Se rendre dans plusieurs hôpitaux du royaume et finir par perdre son enfant, faute de soin. C'est ce qui est arrivé le weekend dernier à la famille d'Idya Syfaks Fakhreddine et c'est le drame vécu par plusieurs autres familles marocaines. Ce dimanche, les Marocains se mobiliseront à Tinghir et à Rabat pour dire non à «la hogra et à la marginalisation». La société civile de Tinghir a annoncé jeudi une mobilisation au lendemain du décès au Centre hospitalier universitaire de Fès de la petite Idya, 3 ans, faute de soins. Dans un communiqué de presse, la section locale du Mouvement Anfas Démocratique à Tinghir présente d'abord ses «plus sincères condoléances à la famille de la jeune fille Idya» et à «chaque famille de la région Darâa-Tafilalet pour les souffrances répétitives qui passent sous silence, dans la négligence et l'indifférence des fonctionnaires». Le document, intitulé «Décès de la petite Idya…une tragédie à la taille d'une patrie», le mouvement dit apprendre avec beaucoup d'émotion la mésaventure, la galère puis la mort de la jeune enfant avant de tirer à boulets rouges sur les responsables du drame. «Quelles que soient les raisons ou les explications, pour la plupart du temps infondées et peu solides, commercialisées par le ministère de la Santé, cette tragédie révèle sans doute la faillite du secteur de la santé et de l'incapacité du ministère à préserver un droit des plus fondamentaux des citoyens : le droit à la vie.» Le communiqué pointe aussi du doigt «la faiblesse de la couverture sanitaire pour les citoyennes et les citoyens qui souffrent déjà des niveaux élevés de pauvreté et de vulnérabilité». Des niveaux qui restent tout aussi inquiétants au niveau national, selon Anfas démocratique qui cite toutes les études et les statistiques officielles et non officielles. Et Anfas démocratique d'affirmer son soutien à toute protestation pacifique visant à exprimer la colère et l'indignation des citoyens de ladite région. «Nous soutenons toutes les formes de protestation pacifique pour exprimer la colère du peuple marocain quant à la lâcheté des autorités et les dysfonctionnements dont souffrent les services publics», conclut le communiqué. La dépouille de la petite Idya a été inhumé mercredi dans son village natal. / Ph. 2m.ma A Tinghir et à Rabat, les Marocains marcheront contre la hogra Cette sortie médiatique fait suite à un autre appel lancé il y a quelques jours déjà sur les réseaux sociaux, repris sitôt par les médias locaux et nationaux. Une réaction signée par le comité du Mouvement populaire d'Ait Assamir, constitué au lendemain du décès d'Idya Syfaks Fakhreddine. Dans un message adressé aux «militants de la liberté, filles et fils d'Ait Assamir et à toutes les consciences vivantes», le mouvement appelle à une marche de solidarité avec la famille de la «martyr de la hogra et de la marginalisation» dimanche à Tinghir. La même source promet aussi un mouvement de protestation sans précédent pour un rendez-vous avec l'histoire en disant non «à la hogra, à la marginalisation collective et aux punitions collectives» et pour «une vie digne». Parallèlement, une deuxième marche aura lieu dimanche à Rabat à l'appel de trois militants associatifs pour faire écho à l'émoi exprimé par plusieurs internautes sur les réseaux sociaux. La manifestation se déroulera devant le Parlement du royaume à Rabat, à partir de 18h. Compte tenu du message de l'événement, le cortège organisé dans la capitale devrait davantage réunir de monde et avoir un impact plus important. «Idya n'est pas morte en Palestine ou en Syrie mais elle est décédée parce qu'elle est originaire de Tinghir. Elle est morte parce qu'elle a fait Tinghir-Errachidia-Fès pour un accès aux soins et parce que son pays ne lui a pas préservé ce droit à la santé», indique le message repris par plusieurs internautes. Depuis le début de cette semaine, plusieurs personnalités ont rompu le silence, choisissant les réseaux sociaux pour exprimer leur indignation. D'abord, le cinéaste Kamal Hachkar, ami de la famille d'Idya, qui avait déploré une non-assistance à personne en danger avant de fustiger l'absence d'équipements au sein des hôpitaux et centres régionaux de santé, situés dans des zones enclavées. «Transportée au pseudo hôpital de Tinghir, ils n'ont rien diagnostiqué puisque pas de scanner, pas de matériels... rien. A Errachidia, 170 km, pareil [et] Idya se retrouve à Fès mais il est déjà trop tard : traumatisme crânien, côtes brisées et hémorragie interne», s'est-il indigné. Le chirurgien obstétricien et acteur associatif, Docteur Zouhair Lahna a lui aussi réagi à cette affaire, estimant dans une interview accordée à Yabiladi que le décès de l'enfant est «symbole du lourd prix d'une mauvaise gestion hospitalière». «C'est tout le système d'urgences bancal, très mauvais et lent, qui est à revoir et un machiavélisme n'a pas lieu d'être dans un pays qui se respecte», nous a-t-il déclaré.