Après la guerre de la tomate entre le Maroc et l'Espagne, une nouvelle bataille agricole est déclarée. Cette fois-ci, elle oppose le royaume aux Etats-Unis. Les producteurs d'olives américains accusent les oléiculteurs marocains d'être subventionnés par le gouvernement fédéral des Etats Unis. La pilule a du mal à passer pour les producteurs américains d'olives et notamment ceux de Californie, premier Etat producteur d'olive aux Etats-Unis. Ces dernières semaines, ces producteurs montent au créneau contre le gouvernement fédéral, rapporte le San Francisco Gate. Ils lui reprochent de verser trop d'aides agricoles à des pays en voie de développement, notamment le Maroc, et d'oublier les intérêts des agriculteurs américains. Les producteurs d'olives californiens connaissent actuellement l'une des plus mauvaises récoltes de leur histoire. Les pluies et les vents violents de ces derniers mois ont détruit une grosse partie de leur production. Résultat : la récolte va baisser de 67%, ar rapport à l'an dernier, selon les statistiques du département américain de l'Agriculture. Néanmoins, pour beaucoup de producteurs, la plus grande menace n'est pas le mauvais temps ni les intempéries mais les subventions versées par le gouvernement américain. Ces aides agricoles sont versées par la Millenium Challenge Corporation, un organisme gouvernemental crée en 2004 par le Congrès Américain et qui a pour objectif de réduire la pauvreté et d'améliorer le niveau de vie des populations dans 23 pays africains et sud-américains. En plus du Maroc, le Ghana, le Honduras, le Mali, l'Arménie, la Tanzanie ou encore la Mongolie bénéficient de ces aides. Leur montant total est de 7 milliards de dollars. Le Maroc, pour sa part, reçoit 697,5 millions de dollars. Le royaume est le deuxième pays à recevoir la plus grande enveloppe, juste après la Tanzanie. Plus de la moitié de cette somme est consacrée au développement de l'arboriculture fruitière marocaine comme les oliviers, les amandiers, les palmiers dattiers et les figuiers, un développement qui s'étend sur 25 provinces, les plus pauvres du pays mais aussi sur des zones bour, c'est-à-dire sèches, des zones irriguées et oasiennes. Le reste de l'argent va à l'artisanat, la pêche artisanale et le soutien à l'entreprise. Mais le problème, c'est que la Californie est elle aussi une grosse productrice d'olives, de dattes, de figues et d'amandes. Une injustice que le président du California olive oil council dénonce haut et fort au San Francisco Gate : «C'est dérangeant ! Il est déjà assez difficile d'être compétitif face aux pays qui reçoivent des aides de leur propre gouvernement, mais maintenant on doit faire face aux pays qui reçoivent des aides de notre propre gouvernement.» Ces 30 dernières années, les producteurs d'olives californiens ont investi des millions de dollars dans des machines pour récolter les olives des arbres. Cependant, comme l'olive est un fruit fragile, elles sont cueillies très souvent à la main, surtout pour l'olive de table, ce qui représente une tâche longue et difficile. Ces producteurs regrettent qu'une partie de cet argent envoyé au Maroc ne les aide pas à développer de nouvelles technologies pour mieux récolter le fruit vert. Découragés et frustrés, de plus en plus d'entre eux abandonnent la production d'olive pour la remplacer par d'autres cultures comme celle de la noix. Du côté de la Millenium Challenge Corporation, la réponse aux agriculteurs californiens est clair. Les subventions versées au Maroc ne se font pas à leurs dépens. Patrick Fine, le vice-président de la Millenium, explique au San Francisco Gate que ces aides sont versées aux populations rurales et pauvres pour augmenter leurs revenus et non pour concurrencer les producteurs californiens. De plus, Patrick Fine ajoute qu'il faudra attendre encore 2 à 3 ans pour que les nouveaux oliviers marocains produisent des fruits commercialisables à grande échelle. Quand ils seront récoltés, les fruits serviront pour l'huile et seront vendus à l'Espagne et à d'autres pays européens. Depuis le début de l'année 2011, 19 500 hectares d'oliviers et 2 000 hectares d'amandiers ont été plantés au profit de 11 000 agriculteurs en zones pluviales au Maroc. La totalité des projets a atteint près de 410 millions de dollars américains (3,6 milliards de dirhams) lors des trois premières années, soit 59% du budget total versé par la MCC. En attendant que les arbres subventionnés par les Etats Unis portent leurs fruits, le royaume achète des armes aux Américains. Le Maroc a pris livraison, en août, d'un premier lot des 24 avions de chasse F-16 commandés en 2009 aux Etats-Unis dans le cadre de la modernisation et de l'équipement de son armée. Montant estimé : 2,4 milliards de dollars (33,11 milliards de dirhams). Plus de 5 fois les subventions américaines aux oléiculteurs marocains.