La Kasbah des Oudayas trône sur le fleuve du Bouregreg. Almohade, andalouse ou encore corsaire, cette citadelle atteste d'une histoire riche, entre mythes et réalités. Si votre rêve est celui de pouvoir voyager dans le temps, faites des Oudayas votre destination, car d'une ruelle à l'autre vous franchissez ce mur invisible de l'espace temps. En effet, la Kasbah nous fait voyager du XIIème au XVIIème siècle, en un clin d'oeil. A commencer par la porte majestueuse pour pénétrer la Kasbah. Construite en 1150 par le premier calife de la dynastie Almohade, Abd El Moumen (1130-1163), la porte Bab El Kebir est un des joyaux architecturaux de la ville. Pour l'architecte Rima Fadili, qui a longtemps œuvré pour la conservation du patrimoine des Oudayas, la porte Bab El Kebir est même «l'une des plus belles portes de Rabat». Bab El Kebir de la Kasbah des Oudayas. / Ph. DR Noyau de la ville de Rabat Dans un précédent reportage de Yabiladi, l'architecte expliquait que «la Kasbah des Oudayas s'appelait autrefois la Kasbah de Mahdiyya. Elle constituait le premier noyau de la ville de Rabat, qui était elle-même commandée par la dynastie Almohade, bien qu'il y ait des vestiges de l'époque des Almoravides, mais qui ont été très peu exploités et surtout dont il y a très peu d'écrits». En effet, au grand dam des historiens, les traces Almoravides sont très rares ou inexploitables, dû aux multiples stratifications qu'a connu la ville au fil des siècles. Immédiatement à votre droite, vous accéderez au fameux jardin andalou des Ouadyas. Bien qu'il y ait une histoire andalouse de la Kasbah, ce jardin n'en fait nullement partie. Près de cinq siècles après la conquête d'Al Andalous à l'époque du calife Abd El Moumen, certains morisques chassés de la péninsule ibérique, s'installeront dans les Oudayas. Mais cette population andalouse ne sera pas à l'origine du jardin des Oudayas. Il a été pensé par l'architecte favori du maréchal Lyautey, Tranchant De Lunel et a été merveilleusement sorti de terre par le jardinier Jean-Claude Nicolas Forestier, créateur entre autres du jardin d'essais de Rabat. Le jardin andalou «d'inspiration» est depuis 2012 classé patrimoine mondiale de l'Unesco tout comme la Kasbah des Oudays. Jardin Andalous des Oudayas./Ph.DR Un des autres vestiges de l'époque coloniale est sans conteste le fameux café mauresque, communément appelé maure. «Le café Mauresque avait été abandonné avant de reprendre vie durant le protectorat français. Le responsable «des arts indigènes», pour reprendre le terme utilisé à l'époque pour parler d'ethnographie, Prosper Ricard avait fait construire en collaboration avec le service des monuments historiques -qui s'appelait à l'époque le service des beaux-arts- cet espace pour donner une ambiance typique et locale», expliquait Rima Fadili à Yabiladi. En se faufilant dans les rues serpentines vous serez éblouis par les couleurs bleue et blanche des murs. Si l'idée reçue sur ce choix de couleur semble «être traditionnelle ou ancestrale», sachez que «c'est complètement faux», comme le précise Rima Fadila. «Les ruelles bleues sont assujetties à plusieurs interprétations. Cette particularité n'est en fait pas si ancienne que ça. Il y a une vingtaine d'année, l'association des Oudayas avait lancée l'initiative, dans le cadre de la journée mondiale de l'environnement, 'une Kasbah propre'. Tout le monde s'y était mis, les grands les petits, et on avait suggéré qu'au lieu d'avoir des murs en crépi de toutes les couleurs, de les harmoniser en bleu», explique-t-elle. Une kasbah pour les corsaires Ces ruelles étroites relatent une autre histoire qu'a connue ce lieu. Ahmed Bzioui, qui anime la conférence «Les trois faces des Oudayas», à savoir, «celle qui donne sur les deux rives du Bouregreg, celle donnant sur la mer et celle qui donnait autre fois sur la place des Oudayas», n'hésite pas à remonter au XVII siècle pour évoquer la République des corsaires du Bouregreg (1627-1666/68). Image d'illustration./Ph.DR «Les mauresques chassés d'Al Andalous se sont installés dans les Oudayas et dans la médina, mais ont été refusés d'accès à Salé. La soif de vengeance grandit en eux, et pour ce faire ils firent construire des bateaux. (...) Ils ont écumé les mers, en parcourant tout l'océan Atlantique, en commençant par l'Espagne, la France, l'Angleterre, l'Irlande, le Canada, et même le Brésil et l'Islande.» Ahmed Bzioui Ces pirates, communément appelés, corsaires de Salé, reprenaient le nom de cette ville, car ils ont fondé la ville qui fut appelée Salé-le-neuf. Ainsi cette République, qui disposait d'un caïd élu pour un an et d'un conseil de 16 membres, avait comme capitale la Kasbah des Oudayas. Les techniques utilisées par ces corsaires marocains étaient plus dans la ruse et le stratagème, n'appréciant pas la violence. «Ils s'attaquaient aux bateaux, en pillant marchandises et en capturant les matelots», précise notre interlocuteur. Ceux capturés étaient ensuite revendus comme esclaves. L'ouvrage autobiographique de Germain Moüette, «Relation de la captivité du Sr. Mouette dans les royaumes de Fez et de Maroc», relate sa vie après sa capture par les corsaires de Salé. Une vue à ne pas obstruer Presque chaque recoin de la Kasbah des Oudayas - qui doit sa renommée à l'installation de la tribu Oudaya originaire du Sahara en 1833 - recèle en lui une histoire. Il serait impossible de ne pas évoquer le minaret de la mosquée Jamaa Al Atiq, le tout premier minaret de la ville, ou encore la forteresse construite par l'architecte renégat Ahmed Al Inglizi et ce phare «Borj Sirat», construit par ce dernier en 1775-76. Mais que serait ce bijoux architectural sans son écrin naturel ?oin de la Kasbah des Oudayas - qui doit sa renommée à l'installation de la tribu Oudaya originaire du Sahara en 1833 - recèle en lui une histoire. Il serait impossible de ne pas évoquer le minaret de la mosquée Jamaa Al Atiq, le tout premier minaret de la ville, ou encore la forteresse construite par l'architecte renégat Ahmed Al Inglizi et ce phare «Borj Sirat», construit par ce dernier en 1775-76. Mais que serait ce bijoux architectural sans son écrin naturel ? Le fleuve et l'océan sont la raison d'existence même de cette Kasbah. Plusieurs points et esplanades offrent des vues imprenables sur l'Atlantique et le Bouregreg. Mais malheureusement cette vue panoramique a été obstruée par les entassements de briques, qui comme l'affirme Ahmed Bzioui dans ses conférences, «sont un crime contre la vallée du Bouregreg». Cela rappelle, l'affaire «Green Tech Valley», un projet à plus de 2,5 milliards de DH, qui «sur instruction des hautes autorités, a été détruit pour permettre à la Marina et à l'espace avoisinant d'offrir toute la splendeur que mérite la zone». Une bonne leçon a toute tentative d'atteindre le patrimoine national. Image d'illustration. / Ph. DR