Entre 2014 et 2016, les relations entre l'Algérie et le maréchal Khalifa Haftar étaient au beau fixe. Elles sont désormais très froides, au point que le chef de la diplomatie algérienne rejoint son homologue marocain en condamnant l'escalade militaire. La position de l'Algérie sur la crise libyenne a évolué, pour se rapprocher désormais de celle adoptée par le Maroc. Une «proximité» dictée par l'addition de certaines circonstances en défaveur d'Alger. Après avoir flirté pendant plusieurs années avec le maréchal Khalifa Haftar, le voisin de l'Est condamne désormais l'escalade militaire en Libye. Lors d'un point de presse le 27 avril à Tunis, le nouveau ministre algérien des Affaires étrangères Sabri Boukadoum a affirmé qu'«il est inadmissible de rester les bras croisés alors qu'une capitale maghrébine est bombardée», comme le rapporte le quotidien El Moujahid. Il a lancé un appel aux diverses parties afin de renouer le fil du dialogue, bien entendu sous l'égide de l'initiative tripartite dont le tour de table est composé de l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte. Une initiative qui bat de l'aile depuis que le président Abdelfattah Al-Sissi a choisi de tourner le dos à ses deux autres «partenaires» au profit d'une «solution africaine» ; en témoigne la réunion du 23 avril au Caire. Quand Alger déroulait le tapis rouge à Khalifa Haftar Pour le chef de la diplomatie algérienne et son homologue tunisien, la solution «ne saurait être militaire». Une prise de position que partage également Rabat. Le 17 avril, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita a réitéré le rejet du royaume de «l'option militaire», arguant qu'«elle ne peut que compliquer davantage la situation en Libye et affecter la stabilité et la sécurité des citoyens». Cette «évolution» forcée pour Alger est la conséquence logique de l'éloignement de Haftar. L'homme fort de l'Est libyen a radicalement changé, pariant désormais sur ses principaux bailleurs de fonds que sont les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, ainsi que sur ces soutiens politico-militaires : l'Egypte, la France et les Etats-Unis. En 2014, Haftar s'était pourtant montré enclin à «laisser le soin de la sécurisation des frontières du pays à l'Algérie.» Ce qui lui avait valu d'être récompensé, en septembre 2016, par une visite à Alger où il avait été reçu par Abdelkader Messahel, alors ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes. Deux ans plus tard, la brouille était officiellement décrétée. En septembre 2018, le maréchal accusait ouvertement les Algériens d'avoir «profité» du chaos dans son pays «pour pénétrer sur le territoire libyen. J'ai envoyé le général Abdelkrim à Alger pour leur dire que ce qu'il s'est passé n'est pas fraternel». Pire, Haftar a ignoré les invitations algériennes pour rencontrer à Alger Fayez al-Sarraj, préférant se réunir avec son adversaire à Paris en mai 2018, et à Abou Dhabi en février 2019. Article modifié le 2019/04/30 à 14h33