Que s'est-il exactement passé dans la nuit du 28 au 29 avril dernier au large des côtes d'Al Hoceima provoquant le naufrage d'un zodiac et la mort par noyade de 29 clandestins ? La gravité des accusations portées par les rescapés (d'abord relayées par le quotidien espagnol El Païs) a conduit une ONG, l'Association des Familles et des Victimes de l'Immigration clandestine (AFVIC), basée à Casablanca, à mener une enquête indépendante dont les conclusions mettent en cause la Marine Royale. Rappelons d'abord les faits qui ne sont contestés par aucune partie. Deux «pateras » (embarcations de type zodiac) étaient interceptées vers 2 heures du matin avec chacune 60 migrants à bord par deux patrouilleurs marocains. L'une des embarcations de fortune faisait naufrage. C'est là que les explications divergent. Alors que les autorités marocaines nient toute responsabilité dans ce drame certains rescapés portent des accusations accablantes. L'embarcation pneumatique qui a sombré, entraînant dans la mort près de la moitié de ses passagers, aurait été volontairement percée par l'un des militaires marocains à l'aide d'un objet tranchant, après le refus d'obtempérer aux sommations des patrouilleurs. Selon le rapport de l'AFVIC: « Parmi les passagers se trouvait le « connexion man », personne qui a en sa possession l'argent des passagers. Pour information, les témoins ont confirmé avoir payé chacun la somme de 1250 euros. Selon les témoignages, le « connexion man » a menacé verbalement le conducteur de la patera de le jeter à la mer s'il obéissait aux injonctions des soldats marocains». Toujours selon les témoignages recueillis par ce rapport « en l'espace de quelques minutes, un côté du zodiac s'est dégonflé, provoquant le chavirement de l'autre côté de l'embarcation. Un agent aurait alors lancé aux migrants : « Vous pouvez continuer votre route pour l'Espagne maintenant... ». « Une autre équipe de la marine est venue nous secourir mais c'était déjà trop tard, beaucoup de morts... On nous a jeté une corde, c'est avec cela qu'on nous a sauvés ». Cette arrestation par la force a entraîné un mouvement de panique. Certains ont tenté de se rattacher au zodiac et ont péri noyé. Un deuxième navire de la Marine royale a rejoint le lieu du drame et a tenté de porter secours aux victimes et assistance aux rescapés. Un témoin rapporte l'arrivée d'un navire de la Guardia civile, information qui n'a pas pu être confirmée auprès de tous les témoins. « Nous nous sommes comptés à notre arrivée à Al Hoceima, nous étions 31 survivants ». Le bilan est donc de 29 morts ou disparus, dont la noyade a fait 29 morts parmi les passagers de cette seconde patera, dont 4 femmes (une enceinte) et 4 enfants (1 fillette, 2 jumelles et 1 garçon), tous originaires de pays d'Afrique subsaharienne (Mali, Nigeria, Congo, Ghana, Cameroun, et Côte d'Ivoire). Selon deux témoins ivoiriens, V.C âgé de 39 ans et L.A âgé de 37 ans, les 31 survivants du naufrage ont été ramenés à terre par deux autres bateaux des forces de sécurité marocaines. Dix corps ont été repêchés et transportés par ambulance à la morgue de l'hôpital d'Al Hoceima. Les 19 autres personnes sont à ce jour portées disparues. » Différentes ONG dont Amnesty International, demandent aux autorités marocaines de faire toute la lumière sur les circonstances de cette catastrophe. De son côté l'AFVIC assure avoir eu l'assurance de la part du ministère de la justice qu'une enquête serait ouverte. Ce drame, après tant d'autres, relance une fois encore le débat sur le problème de l'immigration clandestine à partir du territoire marocain et à destination de l'Europe. En dépit des efforts déployés sur les deux rives de la méditerranée, la situation demeure complexe et critique. Chaque année, des milliers de subsahariens tentent l'aventure au prix de leur vie et de conditions d'existences pitoyables.