«Je crois que la seule façon d'améliorer le savoir-faire est d'investir dans les humains. Le matériel est nécessaire, mais sans les hommes et les femmes entraînés, motivés et respectés, il n'est d'aucune utilité.» En avril 2004, je suis parti avec Médecins Sans Frontières dans le nord du Congo pour opérer des femmes et enseigner la chirurgie par les voies naturelles à un médecin congolais. J'y suis parti parce que beaucoup de femmes y ont subi des accouchements difficiles, souffert de déchirures ou de descente d'organes à l'arrivée de la ménopause. Et si la chirurgie par les voies naturelles demande certes une certaine technicité, elle offre l'avantage de la facilité de l'anesthésie et des suites opératoires. J'y ai passé trois semaines inoubliables de ma vie et je me souviens que j'y ai opéré quarante femmes environ. Et surtout, j'ai pu transmettre un savoir-faire - comme ce que je faisais avec mes étudiants en France ou mes collègues au Maroc - au chirurgien congolais qui a continué à opérer avec les mêmes techniques après mon départ. En octobre 2017, vint le tour de Priscilla, une infirmière française d'origine congolaise, spécialiste en néonatologie, de venir dans mon pays, le Maroc. On l'a invitée pour sauver des prématurés et enseigner la prise en charge délicate de ces êtres fragiles. Sans me connaître vraiment, ni connaître ce que je viens d'expliquer sur mon travail mené dans le pays d'origine de ses parents, elle a été contactée par une de ses collègues sage-femme marocaine en France, lui expliquant le besoin de venir passer quelque temps dans un service de néonatologie au Maroc. Un hymne à l'échange, la tolérance et l'humanité Sa présence, malgré les difficultés, est une aubaine pour les médecins et le personnel paramédical (infirmières et sages-femmes), parachutée dans un service difficile avec des tâches délicates et permanentes. Ainsi, elle a ouvert la voie à une collaboration avec le service public marocain, pour le bien-être de tous, personnel et nouveau-nés en souffrance. Je crois que la seule façon d'améliorer le savoir-faire est d'investir dans les humains. Le matériel est nécessaire, mais sans les hommes et les femmes entraînés, motivés et respectés, il n'est d'aucune utilité. Il restera dans un coin, ou sera malmené et détruit. «Faites le bien et oubliez-le !», dit un adage marocain. La venue de Priscilla pour me donner un coup de main dans un domaine bien que rattaché à ma spécialité présente ses propres spécificités et requiert une formation particulière. Elle est la preuve même que le bien attire le bien, même après plusieurs années. Sa présence, le partage qu'elle a eu avec ma famille, mon assistante Atika qui l'accompagne durant son séjour et ses relations avec les équipes de soins est aussi un hymne à l'échange, la tolérance et l'humanité. Notre humanité qui dépasse les continents, les races et les religions.