Au moment où la qualité des viandes en provenance du Brésil est au cœur d'une polémique, en Afrique du Sud comme en Europe, le Maroc s'apprête à ouvrir son marché au matériel génétique de volaille brésilienne. Faut-il se préparer à une éventuelle crise sanitaire ? L'ambassade du Brésil au Maroc a annoncé, cette semaine, que Rio avait obtenu le feu vert de l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Cette autorisation permettra ainsi l'importation d'œufs de dindes à couver et des poussins d'«un jour» au Maroc. Cette décision a été également annoncée par l'Association brésilienne des protéines animales (ABPA). Celle-ci indique que «le Maroc a ouvert son marché au secteur brésilien de la génétique de la volaille, sur la base des informations reçues du ministère brésilien de l'Agriculture, de l'élevage et de l'alimentation (MAPA)». Cependant, l'information n'a été communiquée officiellement ni par l'ONSSA, ni par une autre source officielle au Maroc. C'est le site Global Meat News, qui, en reprenant l'annonce de l'ambassade du Brésil, a fait le lien avec le scandale que vit actuellement le pays de l'Amazonie, concernant la situation sanitaire et hygiénique dans le secteur de la viande (de l'élevage à la consommation, en passant par les abattoirs et l'industrie). En Afrique du Sud, le poulet brésilien est une «menace à haut risque» Au mois de mars, les autorités brésiliennes ont lancé une troisième phase d'enquêtes sur l'industrie de la viande au Brésil. En effet, elles ont découvert que des laboratoires ont minimisé la gravité de propagation de salmonelles dans la volaille, rapporte le site local Poultry World. L'opération, nommée Weak Flesh, a mobilisé 270 responsables de la politique fédérale et 21 vérificateurs fédéraux de l'impôt agricole. Tous ont exécuté 91 ordonnances judiciaires à travers le pays. L'affaire fait donc scandale au Brésil, mais ailleurs aussi, à l'image de la situation en Afrique du Sud. L'origine de ce scandale remonte à 2014 – 2015. Ces années-là, «51% des 200 échantillons de poulets prélevés en Afrique du Sud se sont avérés positifs au test de salmonelles». S'en est alors suivi un scandale médiatique, paralysant depuis le secteur de l'aviculture, mais pas que. Car parallèlement à ce tollé, un autre scandale concernant la viande avariée en provenance du Brésil a également été révélé l'année dernière en Europe. Dans ce contexte, le ministre brésilien de l'Agriculture, Blairo Maggi, a déclaré que cette dernière phase d'enquêtes portait sur les événements de 2014 et de 2015 : «Ce sont des choses du passé et nous voulons séparer clairement le passé du présent et défendre le point de vue du ministère, car nous faisons les choses correctement et de manière transparente.» Dans ce sens, le Brésil est en train de moderniser et de mettre à niveau son système de sécurité alimentaire – pour le moment obsolète – notamment via la création d'une usine facilitant la centralisation et l'inspection des abattoirs. Le Maroc doit-il craindre le matériel génétique de volaille brésilien ? Ce feu vert donné par l'ONSSA fait suite à des négociations qui n'auront duré que trois mois. Contactée par Yabiladi, une source souhaitant garder l'anonymat nous confie que le Brésil «n'a jamais été un marché attractif pour le Maroc». Professionnel dans le secteur, il ne voit pas l'intérêt du royaume à s'engager dans cette transaction à risque : «Nous, on n'importe rien du Brésil. On n'a jamais importé quoi que ce soit du Brésil : Ni poussins, ni œufs, ni viande, ni rien. Pourquoi devrions-nous le faire maintenant ? Allez savoir pourquoi on n'a jamais importé ces produits-là du Brésil !» Notre interlocuteur, qui dit ne pas être au courant de cette annonce, nous précise tout de même que «lorsqu'on importe une volaille, un certificat médical attestant de sa situation de santé est indispensable à la livraison. Lorsque le produit arrive ici, il est vérifié par les services de l'ONSSA, avant d'être commercialisé dans le marché national». Et d'ajouter : «Même au cas où le pays d'origine ne semble présenter aucun problème, le produit est obligatoirement inspecté et contrôlé à son arrivée au Maroc.» Par ailleurs, notre source confirme que les aviculteurs marocains «sont en surproduction» : «On a des prix dérisoires. On a tout ce qu'il faut au Maroc.» De son côté, un autre agent du secteur nuance ces propos. Il nous explique qu'au Maroc, «l'industrie de la dinde n'est pas si développé que celle du poulet». Pour ce faire, le Maroc a toujours importé du matériel génétique, mais uniquement de pays proches, comme la France et l'Espagne. Nos deux sources s'accordent sur le fait que «le Maroc est très vigilant concernant les questions de sécurité alimentaire», tout en soulignant qu'il existe des pays plus attractifs que le Brésil, concernant la volaille et plus précisément la dinde. L'ONSSA n'a malheureusement pu être jointe malgré nos nombreuses tentatives.