Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité, s'est prononcée en début de semaine en faveur d'une légalisation «partielle» de l'avortement. Une voix officielle qui s'élève auprès de celles de Yasmina Baddou, ministre de la santé, et de quelques ONG marocaines, telles que l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC). Une marche de mobilisation pour le droit à l'avortement est en préparation. «Il n'est pas question d'une légalisation absolue, mais partielle qui permettrait à la mère de mettre un terme à sa grossesse dans certaines conditions, dont la malformation avérée du fœtus, le déséquilibre mental de la mère ou encore sa précarité» affirmait Nouzha Skalli en début de semaine durant une séance d'évaluation des avancées du Maroc en matière de droits des femmes. «Certainement que la position de Nouzha Skalli va apporter quelque chose. La prise de position des décideurs politiques est très importante» s'enthousiasme le professeur Chafik Chraïbi, président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC). «Les voix des politiques sont très importantes» Une voix officielle qui s'ajoute à celle de Yasmina Baddou, ministre de la santé, Saâd Eddine El Othmani, le président du Conseil national du Parti Justice et développement (PJD). «Avant ils n'osaient même pas se prononcer sur le sujet, maintenant ils s'engagent un peu plus», souligne Pr. Chafik Chraïbi. «Sur l'émission 45min d'Al Oula, il y avait Yasmina Baddou, Saâd Eddine El Othmani… ils étaient tous positifs. Avant ils étaient vagues sur la question, maintenant ils sont beaucoup plus précis» se réjouit-il. Mais il regrette que le PJD soit très partagé sur la question. «Certains membres, par exemple Saâd Eddine El Othmani, sont pour la légalisation de l'avortement sous certaines conditions. Alors que d'autres comme Âaqqaoui sont hermétiquement fermés. Explique le président de l'AMLAC qui poursuit : C'est pour ça que le parti n'a pas encore pris de position officielle, alors que le PPS s'est officiellement prononcé». «Je suis médecin, je suis homme et je suis féministe» Aujourd'hui, «le tabou n'est plus, on est passé à la vitesse supérieure. Il nous faut une loi» martèle le Pr. Chafik Chraïbi. Avec huit autres associations, dont l'Association démocratiques des femmes marocaines (ADFM), Amnesty Maroc, l'Association de planification familiale (AMPF), «on est en train de préparer une marche pacifiste pour que la loi change», annonce Pr. Chraïbi, «ça sera vers janvier ou février, parce qu'il faut une véritable préparation, une autorisation, rassembler le maximum de monde…etc.». Le PPS est également de la partie, ainsi que plusieurs associations féminines. «Ce que j'ai toujours regretté c'est le fait que les féministes ne viennent pas vers nous. Quand on les appelle, elles sont là, mais normalement c'est à elles de nous appeler», souligne Pr. Chraïbi qui ironise «pour ma part, je suis médecin, je suis homme et je suis féministe». Une loi actuelle très répressive Rappelons que la loi marocaine interdit de manière stricte l'avortement. Les peines prévues à cet effet sont bien dissuasives, car lourdes et comportent même des sanctions privatives de liberté. L'article 449 du Code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d'une amende de 200 à 500 DH toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer, un avortement avec ou sans l'accord de l'intéressée. La peine est portée à 20 ans de réclusion en cas de décès et est doublée si l'avorteur est récidiviste. L'article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme s'étant livrée à l'avortement sur elle-même. Enfin, l'article 455 punit de 2 mois à 2 ans les complices d'un avortement, notamment les intermédiaires ou les vendeurs de produits abortifs. Mais comme le démontrent les estimations, une loi, aussi répressive soit-elle en matière d'avortement, n'a pas de réel impact en réalité. A peu près 200 femmes continuent d'avorter par jour au Maroc dans des conditions dangereuses.