Cette sensation de culpabilité après l'avortement est universelle, même chez les non croyants dont je me suis occupé en France. Le geste laisse des traces dans le corps et surtout l'esprit. Le minimiser ou le légaliser ne retire en aucun cas son impact sur la femme qui le subit. Laila m'a envoyé ses clichés de radiographie du bassin montrant ses trompes en mauvais état ; l'une bouchée et la deuxième peu fonctionnelle. J'ai ensuite reçu des analyses montrant que ses ovaires étaient peu fertiles. Elle m'a demandé si je pouvais lui donner mon avis et l'orienter. En premier chef, je l'ai envoyée voir un collègue qui a une bonne expérience dans la fertilité dans la ville où elle habite. Après l'avoir examinée, ce dernier constatant la grande envie de Laila d'enfanter, il lui a proposé une fécondation in vitro. Après réflexion, Laila m'a relancé et a souhaité venir me voir. Elle a voulu venir au plus vite parce qu'elle ne dormait plus, m'a-t-elle dit par message. Laila est venue avec son mari, sa belle-mère et sa fille. Cette jeune femme instruite, qui prépare un doctorat, est maman d'une petite fille de trois ans. Et ce que j'ai appris par la suite explique les problèmes psychiques que Laila est en train d'endurer. Elle a dû, pour les besoins de concentration et pour finaliser sa thèse, subir un avortement médicamenteux il y a quelques mois. - Docteur, je crois que j'ai mal fait, je n'aurais pas dû… Vous savez, juste après j'ai regretté, mais c'était trop tard. - Je vous comprends, mais ce qui est fait est fait. Dieu pourra vous pardonner. - J'ai peur de ne plus pouvoir avoir d'enfants, moi qui souhaite en avoir plein. - Le pessimisme n'a jamais aidé à régler les problèmes. Après l'avoir examiné et regardé son dossier, je l'ai convaincue de patienter un peu puisqu'elle a pu être enceinte il y a quelques mois, et ce malgré les signes d'infertilité manifestes. Je lui ai dit qu'on ferait le point un peu plus tard. La conduite dépendra de l'examen. La suite de la consultation a pris une tournure d'écoute, de compassion et d'empathie. Et Laila m'a dit à la fin que si seulement on avait su l'orienter avant d'avaler les comprimés qui lui ont été donnés par le médecin… Cette sensation de culpabilité après l'avortement est universelle, même chez les non croyants dont je me suis occupé en France. Le geste laisse des traces dans le corps et surtout l'esprit. Le minimiser ou le légaliser ne retire en aucun cas son impact sur la femme qui le subit. Parce que jusqu'à preuve du contraire, les grossesses se font à deux, et ce sont les femmes qui se font avorter. Quand à l'embryon et son droit à la vie, c'est un autre débat. Quelques mois plus tard, je reçois dans ma messagerie un mot de Laila, m'apprenant qu'elle était enceinte. Cette expérience douloureuse lui a permis une grande introspection sur elle-même, ses choix et ses convictions. Elle a pu mesurer également, selon ses confessions, l'ampleur de la miséricorde divine…