La semaine dernière, un bulletin météorologique a alerté sur des chutes de neige dans les régions de l'Atlas et de Drâa-Tafilalet. Aujourd'hui, les associations alertent sur le fait que plusieurs villages sont totalement coupés du monde, avec une faible intervention des pouvoir publics. Eclairages. Dans l'Atlas et les villages de la région Drâa-Tafilalet, plusieurs associations locales alertent sur la situation de ces zones enclavées à cause des chutes de neige. En effet, les autorités locales sont dépassées par une situation qui dure depuis plus d'une semaine. Quant au dispositif logistique fourni par des délégations provinciales de ministères (santé, équipements et transports…), il a réussi à débloquer quelques routes secondaires depuis hier, mais il ne couvre pas les besoins de toutes les régions concernées. Parmi celles-ci, la province de Midelt a subi les effets de chutes spectaculaires et exceptionnelles. La neige a atteint jusqu'à deux mètres, bloquant l'accès des populations aux services, faisant même une victime dans le village d'Itzer et tuant des troupeaux à Tounfit. Un village entier menace ruine Hamid Aït Youssef, vice-président du bureau régional de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) Drâa-Tafilalet et membre de la section locale de Midelt, confirme à Yabiladi que «les dernières chutes de neiges ont causé de lourds dégâts matériels dans des villages comme Er-Rich. Celui de Bouzmella a même connu l'effondrement de six habitations et il est désormais menacé dans sa totalité». A quelques kilomètres, le village d'Itzer comptabilise encore les dégâts et les effets des chutes de neige, pour lesquelles le dispositif d'anticipation s'est avéré insuffisant. Relayé par la presse depuis trois jours, le décès d'une femme âgée de la soixantaine dans ce village nous a été confirmé par Hamid Aït Youssef : «Une manifestation s'est tenue hier à Itzer à ce propos.» Dans le village de Bouzmella (province de Midelt), nombre de maisons en pisé menacent ruine après les chutes de neige ayant humidifié toits et plafonds. / Ph. Hamid Aït Youssef Par ailleurs, «certains bergers dans des douars comme Tounfit et Tisrawline ont perdu tout leur cheptel» à cause des fortes baisses de température ayant accompagné les chutes de neige», souligne le militant. Il considère également que «les autorités ne réagissent pas à la hauteur de la situation», notant l'«absence de cellules de crise et de mesures d'anticipation». Pourtant, le centre urbain de Midelt reste la région qui a subi le moins de conséquences, le déneigement ayant été effectué en une journée. Après quoi, la vie est retournée à la norme, «mais des villages restent coupés du monde et il y a peu de visibilité sur les mesures prises par les autorités pour les citoyens», souligne Hamid Aït Youssef. Un dispositif présent mais peu efficace Saïd Ahbar, coordinateur du réseau associatif dans le village de Boumia et membre de la section AMDH à Midelt, nous indique que les pouvoirs publics sont bien intervenus pour le déneigement de certaines routes. Un centre d'hébergement a également été mis en place pour les sans-abris et les femmes enceintes ont été averties pour rejoindre les hôpitaux. «Mais après pareilles chutes de neiges, on se retrouve toujours impuissant devant le fait accompli et beaucoup de villages demeurent coupés», ajoute le militant, indiquant qu'il est fort probable que la population n'ait plus les moyens de s'approvisionner en denrées alimentaires. «A Boumia, le pouvoir d'achat de la population est tellement faible que même l'approvisionnement en bois pour le chauffage devient impossible.» En effet, le bois de chauffage coûte en moyenne 100 à 120 DH par quintal dans la région. En temps de forte demande, il peut atteindre jusqu'à 140 DH. «Avec beaucoup d'économies et un usage très raisonnable, cette quantité n'est suffisante que pour trois à quatre jours», précise le militant. En attendant la mise en place de dispositifs de chauffage alternatif, la population à Boumia peine ainsi à garder ses habitations au chaud, lorsqu'elle n'œuvre pas elle-même à déneiger ses toits afin d'éviter d'éventuels effondrements. Dans ce sens, Saïd Ahbar indique que l'intervention de l'Etat ne porte pas ses fruits : «En tant que membre du tissu associatif de Midelt, nous avions un dossier revendicatif incluant la baisse des tarifs d'électricité dans ces régions, ce qui aurait été aussi une solution pour l'environnement puisque cela aurait permis de passer au chauffage électrique. Mais les politiques publiques restent peu réactives à ces propositions, gardant ainsi la population dans la précarité puisque tout le monde ne peut plus s'approvisionner en bois.» Egalement enseignant, Saïd Ahbar nous affirme que «tous les établissements scolaires dans le milieu rural de Midelt sont fermés, car il est difficile de se déplacer pour le moment. Les enfants font quatre kilomètres à pieds pour s'y rendre et c'est impossible en temps de neige. C'est difficile pour les enseignants aussi qui font la navette, car les routes sont coupées». En effet, une note du ministère de l'Education nationale a indiqué hier que 600 à 900 groupes scolaires ruraux étaient fermés à cause des chutes de neige. De son côté, Saïd Ahbar appelle à une intervention plus efficace dans la province de Midelt: «Il faut fournir assez d'appareils de déneigement des routes, équiper le centre d'hébergement un minimum, trouver une alternative au chauffage traditionnel onéreux, équiper également les hôpitaux de la région et créer des unités mobiles. Les attentes de la population de cette région sont grandes.» Le militant estime que «plus de 70%» des villages enneigés sont coupés : «Techniquement, lorsqu'on n'arrive plus à s'approvisionner en denrées, à se rendre à l'hôpital, à l'école ou en dehors du village, c'est que la zone est enclavée. L'intervention des pouvoir publics a été faite mais elle reste bien en deçà de la situation. Les communes s'alternent les rares déneigeuses disponibles, c'est inacceptable. Il faut un plan d'urgence pour désenclaver ces villages.» Itzer crie sa colère A 18 kilomètres de Boumia, Itzer a vécu hier aux rythmes d'une manifestation organisée par la coordination des associations locales, ainsi que la section de l'AMDH à Midelt. Une manifestation s'est tenue parallèlement à Khénifra, appelant à désenclaver plus rapidement les zones montagneuses. Rabii Oukkas, coordinateur de l'AMDH à Itzer, nous indique effectivement qu'«une femme a trouvé la mort après l'effondrement du plafond de sa maison en pisé. En temps de chutes de neiges, les habitants déneigent manuellement les toits de leurs domiciles pour éviter ces accidents-là. Elle l'avait fait, mais son plafond n'avait pourtant pas tenu. L'AMDH et le tissu associatif local a organisé hier un sit-in dans le village pour protester contre cette situation inacceptable». Lors de ce sit-in, les manifestants ont également exigé la création d'une politique de développement plus axée sur le social et adaptée à la région, tout en évoquant le dossier de relogement des habitants, lancé en 2009. Selon le militant, «le projet est toujours en gestation depuis la validation de son budget en 2011. Sa mise en application défaillante est directement en cause du décès de cette femme». «Nous avons appelé à la création d'emplois ainsi que d'une commission indépendante pour la reddition des comptes au niveau local et l'amélioration de l'infrastructure scolaire et sanitaire, qui n'accompagne pas l'évolution de la population dans le village.» Ce sit-in a été l'occasion d'appeler à l'ouverture d'un dialogue avec les autorités locales, qui n'ont pas encore répondu à cette requête. «La dimension entrepreneuriale du développement de la région n'est pas adéquate à ses spécificités», indique Rabii Oukkas, qui appelle les pouvoirs locaux à axer ce budget sur des dossiers sociaux en intégrant le tissu associatif local à ce processus. Réactions des autorités Dans un communiqué, le ministère de l'Intérieur a indiqué, hier soir, que le roi Mohammed VI avait donné ses instructions pour «déployer davantage d'efforts» et atténuer les effets de cette vague de froid et de chutes de neige. Il a également appelé à «prendre toutes les mesures pour le désenclavement des régions affectées et à apporter assistance et soutien à leur population». De son côté, le ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime a annoncé le lancement d'un «programme d'appui à l'alimentation du bétail via une opération d'approvisionnement en orge subventionnée» dans 22 provinces, dont Khénifra et Midelt. Mais en attendant, les agriculteurs de la région ne savent pas encore comment palier la perte d'une grande partie de ce cheptel. Plus au sud dans la région Drâa-Tafilalet, à Ouarzazate ou encore dans la province de Zagora, la problématique des habitations inadaptées à ces chutes de neige se pose depuis plus d'une semaine, mais aucune issue n'a été trouvée pour le moment, tandis que les déneigements manuels des toits restent l'unique solution de fortune. Article modifié le 08/02/2018 à 18h38