Secrétaire général du parti de la Voie démocratique au Maroc, Mustapha Brahma a pris part à l'investiture du président vénézuélien Nicolas Maduro, il y a deux semaines, après une réélection sur fond de tensions. Sur le plan international, la réélection de Nicolas Maduro à la tête du Venezuela n'est pas reconnue par certains dirigeants qui appellent le président à quitter le pouvoir. Ainsi, Donald Trump a choisi de reconnaître le numéro un de l'Assemblée nationale, Juan Guaidó Márquez, chef d'Etat autoproclamé par intérim. Cette crise politique cristallise l'impasse économique que traverse le pays depuis plusieurs mois, conduisant des citoyens à quitter le pays. La succession des faits donne suite au scrutin du 20 mai 2018, remporté par le président sortant et dont les résultats sont contestés par l'opposition. Dans cet entretien, le secrétaire général de la Voie démocratique au Maroc, Mustapha Brahma, explique la position de son parti vis-à-vis du régime vénézuélien et la situation des formations de gauche en Amérique latine, lui qui a assisté à cette investiture. Avez-vous reçu une invitation pour l'investiture de Nicolas Maduro ? Nous y avons assisté dans le cadre d'une commission préparatoire au Sommet des peuples qu'abritera la capitale Caracas le mois prochain. Au programme de ce comité figurait la participation à la cérémonie d'investiture du président Maduro, du défilé militaire, ainsi qu'un meeting avec le chef d'Etat au ministère vénézuélien des Affaires étrangères. Le plus important est d'avancer sur la préparation du Sommet des peuples. Comment s'est déroulée cette cérémonie ? Dans son discours, Nicolas Maduro a déclaré que la cérémonie devant la Cour constitutionnelle avait connu la participation de 94 pays. Comme le veut l'usage, l'investiture du président se tient au Parlement, mais comme le président n'a pas bénéficié de la majorité au sein de cette institution, la loi suprême lui permet de se présenter devant la Cour constitutionnelle. Le lendemain, le chef d'Etat a présidé une réunion où il a défendu la démocratie et sa légitimité, devant près de 120 représentants étrangers. Avez-vous rencontré des responsables vénézuéliens ? Ma présence n'a pas eu comme objet principal des entretiens bilatéraux. J'ai rencontré les responsables vénézuéliens qui participent à l'organisation du Sommet des peuples. Nous nous sommes réunis dans des centres de formation politique et nous avons reçu la visite du chef de la Diplomatie et le ministre de l'Emploi. Quel est votre avis sur les relations maroco-vénézuéliennes ? C'est l'ambassade du Venezuela à Rabat qui nous a accordé le visa pour ce voyage. Les relations officielles sont tributaires des responsables diplomatiques en exercice de la manière de gouverner de chaque pays. Que pensez-vous, au sein de la Voie démocratique, de ce qui se passe actuellement au Venezuela ? Au parti de la Voie démocratique, nous avons publié un communiqué condamnant l'ingérence des Etats-Unis qui soutient le coup d'Etat contre la légitimité du pouvoir. Nicolas Maduro représente cette dernière et la respecte car il est élu par le peuple vénézuélien. La majorité parlementaire est de droite et il faut respecter le principe de cohabitation politique. Nicolas Maduro a été élu de manière démocratique. C'est un président progressiste qui s'oppose à l'impérialisme et qui est entouré par son peuple. J'ai vu de mes propres yeux le nombre de citoyens descendus dans les rues le jour de son investiture. Le président de l'Assemblée nationale s'est autoproclamé chef d'Etat par intérim, ce qui est considéré comme une substitution à la représentation de l'autorité que ses prérogatives n'incluent pas. Pensez-vous que Nicolas Maduro continuera à diriger le pays malgré les tensions ? Il y a deux points importants : les travailleurs et les pauvres se retrouvent autour du président Maduro, qui est également soutenu par l'armée. Il ne faut pas oublier qu'Hugo Chavez a été un militaire garant de la révolution bolivarienne. Par ailleurs, une oligarchie a bénéficié de la situation récente, en particulier dans le secteur agricole, et veut s'emparer du pouvoir avec le soutien des Etats-Unis qui est en guerre contre le régime actuel. Je pense que toutes les conditions sont là pour que Nicolas Maduro maintienne son mandat. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole au monde, les plus grandes réserves d'or d'Amérique latine et les ingrédients nécessaires pour surmonter le blocus. Dans son discours d'investiture, Maduro a déclaré qu'il compte notamment sur la Russie, la Chine et la Turquie. N'oublions pas que Cuba s'est relevée malgré les 50 ans d'isolement et d'embargo économique. Le pays n'en est pas là, car entouré de nations avec lesquelles il partage un avenir commun. Ne voyez-vous pas un recul de la gauche en Amérique du Sud ? Ce sont les Etats-Unis qui appellent Nicolas Maduro à quitter le pouvoir, en plus de la France et du Brésil, gouverné par une dictature militaire. Avec la révolution bolivarienne, les peuples d'Amérique latine ont arraché leur indépendance au début du XIXe siècle. Puis ils ont vécu sous des dictatures. Au début du XXe siècle, des mouvements de gauche et de la société civile sont arrivés au pouvoir en Argentine, au Brésil, au Venezuela et en Bolivie. Le changement s'est opéré de manière démocratique et pacifique à travers les urnes. Les urnes sont toujours au cœur de la lutte, mais la lutte des classes existe encore au sein de la société, de même que l'ingérence de l'Amérique du Nord à travers le Canada et les Etats-Unis, qui considèrent les pays d'Amérique latine comme des pouvoirs autoritaires qu'ils s'emploient à réorganiser à leur mesure. Aujourd'hui, il y a des peuples qui restent debout et en substance, il n'y a pas un recul des forces de gauche. A travers son exercice du pouvoir même sous la pression d'Etats impérialistes, la gauche ne peut pas satisfaire toutes les aspirations des peuples, et les classes moyennes menées par la bourgeoisie prennent le pouvoir, avec une marge de 1 à 2%. Ceci donne la possibilité d'exercer démocratiquement la politique.