« Ce qui devait être un vecteur d'éducation, de croissance économique, et d'autonomisation des femmes et des filles est désormais détourné en un terrain de domination et de violence, avec des conséquences dévastatrices pour les femmes et les filles », c'est en ces termes que l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), Médias et Cultures, Kif Mama Kif Baba et Jat w Jabt-Génération libre introduisent leur nouvelle campagne de sensibilisation contre la violence numérique ciblant les femmes. Nouvelles armes Intitulée «Hors de contrôle», cette campagne est une alerte contre l'usage malveillant des technologies et ses répercussions sur les droits des femmes et sur leur bien être. « Nous ne devons pas permettre que ces outils de progrès deviennent des armes d'oppression et de domination », note Ghizlane Mamouni, présidente de Kif Mama Kif Baba et porte-parole de la campagne. S'inscrivant dans le cadre des 16 jours d'activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, cettecampagne vise à sensibiliser l'opinion publique à une réalité glaçante : Selon une étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP), près de 19 % des violences faites aux femmes au Maroc sont perpétrées en ligne, un taux qui grimpe à 34 % parmi les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans. Ces violences numériques, se déclinant en insultes, menaces, harcèlement, doxxing (divulgation de données personnelles sur le web) peuvent même se traduire en attaques physiques, impactant gravement la santé mentale et l'intégrité physique des victimes. Mobilisation collective Pour Amina lotfi, porte-parole de la campagne et membre de l'ADFM, il est temps d'élaborer des politiques publiques adaptées à l'ère numérique et sensibles aux problématiques liée au genre. « Ceci en mettant en place des mesures de prévention et de protection garantissant à la fois le respect de la vie privée et la sécurité des femmes et des filles », déclare Lotfi. La campagne « Hors de contrôle » ambitionne en effet de transformer cette indignation en actions concrètes. Parmi ses objectifs : sensibiliser le grand public à l'ampleur et à l'impact dévastateur des violences numériques et soutenir les victimes en leur fournissant les moyens adaptés pour se protéger face aux VBGFT. La campagne vise également à renforcer la recherche et la collecte de données sur ce phénomène en collaboration avec les acteurs locaux, nationaux et internationaux. Ceci tout en plaidant pour des politiques publiques adaptées et susceptibles d'offrir une meilleure protection aux femmes et aux filles contre la VBGFT. Cyber-violence en chiffres Gagnant du terrain, la violence numérique et électronique représente désormais 19 % de toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Un chiffre qui reste assez relatif et à revoir à la hausse vu la loi du silence qui pèse sur ce type d'affaires et empêche les victimes de dénoncer leurs bourreaux. Ce pourcentage monte toutefois en flèche pour les filles âgées de 15 à 19 ans pour atteindre 34% et 28 % chez les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans. Touchant près de 1,5 million de femmes, les formes de la cyber-violence se multiplient et diffèrent. Via e-mails, appels téléphoniques ou SMS, messageries sur les réseaux sociaux ... L'incidence de ce type de violence est nettement plus élevée chez les jeunes femmes (29%), les diplômées de l'enseignement supérieur (25%), les femmes seules (30%) et les étudiant(e)s (36 %). Les auteurs de ces violences sont dans 73 % des cas des hommes étrangers du milieu social de la victime. Pour le reste, ce sont, à des proportions égales, soit des partenaires, des membres de la famille, des collègues ou des amis ... Ces chiffres révélés par l'étude réalisée en 2019 par l'Association Tahadi pour l'Egalité et la Citoyenneté ne font que confirmer le constat alarmant déjà fait par le Haut Commissariat au plan dans un rapport dédié à la violence électronique. Cette même étude révèle un chiffre encore plus alarmant : 87% des femmes victimes de violence numérique ont exprimé leur désir de se suicider. A méditer