Grande émotion ce début semaine dans le secteur bancaire. L'agence de notation Moody's a dégradé la note de trois banques marocaines, créant un mouvement de panique où rumeurs et interrogations ont pris le pas sur les fondamentaux. Moody's a réussi son coup. Explications. Attijariwafa Bank, BMCE et Crédit du Maroc ont subi toutes les trois une dégradation de leur rating. Alors que l'économie marocaine n'a souffert que modérément de la crise financière internationale, et que le secteur bancaire a montré une bonne résilience ces deux dernières années, les nouvelles notes communiquées par Moody's ont fait l'effet d'une bombe. Peut-on avoir confiance dans la solidité de nos banques ? Les actionnaires ont réagi assez rapidement avec une baisse sensible du cours de bourse de tout le secteur bancaire et pas seulement les trois visées par Moody's. Pis, les valeurs financières dans leur ensemble (sociétés de crédit, assurances) ont suivi cette tendance baissière, lundi. Cette fébrilité fait écho à l'effet de surprise de la place casablancaise. Pourtant Moody's donnera une précision qui se veut rassurante. En effet, la dégradation des notes des trois banques a été décidée début 2010, suite à un travail de recalibrage mondial des notes bancaires suite aux effets réels de la crise financière. Ce recalibrage ne serait pas d'ailleurs spécifique au Maroc. Pourtant un expert financier à Casablanca qui a souhaité garder l'anonymat, s'interroge sur le délai nécessaire pour que ce réajustement soit appliqué au Maroc. Il va plus loin en nous expliquant que c'est «soit de l'arrogance de la part de Moody's, soit un oubli interne, ce qui est tout aussi inquiétant». Moody's et Attijariwafa Bank, un divorce qui aura pris 4 ans Mais une autre information plus inquiétante à première vue, a interpellé le secteur bancaire au Maroc ainsi que la presse spécialisée. Après la dégradation du rating de Attijariwafa Bank (AWB), Moody's a annoncé avoir retiré la banque filiale de SNI de la notation. Les spéculations sont allés bon train durant toute la journée de lundi, jusqu'à ce que la direction d'AWB puis Moody's rectifient le tir. «Le retrait de la notation est lié uniquement à des raisons commerciales et ne s'explique pas par la qualité des crédits», selon le communiqué du bureau d'analyses de la région MENA. Cette explication a été confirmée par notre expert : «Le retrait de la cote ne peut être qu'à l'initiative d'une des deux parties et n'a rien à voir avec la qualité d'une société». En effet, AWB a coupé sa relation commerciale avec Moody's depuis plus de 4 ans. L'agence de notation continuait l'évaluation du rating de la banque gratuitement. Surement un geste commercial en espérant un retour de la banque marocaine dans le giron de Moody's. Mais notre spécialiste s'étonne de la succession des deux nouvelles : retrait de la note juste après le downgrade du rating. «Probablement une vengeance, une sorte de cadeau d'adieu de la part de Moody's», ironise-t-il. Car il faut bien comprendre que les agences de notation facturent à prix fort leur travail d'évaluation du risque des banques. Si pour les entreprises, le montant s'élève à environ à 80 000 euros par an, il faut compter 1 million d'euros pour une banque. Moody's, une agence qui évite de surprendre ? Aujourd'hui le calme est revenu après une panique non dissimulée. Moody's aura réussi à semer le doute sur un secteur qui s'enorgueillit d'être l'un des plus solides en Afrique. L'heure est désormais aux interrogations sur le timing de Moody's qui a surpris tous le microcosme financier marocain. Pourtant, Arnaud Marès, analyste en chef pour la France chez Moody's rassurait le journaliste du quotidien Les Echos en affirmant : « Notre travail consiste à expliquer aux marchés notre fonction de réaction (…) nous devons éviter de surprendre et donner les moyens aux investisseurs d'anticiper en permanence nos actions.» Si cette déclaration servait à évaluer le «travail» de l'agence, on pourrait, au regard de l'émotion suscité au Maroc lundi, baisser le rating de deux ou trois crans. Les nouveaux rating en détail Pour Attijariwafa Bank (AWB), la note est passée de Baa1/P-2 à Baa2/P-2. BMCE Bank et Crédit du Maroc ont eu droit à une évaluation encore plus sévère. Pour le même critère, leurs notations sont passées de Baa1/P-2 à Baa3/P-3. Les deux dernières ont également subi une réduction de la notation de la solidité financière qui pase de D+ à D. Sur ce point, AWB s'en tire mieux puisqu'elle garde le même rating (D+), même si ce rating stable se base sur une évaluation de crédit dégradée.