Me Isaac Charia est membre de la défense des détenus du Hirak à Al Hoceima et Casablanca. Dans une interview accordée à Yabiladi, il révèle la proposition des avocats de boycotter les audiences en appel pour le groupe d'Al Hoceima et annonce le souhait des habitants du Rif de dialoguer avec une commission royale, non pas avec le gouvernement, le wali ou les élus. Avez-vous interjeté appel des verdicts du tribunal de première instance d'Al Hoceima prononcés à l'encontre des militants du Hirak ? Le recours a été effectivement présenté mais l'idée de boycotter les audiences circule avec force parmi le groupe des avocats. Pour l'instant, nous ne sommes pas encore parvenus à prendre une décision finale. Nous allons nous réunir dans les prochains jours pour trancher, même si une majorité de la défense est en faveur du boycott des plaidoiries. Qu'en est-il des familles des détenus ? Elles sont partagées. Il y a des familles qui sont en faveur de la chaise vide et soutiennent la proposition des avocats, alors que d'autres s'accrochent à l'espoir que leurs enfants seront libérés en appel. Il y a un débat autour de cette question. Certains médias spéculent sur une grâce royale. Cette option est-elle possible alors que le dossier est encore instruit par la justice ? Certes la grâce royale est soumise à des conditions, mais la possibilité d'une grâce exceptionnelle demeure ouverte. Vous avez effectué des visites à Al Hoceima et rencontré des membres du Hirak ainsi que leurs familles. Les manifestants sont-ils ouverts au dialogue ? Sur le principe, absolument. Sauf qu'ils ne souhaitent pas ouvrir un dialogue avec des personnes dont ils disent qu'elles ne les représentent pas. C'est le cas du gouvernement, du wali et des élus locaux ainsi que de la présidence de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Avec qui veulent-ils discuter ? Est-ce avec le roi Mohammed VI ? Non, ils n'ont jamais exprimé une telle requête. En revanche, ils souhaitent que Sa Majesté nomme les membres d'une commission royale pour entendre les doléances des habitants. Une commission dotée des pleins pouvoirs pour prendre des mesures judiciaires et ordonner des enquêtes. Ses pouvoirs dépasseraient ceux du gouvernement ou du wali. La création de cette commission ne serait pas une surprise. En 1958, Mohammed V avait désigné une telle instance justement pour dialoguer avec les représentants du Rif qui avaient présenté une série de revendications au défunt roi. Malheureusement, l'expérience avait été avortée. La demande de constituer une commission royale prouve que les habitants du Rif ne sont pas séparatistes et qu'ils font entièrement confiance à Mohammed VI. Pensez-vous que ce souhait est réalisable ? Pourquoi pas. L'image de la monarchie en sortirait grandie.