Les chiffres dévoilés début mars par le département d'Etat américain sur la production de cannabis au Maroc, dont un rapport indiquait que celle-ci équivalait à 23% du produit intérieur brut marocain (PIB), sont de nouveau remis en cause. Peu après la publication de l'étude, Chakib El Khayari, président de l'Association Rif des droits humains (ARDH), chevronné sur les problématiques liées à la culture de haschich, avait pointé du doigt les méthodes de calcul du département d'Etat. Dans un entretien au Monde, la sociologue et économiste Kenza Afsahi, auteure d'une thèse sur la culture de cannabis au Maroc, lui emboîte le pas : «(…) on ne sait pas si l'estimation de la production de résine est faite sur la base du volume des saisies effectuées par les services de police et de douane au Maroc et à l'international, ou sur la base de l'estimation des surfaces cultivées de cannabis. Dans les deux cas, la méthodologie, qui n'est pas expliquée, est imprécise.» D'après cette chercheuse au Centre Emile Durkheim (CNRS), ces chiffres ne reflètent pas la réalité. «Entre 2003 et 2005, l'ONUDC et le gouvernement marocain ont réalisé des enquêtes conjointes sur les surfaces cultivées et la production de résine avec une méthodologie connue et détaillée. Mais elles ont cessé depuis 2006. Or la culture du cannabis au Maroc a connu des changements ces dix dernières années», déclare-t-elle. Pour Kenza Afsahi, «la diminution des surfaces cultivées s'est accompagnée de l'introduction de nouvelles variétés hybrides importées d'Europe aux rendements et au taux de THC (tétrahydrocannabinol, la principale substance psychoactive) plus élevés. Et la sociologue et économiste de conclure : «Ces nouvelles variétés sont beaucoup plus gourmandes en eau, en engrais et en pesticides, nécessitent des nouvelles techniques de culture et demandent davantage de main-d'œuvre».