Acculés par les tensions sociales dans le Rif, de nombreux Marocains profitent de l'assouplissement de la surveillance des côtes pour traverser la Méditerranée en direction de l'Espagne. Deux embarcations de fortune avec à leur bord 79 migrants, originaires de divers pays africains, ont été interceptées hier dans les eaux méditerranéennes par des patrouilles de la Marine royale marocaine, ont indiqué à l'agence Efe des sources de sécurité. La première, qui transportait vingt ressortissants marocains, a été localisée à une dizaine de kilomètres au nord des côtes d'Al Hoceima. Tous ont été remis à la gendarmerie royale de la ville. Ils prévoyaient de rejoindre l'Espagne, a fait savoir une source à l'agence de presse espagnole, précisant qu'ils étaient originaires de plusieurs villes, notamment Mohammedia, Taounate et Errachidia. De plus, la gendarmerie royale a intercepté une embarcation sur laquelle voyageait 59 autres migrants, des Subsahariens, à une vingtaine de kilomètres de Al Hoceima. Originaires du Mali, de Guinée ou de Sierra Leone, ils ont été retrouvés en bonne santé, d'après une source sécuritaire. Ils ont également été remis à la gendarmerie royale. Celle-ci procède régulièrement à des interrogatoires avec les migrants rescapés afin de déceler d'éventuels réseaux de trafics d'êtres humains sur les côtes marocaines. Rif marocain et Casamance, même combat ? Le royaume ibérique fait face actuellement à une pression migratoire qu'il n'a pas connue depuis 2006. A l'époque, la Casamance, au sud du Sénégal, était le point de départ de nombreux Sénégalais vers les îles Canaries, en quête de l'eldorado européen. Désormais, les côtes d'Al Hoceima semblent marcher dans le sillage de cette région. Citée par El Mundo dans un article intitulé «Pourquoi tant d'embarcations partent-elles du Maroc ?», la Commission espagnole d'aide aux réfugiés (CEAR) avance la fermeture de certaines routes migratoires, l'assouplissement de la vigilance des autorités marocaines et le contexte social dont pâtit le Rif. Sur ces deux derniers points, Estrella Galán, secrétaire générale de la CEAR, explique : «Il y a moins d'effectifs déployés au niveau de frontière, ce qui facilite les flux migratoires.» Les tensions sociales du Rif ont également fait fuir plusieurs activistes du Hirak. D'après Khadija Ainani, vice-présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), relayée par le quotidien espagnol, «13 500 Marocains ont quitté le Rif pour l'Europe à cause de la répression». Des facteurs qui traduisent l'augmentation «notable» de migrants d'origine maghrébine, observe la CEAR. Hier, lors de la présentation de son rapport, la Commission a ainsi dénoncé «une situation de plus en plus critique au Maroc», selon Europa Press. «Nous demandons à ce que [le royaume] ne soit pas considéré comme un pays sûr», a déclaré Khadija Ainani, estimant que les droits fondamentaux des migrants n'y sont pas respectés, ainsi que ceux de la population locale. Les arrivées en Espagne de ressortissants marocains et algériens représentent respectivement 22,4% et 20,5%, contre 56,7% pour les Subsahariens, d'après les données du ministère espagnol de l'Intérieur. L'année dernière, sur les 1 225 migrants interceptés dans les eaux méditerranéennes à proximité d'Al Hoceima, 520 étaient Marocains.