Des rapports très différents ont fuité dans la presse à la veille de la présentation, au sein de la Commission des Finances et du développement économique à la Chambre des représentants, du travail de la Mission d'information parlementaire sur les prix des carburants, active depuis décembre 2017. Mais si une source ayant requis l'anonymat affirme qu'un membre de ladite mission aurait fuité les deux documents, certains de ces membres démentent catégoriquement. Depuis vendredi, la polémique enfle sur les réseaux sociaux suite à la parution, dans la presse nationale, de deux rapports qui émanerait de la Mission d'information parlementaire sur les prix des carburants. Une fuite qui intervient dans un contexte marqué par une campagne de boycott lancée, le 20 avril dernier sur les réseaux sociaux, et qui vise notamment une entreprise de distribution de carburant. Ces fuites interviennent également à la veille du lancement d'un débat, au sein de la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants ce mardi 15 mai, autour du rapport de ladite mission. Un membre aurait fuité les deux versions En effet, le magazine TelQuel tout comme le média en ligne Lakome, ont publié vendredi, des analyses basées sur les divergences remarquables entre deux rapports de la mission parlementaire dirigée par Abdellah Bouanou, également maire de la ville de Meknès. La version finale du rapport, qui sera discutée le 15 mai en commission au sein du Parlement, aurait été expurgée de plusieurs points. Yabiladi a pris connaissance des deux versions dudit rapport. Les deux versions sont, en effet, très différentes l'une de l'autre. Si la première comporte plus d'une centaine de page, la version finale serait composée seulement de plus de 70 pages. Une source proche du dossier nous a déclaré ce samedi qu'un membre de la Mission d'information parlementaire sur les prix des carburants aurait fait fuité les deux versions du rapport. «Ce membre, dérangé par des pressions extérieures sur la mission ainsi que l'unanimité de presque tous les autres membres pour caviarder le rapport, a donc fait fuiter les deux versions du rapport», nous confie-t-elle. Cette dernière explique, dans les détails, que les membres ont souhaité discuter, «point par point», l'ensemble du rapport. Une pratique «étrange» alors que les parlementaires ne discutent généralement que la partie concernant les recommandations, explique notre source. Mais certains membres de cette commission que Yabiladi a contactés ce samedi affirment ne pas avoir pris connaissance d'une «version initiale» du rapport. Hanane Rihab, parlementaire de l'Union socialiste des Forces populaires (USFP) et membre de la Mission d'information parlementaire sur les prix des carburants, est catégorique. «Il n'y a qu'un seul et unique rapport et c'est celui datant du 28 février 2018 et ceux ayant inventé un autre rapport pour le distribuer qu'ils prennent leurs responsabilités devant la justice», déclare-t-elle à Yabiladi. «C'est monsieur Abdellah Bouanou, en tant que président de la mission ainsi que Said Dour, en tant que rapporteur, qui ont veillé à inscrire les dernières modifications sur le rapport final dont je dispose. Quant à l'autre version dont vous parlez, chaque membre disposait d'un rapport initial.» Hanane Rihab Les membres de la mission d'information démentent La députée de la Rose déclare en outre «si quelqu'un veut faire de la politique en distribuant un document qui ne doit pas l'être, qu'il assume sa responsabilité». Elle rappelle aussi que ce rapport n'a pas encore été rendu public. «Il a été déposé à la Chambre des représentants le 28 février et a fait l'unanimité au sein de la Mission», nous précise-t-elle. Hanane Rihab conclut en rappelant que «c'est le président de la mission parlementaire qui doit démentir ces informations». D'ailleurs, Yabiladi a tenté à plusieurs reprises de joindre Abdellah Bouanou mais en vain. Jamal Karimi Benchekroun, député du Parti du progrès et du socialisme (PPS), également membre de la mission, est du même avis. Il nous pose d'abord des questions sur les deux versions du rapport et sur sa provenance avant de rétorquer : «si c'est la présidence de la mission qui est derrière cette fuite, elle doit dire aux gens pourquoi il y a deux versions». «Personnellement, en tant que membre, je sais qu'il n'y a qu'un rapport final qui a été élaboré par la mission, déposé au Parlement et qui sera discuté ce mardi. Après avoir fini notre travail, le rapport a été déposé officiellement. S'il y a des modifications qui y ont été apportées, elles sont probablement l'oeuvre de parties souhaitant perturber le processus.» Jamal Karimi Benchekroun Quant aux détails sur le rapport déposé par la mission au Parlement, Jamal Karimi Benchekroun nous promet de nous faire plus de précisions après le débat prévu mardi 15 mai. La montagne de l'enquête parlementaire accouchant d'une souris Pour sa part, Naoufel Naciri du Parti de la justice et du développement (PJD), siégeant dans la Commission des finances et du développement économique et également membre de la mission dirigé par Abdellah Bouanou, nous invite d'abord à prendre contact avec ce dernier. «Lorsque le rapport sera discuté devant la Commission, je pourrai le commenter mais actuellement et éthiquement parlant, je ne le peux pas», nous précise-t-il. «Je n'ai aucune idée sur ces versions 1 et 2 du rapport, sincèrement», conclut l'élu de la Lampe. Pour rappel, Lakome et TelQuel se sont penchés, vendredi, sur les divergences entre les deux rapports qui émaneraient, tout les deux, de la mission parlementaire demandée par le PJD et dirigée par son député, Abdellah Bouanou. «L'évolution du prix de revient du litre de carburant au cours des deux dernières années a disparu du rapport (final, ndlr). (…) La Commission a-t-elle préféré supprimer ces éléments de la version finale de son rapport au regard de leur sensibilité ?» s'est interrogé le magazine francophone. Ses confrères de Lakome n'ont pas mâché leurs mots, affirmant que «beaucoup de données importantes ont été supprimées de la version finale, particulièrement celles liées aux bénéfices des entreprises opérant dans le secteur». Si cette censure se confirme, elle remet en question le travail de ladite mission tout comme le rôle que doit jouer l'hémicycle comme organe disposant de prérogatives législatives et pouvoir de contrôle…