Traditionnellement importateur d'énergie, le Maroc a exporté une quantité non négligeable d'électricité à son voisin ibérique, comme en attestent les documents publiques consultés par Yabiladi. A peine débuté, ces flux suscitent d'ores et déjà la polémique en Espagne. Le Maroc serait passé de gros importateur à exportateur d'énergie électrique vers le voisin ibérique. L'information a été révélée il y a quelques semaines par le média spécialisé El Periodico de la Energia, avant d'être relayée par les principaux médias espagnols. Ces derniers s'inquiètent d'une «importation massive» en provenance du Maroc et ce, depuis le mois de novembre 2018. Sur le site du Réseau électrique d'Espagne, qui gère tous les réseaux de transport d'électricité (haute tension), les importations et exportations avec le Maroc sont quantifiées. Les documents publics retraçant les flux depuis 1990, soit depuis la mise en place du premier câble d'interconnexion entre le Maroc et l'Espagne, confirment bel et bien un inversement de tendance. En effet, bien que les câbles permettent le flux dans les deux sens, l'Espagne ne faisait qu'exporter vers le Maroc, depuis l'installation de cette interconnexion et jusqu'à très récemment. Ce n'est que durant les mois d'août et septembre 2018, que la tendance s'est inversée. Ainsi, 10 GWh (gigawatt-heure) ont été acheminés en Espagne depuis le royaume. Et ces chiffres continueront à grimper en novembre (51 GWh) avant de se multiplier par dix en janvier 2019 (145 GWh) et même atteindre 190 GWh en février 2019. Depuis fin 2018, l'Espagne a en effet acté la cessation d'activité immédiate de quatre centrales thermiques à charbon pour une fermeture définitive à l'horizon 2020, en raison notamment des fortes émissions de CO2. Elle a mécaniquement diminué drastiquement ses exportations vers le Maroc. Elles sont ainsi passées de quelques 5 000 GWh annuellement en 2016-2017 à 3 500 GWh en 2018. Pour les deux premiers mois de 2019, elles sont même tombées à seulement 34 GWh, alors que les importations depuis le Maroc ont grimpé. Polémique en Espagne Le passage du Maroc du statut de client de l'Espagne à fournisseur en matière d'électricité n'est pas passé inaperçu. De manière opportune, syndicats et politiques espagnols pointent ces importations d'électricité du Maroc qu'ils jugent issues de centrales au charbon polluantes alors que la fermeture de leurs centrales et les pertes d'emplois induits sont justement dues à la pollution. Les critiques ont par exemple pointé le cas la centrale à charbon de Jerada, alors même que cette dernière s'est vue amputer trois de ses unités de production en novembre 2018. Difficile donc dans ces conditions qu'elle ait les capacités pour exporter vers l'Espagne. Les regards se sont donc majoritairement focalisés sur la centrale thermique de Safi d'une capacité de production brute d'environ 1386 MW (1250 MW net). D'autant plus qu'elle vient tout juste d'être mise en service en décembre 2018. Pour les médias ibériques, la concordance des temps n'est pas un simple hasard. Mais est-elle aussi polluante que celles qui ont fermées en Espagne ? La centrale dite à «charbon propre» utilise une technologie dite ultra-supercritique, demandant moins de charbon par mégawatt-heure et donc moins d'émissions de CO2 et de mercure tout en permettant la baisse du coût de production par mégawatt. L'Espagne saisie l'UE Mais la pollution n'est pas le seul point critiqué par les Espagnols. En effet, ils pointent une concurrence déloyale puisque le Maroc n'est pas soumis à la contrainte financière décidée par l'Union européenne (UE) relative aux émissions de CO2. D'ailleurs, la ministre espagnole de la transition écologique, Teresa Ribera a sollicité la Commission européenne sur le sujet, affirmant que «du fait de la mise en service de centrales électriques au charbon au Maroc, les usines espagnoles à combustibles fossiles sont potentiellement désavantagées en termes de compétitivité, car elles doivent supporter les coûts des émissions de CO2». Le Commissaire européen chargé de l'action pour le climat et l'énergie, Miguel Arias Cañete a déclaré lundi que l'Union européenne travaillait déjà sur la réponse qu'elle donnerait au gouvernement espagnol. Il a souligné que cette problématique n'avait pas uniquement été soulevée par l'Espagne, mais également par d'autres pays européens, «qui ont des frontières avec des pays tiers dans lesquels la production d'énergie n'a pas les caractéristiques de l'UE».