Paru ce lundi, le rapport semestriel du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) indique que les migrants traversent moins la mer Méditerranée pour atteindre l'Europe, mais que le nombre de morts liées à ce périple est en croissance permanente. Dans sa traversée vers l'Europe, une personne sur 18 est morte ou a disparu entre janvier et juillet 2018, contre un décès pour 42 personnes il y a un an. C'est le constat inquiétant dressé dans le dernier rapport semestriel du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Publié ce lundi et intitulé «Voyages du désespoir», le document révèle que 1 600 personnes «ont déjà perdu la vie ou ont disparu cette année en tentant de rejoindre l'Europe», soit en l'espace de huit mois. Cette tendance à la hausse se dégage de la plupart des statistiques. Dans certains pays du sud de l'Europe, comme l'Espagne, le total des entrées par voie maritime et terrestre entre janvier et juillet 2018 a frôlé la moyenne pour toute l'année 2017. L'Espagne, eldorado des migrants venus d'Afrique Depuis 2015, la Grèce, l'Italie et l'Espagne constituent les trois entrées principales des migrants rejoignant l'Europe. En effet, le rapport confirme cette tendance et indique que les arrivées dans les deux premiers pays ont enregistré une hausse, respectivement de 88% et de 81%, tandis qu'elle a atteint 130% dans le troisième. En Espagne seulement, les arrivées durant les sept premiers mois ont atteint 27 600, dont 23 800 par voie maritime et 3 800 par voie terrestre. Ce chiffre est proche de la moyenne de l'année dernière, durant laquelle 28 300 arrivées avaient été dénombrées au total, en plus de 113 morts et disparus entre janvier et juillet 2017. Cette année, ils ont été estimés à 318 sur les côtes ibériques. Source : HCR Les migrants subsahariens restent nombreux à envisager la traversée de la Méditerranée depuis le Maroc, bien que nombre d'entre eux restent bloqués, sont reconduits à leurs pays ou échouent en cours de chemin. Depuis le début de l'année 2018, 3 100 ressortissants de Guinée constituent la tête du classement de ces arrivées par barques, suivis de 2 600 Marocains, 2 200 Maliens 1 200 Ivoiriens et 1 000 Syriens. Proximité et conflits obligent, les Syriens ont été les plus nombreux à atteindre les côtes grecques cette année (5 750). Ils sont suivis par les Irakiens (3 450), les Afghans (2 450), les Congolais (RDC – 800) et les Palestiniens (600). En Italie, ce sont les migrants tunisiens qui occupent la tête du classement, constituant 3 300 personnes parmi les arrivants de cette année, suivis des Erythréens (2 900), des Soudanais (1 600), des Nigérians (1 250) et des Ivoiriens (1 000). Des dispositifs de sauvetage et d'accueil réduits «En Espagne, l'augmentation des arrivées en mer a entraîné une augmentation de la capacité d'accueil, alors que des refoulements ont été enregistrés à la frontière terrestre entre l'enclave de Ceuta et le Maroc», lit-on dans le rapport. Dans d'autres frontières d'Europe, notamment dans le centre, le HCR fait tout autant état de renvois de migrants par la police vers un pays voisin, «refusant souvent l'accès aux procédures d'asile et recourant souvent à la violence». Par ailleurs, le HCR explique l'augmentation du taux de décès en Méditerranée par «la diminution de capacité de sauvetage en mer». Dans ce sens, l'institution onusienne constate auprès de Franceinfo que «le nombre d'ONG qui font du sauvetage en mer a diminué depuis l'année dernière». Contactée par la même source, Céline Schmitt, porte-parole du HCR, évoque justement la présence de «deux ONG qui continuent à faire ce travail» en haute mer, alors que «l'an dernier, à la même époque, il y en avait huit qui opéraient au large des côtes libyennes». Autre contrainte expliquée par Céline Schmitt sur Franceinfo, cette augmentation de morts et du nombre de disparus illustre «la complication de trouver des ports de débarquement sûrs pour les personnes qui ont été sauvées en mer», de même que le risque réel que «d'autres navires, par exemple des embarcations commerciales, prennent plus de précautions» et ne répondent pas à des signaux de détresse. De son côté, le rapport du HCR réitère le droit des pays à protéger leurs frontières, mais souligne que ce contrôle doit tenir compte de la protection internationale des personnes également, surtout les demandeurs d'asile. «Outre l'accès limité aux réfugiés et aux migrants sauvés en mer, notamment dans les ports italiens, les mesures prises cette année pour réduire davantage le nombre d'arrivées en Europe ont inclus des restrictions supplémentaires au travail des ONG, engagées dans la recherche et le sauvetage sur les côtes libyennes, ou dans l'aide aux autorités de Tripoli dans ce sens», constate encore le HCR. C'est pourquoi, le HCR appelle les pays d'Europe à veiller à la réinstallation et à la réunification des familles de ces réfugiés et demandeurs d'asile, tout en réinstaurant les dispositifs réduits, pour éviter des morts tragiques aux migrants et pour protéger les mineurs non accompagnés. Alors que la question suscite de vifs débats en Europe, Céline Schmitt tient à souligner que cette situation est loin d'être comparable à celle de 2015, avec la crise des réfugiés sur le continent. Cependant, la réduction et les restrictions faites aux dispositifs d'aide ne facilitent pas les choses. Elle l'explique ainsi auprès de Franceinfo : «Nous ne sommes plus du tout dans la situation de 2015, où plus d'un million de personnes sont arrivées par la mer. Cette année, si on comptabilise les différentes routes d'arrivée par la mer en Europe, il y a un peu plus de 62 000 arrivées.»