt, Jaâfar Ibn Abi Taleb le remplacera, s'il meurt, ça sera à Abdellah Ibn Rowaha de prendra le commandement. S'il meurt choisissez qui vous plaira." Zayd était un esclave affranchi par l'Islam, et Jaâfar Ibn Abi Taleb était absent durant quinze ans en Ethiopie. Parmi les troupes se trouvait un soldat aguerri et un personnage qui était un noble parmi les siens ; Khaled Ibn Al Walid. Mais Khaled venait à peine d'embrasser l'Islam et le Prophète ne lui destina pas le commandement pour le laisser consolider d'abord sa foi.
Avant que l'armée ne quitte Médine, un juif qui connaissait bien la Thora vint au Prophète et lui dit : ô Aba Al Qasem, il est connu dans nos livres que les prophètes quand ils désignent un chef de guerre et désignent aussi son successeur en cas où il mourrait comme tu viens de le faire est un signe que les deux premiers vont mourir car les prophètes ne mentent pas, n'est ce pas ô Aba Al Qasem ? Le Prophète ne répondit pas, alors le juif dit à Zayd Ibn Haretha : "va chez ta famille, fais leur les adieux et embrasse tes enfants car tu ne les verras plus après ce jour, et si tu les revoyais sache que votre prophète est un menteur". Zayd Ibn Haretha lui répondit : Par Allah je sais qu'il est le messager d'Allah. Je ne ferai pas marche arrière et je ne ferai pas d'adieux à ma famille et je fais confiance à Allah car c'est lui mon mandataire !
Puis le juif se tourna vers Jaâfar Ibn Abi Taleb et lui tint les mêmes paroles. Jaâfar répondit comme l'avait fait Zayd et ne voulut pas aller faire ses adieux aux siens et s'en remit à Allah.
L'armée s'ébranla et les femmes de Médine sortirent pour faire les adieux aux combattants, elles répétèrent : que Dieu vous garde, que Dieu vous apporte la victoire et Son soutien et qu'Il vous fasse revenir pieux et bienfaisants !
L'armée des musulmans partit donc vers les Ghassanides. Ils arrivèrent au lieu dit Mo'ta et surent que les Ghassanides s'étaient préparés à les combattre et avaient mobilisé cent mille hommes, soutenus par cent mille autres envoyés par les romains à la demande des Ghassanides qui eurent peur des musulmans qui étaient renommés pour être des grands guerriers. Ce qui fit deux cent mille hommes dont cinquante mille cavaliers !
Quand Zayd vit le grand nombre de l'ennemi, il réunit ses compagnons et leur demanda conseil. Ils n'avaient le choix que de revenir à Médine et dire que l'ennemi était au dessus de leurs forces, mais le pouvaient-ils ? Eux qui étaient venus venger la mort de leurs frères, pouvaient-ils désobéir à l'ordre du Prophète ? Abdellah Ibn Rawaha leur dit alors : "n'est-ce pas que vous n'êtes sortis que pour retrouver ce que vous craignez maintenant, n'est-ce pas que vous êtes tous sortis pour gagner le martyr ? Nous ne les combattons ni avec des armes ni avec des équipements, mais nous les combattons avec notre foi et notre religion, ayez confiance en Allah et allez à la rencontre de l'ennemi."
Les musulmans partirent au combat mais non avec témérité. Ils étaient trois mille alors que l'ennemi comptait deux cent mille hommes dans ses rangs. Ils réfléchirent et surent que s'ils s'affrontaient dans une plaine, l'ennemi les décimerait en un clin d'œil. Alors ils cherchèrent un lieu qui serait bordé des côtés par un bois, et derrière par des habitations, de sorte que l'ennemi ne pourrait les combattre qu'avec le même nombre que le leur !
Zayd choisit donc le village de Mo'ta et s'y fortifia. Les Ghassanides et les romains quand ils arrivèrent à ce lieu trouvèrent les musulmans dans le village et ne purent les attaquer que de front et en petites troupes à cause notamment de l'exiguïté du lieu. Ils durent arranger leurs troupes de façon à ce que seules les premières rangées étaient en contact avec les musulmans et que le reste de l'armée resta en arrière sans combattre.
La bataille commença et elle dura six jours, durant lesquels peu de musulmans moururent, douze seulement d'entre eux tombèrent en martyrs. Et le nombre de morts dans les rangs de l'ennemi était plus grand.
Au bout du sixième jour, les romains décidèrent de changer de plan. Leur chef leur dit qu le secret de la ténacité des musulmans était dans la personne de leur chef, celui qui tenait l'étendard. C'était Zayd qui tenait l'étendard des musulmans. Dès qu'ils reprirent les combats, ils se sont tous mis à tirer sur Zayd. Les compagnons racontaient qu'il était devenu tel un porc-épic tellement il avait reçu des lances et des flèches. Zayd mourut et la prédiction du Prophète se réalisa.
Le Prophète qui était à Médine, par la puissance de Allah put voir le déroulement de la bataille. Il dit à ses compagnons qui étaient assis avec lui : "je vois Zayd qui prend l'étendard, il combat avec courage et le voilà qui tombe martyr et je le vois maintenant au paradis."
Jaâfar prit l'étendard de Zayd et se lança dans la bataille. Tous les romains chargèrent contre lui à tel point qu'il dut descendre de son cheval et combattre à pied. L'un des romains le frappa et lui coupa le bras droit. Jaâfar ne recula pas et saisit l'étendard de son bras gauche. Là, les romains le frappèrent encore et lui coupèrent l'autre bras. Jaâfar ne tomba pas mais prit l'étendard sous son aisselle ! Les romains l'achevèrent en lui donnant un coup dans le ventre.
Le Prophète toujours assis avec ses compagnons à Médine leur décrit la scène et leur dit : "je vois Jaâfar qui prend l'étendard, il combat avec bravoure, on lui coupe son bras droit, il prend l'étendard avec son bras gauche, on lui coupe son bras gauche, il prend l'étendard sous son aisselle. Il meurt, je le vois maintenant au paradis qui vole avec deux ailes en diamant qu'Allah lui a substituées à ses bras coupés !"
Les compagnons racontaient qu'en parlant le Prophète pleurait jusqu' ce que sa barbe se mouillât. N'est-ce pas qu'il venait de perdre deux êtres chers à lui ; Zayd qu'on appelait le fils de Mohammed et Jaâfar son cousin et fils de son protecteur, son oncle Abou Taleb.
Abdellah Ibn Rowaha prit l'étendard de Jaâfar mais hésita un moment. Il savait qu'il mourrait comme l'avait prédit le Prophète comme sont morts les deux premiers chefs, alors il dit de jolis vers pour se donner le courage et fonça dans l'arène de la bataille. Son cousin qui était à l'arrière garde vint et lui donna une cuisse de poulet cuite et lui dit de manger car il était épuisé. Abdellah mordit à la cuisse puis se dit à part lui : que fais-tu là ô Abdellah ? Es-tu encore en vie ? Par Allah tu dois être en ce moment avec tes deux amis". Il jeta la nourriture et reprit le combat et mourut. Le Prophète dit à ses compagnons : Abdellah est mort et je le vois au paradis. Je vois Zayd sur un lit en or au paradis, je vois à ses côtés Jaâfar Ibn Abi Taleb sur un lit en or, et je vois Abdullah sur un lit en or mais qui est légèrement en dessous de ceux de ses amis". Les compagnons lui demandèrent pourquoi et il leur répondit : parce qu'il a hésité un instant !
Que diront les gens parmi nous qui hésitent depuis une vingtaine d'années ? Que diront les filles qui hésitent à porter le voile ? Tous ceux qui hésitent à défendre la cause de Allah et Son Prophète ?
A la mort de Abdellah ; Thabet Ibn Akram prit l'étendard et appela : "ô Aba Souleymane, ô Aba Souleymane..." Khaled Ibn Al Walid vint et Thabet Ibn Akram, un compagnon qui avait combattu à l'expédition de Badr, lui passa l'étendard. Khaled Ibn Al Walid refusa et lui dit : "tu mérites de le porter plus que moi, tu as combattu à Badr aux côté du Prophète alors que j'étais son ennemi ce jour là." Mais Thabet insista car il connaissait les qualités guerrières de son compagnon. Khaled prit l'étendard et entra dans la bataille, il raconta par la suite qu'il avait cassé neuf épées ce jour là tant la bataille était rude.
Quand la nuit tomba et que les deux armées se séparèrent, Khaled réunit son armée et tint conseil. Il leur dit que cette bataille ne saurait se terminer par une victoire, et qu'il était plus judicieux pour eux de se retirer, puisque ils ont vengé leur frère et obéi à l'ordre de leur Prophète. Ses compagnons trouvèrent son avis juste et acceptèrent de se retirer. Mais comment allaient-ils le faire, car s'ils se retiraient dans le désert les romains et les Ghassanides les anéantiraient.
Khaled Ibn Al Walid qui était un fin stratège mit au point un plan pour se retirer sans être suivis. Ce plan est aujourd'hui enseigné dans les grandes écoles militaires du monde, car c'était le plan de retrait le plus ingénieux de l'Histoire.
Khaled voulut briser le moral de l'ennemi en lui faisant croire qu'il y avait une nouvelle armée, pour cela il ordonna à ses compagnons de se laver et de laver leurs habits et de coudre de nouveaux étendards avec d'autres inscriptions. Puis il dit à ceux qui se trouvaient dans l'aile gauche de l'armée de prendre la place de ceux qui se trouvaient dans la droite et ceux de l'arrière garde de remplacer ceux de l'avant-garde, car la bataille durait depuis six jours et les deux armées se sont habituées l'une à l'autre chaque aile de son coté. Cette manœuvre fera croire à l'ennemi à une nouvelle armée quand ils verront de nouveaux visages devant eux et des soldats propres avec des étendards nouveaux.
Mais il fallait plus que cela pour tromper l'ennemi. Khaled Ibn Al Walid détacha trois cents cavaliers et leur dit de se tenir loin derrière l'arène de la bataille et d'attendre juste après le lever de soleil et que les deux armées se tiennent en face, ils feront bouger leurs chevaux pour provoquer une levée de poussière pour faire croire à un mouvement de troupe. Puis ils se diviseront en cinq partie et rejoindront le devant de l'armée une par une et demanda au reste de l'armée de scander haut et fort 'Allah est plus grand' à chaque fois qu'une troupe de cavaliers apparaisse à l'horizon. Quand toute la cavalerie aura rejoint le reste de l'armée, ils attaqueront l'ennemi furtivement et dès que Khaled criera ' ô croyants ayez confiance en Allah' toute l'armée se retirera, car il était sûr que l'ennemi ne les suivrait pas croyant que les musulmans leur tendaient un piège.
Le Prophète à Médine dit à ses compagnons : « Khaled prend l'étendard, un sabre parmi les sabres de Dieu est retiré de son fourreau, et par sa main des batailles seront gagnées. »
Le matin, les musulmans se mirent à exécuter le plan. Les romains à la vue des musulmans crurent qu'ils avaient devant eux une nouvelle armée et une rumeur courut parmi eux que l'autre armée qu'ils combattaient depuis des jours était restée en arrière se reposer. Quand les cavaliers se mirent à paraître derrière l'armée musulmane par troupes successives, les romains eurent peur et les compagnons disaient avoir vu la mort dans leurs yeux. Les musulmans attaquèrent et tuèrent trois cents romains puis Khaled cria sa phrase et les musulmans se mirent à se retirer. Les chefs romains ordonnèrent à leurs soldats de ne pas les suivre sous peine de tomber dans le piège des musulmans !
Les musulmans se retirèrent sans que les romains les suivent. Arrivés à Médine, des femmes reçurent les combattant avec mécontentement en les traitant de fuyards. Mais le Prophète les arrêta et ouvrit ses bras en les recevant et leur dit : "non ce ne sont pas des fuyard mais ce sont eux les victorieux." Et dit à Khaled : "tu es un sabre de Dieu ô Khaled."
Après cela, le Prophète alla dans la maison de Jaâfar et prit dans ses bras ses trois enfants. L'aîné pleurait alors le Prophète lui dit : "ne pleure pas mon enfant, ton père vole maintenant avec les anges au paradis." Puis il les prit et sortit vers ses compagnons et leur demanda qui voudrait prendre à sa charge les enfants de Jaâfar. Trois des compagnons levèrent leur main et chacun d'entre eux était plus pauvre que l'autre !
Conclusion :
Ceci a été le récit de l'expédition de Mo'ta. Nous avons vu comment le Prophète et ses compagnons s'étaient levés pour protéger le message et sacrifier leurs âmes pour que continue le message et pour que la parole d'Allah soit entendue sur terre. Nous avons su combien la foi était forte dans les cœurs des compagnons qui étaient partis mourir avec joie et qui ont gagné le paradis.
Demain nous parlerons de l'expédition de Khaïbar, car nous approchons de la fin de ce programme et du mois de ramadan et nous sentons déjà la tristesse de quitter Médine et de quitter le Prophète, mais nous devons nous consoler, car des 120 000 compagnons du Prophète, 10 000 seulement sont enterrés ici à Médine alors que les autres se sont dispersés à travers la terre pour porter le message de leur bien aimé et réformer la terre. Alors nous aussi, nous repartirons pour réformer comme eux et faire le bien et être fidèles à notre messager le bien aimé.
Source : www.AmrKhaled.net ©


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