Le Parlement européen étonne. Il ne tarde jamais à condamner toute violation des droits de l'Homme dans le monde. Mais quand les intérêts de l'UE risquent d'être mis en cause, il fait marche arrière. Dernières illustrations, le refus de ses députés de voter une résolution soutenant la révolution du peuple tunisien mais aussi celui de condamner la Hongrie pour une loi jugée liberticide envers la presse. Pourtant, lors des événements de Laâyoune, ce même Parlement n'avait pas hésité à dégainer sur le Maroc. Le Parlement européen devrait-il continuer à donner des leçons sur les droits de l'Homme au reste du monde ? Son attitude sur la révolution tunisienne n'aiderait pas du tout à répondre par l'affirmative. En effet, l'Europarlement n'a pas jugé utile de voter une résolution soutenant le peuple tunisien qui vient de chasser Ben Ali. Dans l'hémicycle européen, on dit attendre que «la situation se stabilise» en Tunisie pour se prononcer. C'est du moins l'argument du groupe socialiste, qui soutient le groupe conservateur du PPE, opposé au vote de la résolution initiée par les Verts européens. Détenant la majorité, socialistes et conservateurs ont dit non aux Verts, à la gauche non socialiste (GUE) et aux libéraux et démocrates. Une attitude «inimaginable» selon Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe Vert (voir vidéo). Mais vu que «les gouvernements européens et le Parlement ont pendant des années soutenu la dictature tunisienne», rappelle-t-il, ça se comprend. Des intérêts sont donc en jeu. Des intérêts plus importants que le soutien à la démocratie. Pourtant, ce ne sont pas moins de 100 personnes qui ont sacrifié leur vie en disant non à la dictature du président déchu. Le cas de la Tunisie n'est pas le seul qui surprend. Les mêmes députés qui se sont opposés à la l'initiative des Verts ont également dit non à toute condamnation de la Hongrie. Ce pays vient pourtant d'adopter une loi vue comme contraire à la liberté de la presse. Sur ce sujet, la Commission est cependant entrée en jeu en demandant à la Hongrie de fournir des détails sur certains aspects de cette loi. Assez du saupoudrage ! Mais cela suffit pour s'interroger sur la crédibilité des «discours droit de l'hommiste» de l'UE. Ils ont plutôt l'air de ressembler à du bluff que de refléter une réelle volonté de promouvoir les droits de l'Homme dans le monde. Plus inquiétant encore, on ne tarde jamais à cracher ou à s'indigner du comportement de certains pays. Surtout de ceux qui représentent une menace économique comme la Chine. Le Maroc, sous le collimateur du Parti populaire espagnol en avait eu sa dose lors des événements de Laâyoune en novembre 2010. Alors que 11 sur 13 victimes étaient à déplorer parmi les forces de l'ordre (et non parmi les civils), le Parlement européen n'avait même pas attendu de rapport sur la «situation» pour condamner «fermement» le Royaume et exprimer sa «profonde préoccupation face à la nette détérioration de la situation au Sahara occidental». Ce n'est certainement pas avec du deux poids deux mesures que l'UE contribuera à promouvoir la démocratie et les droits de l'Homme. Si toutefois, ces notions sont des vérités chez les 27. Daniel Cohn-Bendit devant le Parlement européen 19 janvier 2011