Ce n'est plus un secret pour personne. Bien que classée espèce menacée, le singe magot fait l'objet d'un commerce illicite au Maroc depuis plusieurs années. Le phénomène est quelque peu en recul grâce à la sensibilisation menée par les ONG, mais l'exposition des macaques de Barbarie sur la place Jemaâ el Fna de Marrakech est dénoncée comme un encouragement au trafic. Un tableau jugé «honteux» pour l'image du Maroc qui abrite cette année la COP22. «Faisons en sorte que de 2016 soit l'année où nous travaillons tous à mettre fin à l'exploitation des macaques de Barbarie au Maroc !» Tel est l'appel de l'ONG Barbary Macaque en ce début d'année à tous les Marocains, tout étranger résidant au Maroc et aux touristes, dans un communiqué paru cette semaine. Ce document se veut être également une sorte de guide pour tout témoin d'une exploitation illégale de singe magot. Cette campagne vise à protéger cette espèce menacée qui fait, depuis de nombreuses années, l'objet d'un commerce illégal. La place Jemâa El Fna reste le lieu d'exposition de prédilection pour les trafiquants. Ils proposent aux touristes de poser avec les singes moyennant quelques dirhams. Parfois ces animaux sont mis en vente ailleurs dans la ville ocre ou au Nord du royaume. Des macaques de Barbarie ont d'ailleurs été saisis plusieurs fois aux mains de MRE ou touristes lors de l'opération transit. L'exposition des singes magots sur Jemaâ El Fna toujours pointée du doigt Barbary Macaque reconnait que le trafic est moins intense qu'il y a quelques années, mais la persistance de la pratique dérange. «Nos travaux ont quand même porté leurs fruits», souligne à Yabiladi le président, Ahmed El Harrad. Mais ce dernier estime cependant que l'exposition des singes magots sur Jemaâ el Fna «encourage en quelque sorte» le trafic. «Prendre une photo avec les singes est la plus grave chose que les touristes puissent faire», explique ce fervent militant de la cause animalière. En novembre dernier, l'ONG a lancé une campagne de communication sur Facebook au cours de laquelle les gens écrivaient de partout dans le monde pour dénoncer le trafic des singes magots au Maroc, ainsi que l'activité des «charmeurs» sur la place marrakchie. Au niveau national, les trafiquants sont également de plus en dénoncés. En 2013, le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts (HCEF) travaillait sur une probable légalisation de cette activité, estimant qu'il s'agissait d'une «pratique culturelle» propre au Maroc. Aujourd'hui, plus de deux ans plus tard, «la réflexion est toujours en cours», indique à Yabiladi le chef division des Parcs et Réserves naturelles au HCEF, Zouhir Ahmaouch, assurant tout l'intérêt porté par l'Administration sur cette question. Mettre fin au trafic sans nuire à un «savoir-faire marocain», selon l'Administration Dans ce sens, une rencontre a été organisée hier, jeudi, au zoo de Rabat avec la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages) l'Administration des Douanes, la Gendarmerie royale et les ONG dont Barbary Macaque. Le débat tournait autour du commerce illégal de la faune sauvage au Maroc, à la lumière de la nouvelle loi 29-05 entrée en vigueur le 5 décembre dernier. Celle-ci interdit toujours le commerce illicite, mais autorise l'octroi de permis «à la demande des intéressés qui remplissent les conditions». Le HCEF, lui, fait un distinguo entre le trafic proprement dit et les activités culturelles comme celles de Jemaâ el Fna. «C'est un savoir-faire marocain», souligne M. Amhaouch. «Le problème c'est que lorsque qu'un charmeur présente deux singes sur la place Jemaâ el fna, il en a quatre autres à la maison», ajoute-t-il. Reconnaissant le risque que cette activité entraine un «déclin de l'espèce», le responsable estime que tout le challenge consiste à éviter qu'une telle chose ne se produise. «Jemaâ el fna est un patrimoine immatériel du Maroc, tandis que les singes magots représentent notre patrimoine naturel. Le défi, c'est de protéger les deux», explique-t-il. La COP22 un catalyseur? Pour Barabary Macaque la mobilisation de toutes les composantes de la société, ainsi que la pression internationale pourra vraiment faire aboutir la lutte contre le trafic des macaques de Barbarie. Un impératif, affirme l'association, notamment en raison de la COP 22 organisée à Marrakech cette année. «Avec ce grand congrès sur les changements climatiques, il serait dommage pour l'image du Maroc si tous les grands écolo du monde trouvaient à Jemaâ el Fna des animaux sauvages exposés comme c'est le cas actuellement», affirme Ahmed El Harrad. Le HCEF veut bien mettre tout en œuvre pour stopper le trafic des singes magots, mais émet un avis divergent sur l'exposition de ces animaux sur la place publique en pleine COP. «On n'a pas honte d'avoir la COP22 à Marrakech et d'avoir un espace où les animaux sont exposés dans le respect des normes internationales. Les deux peuvent ne pas être contradictoires», dit-il, estimant qu'il est juste question de stratégie. Il annonce d'ailleurs la mise en place «très prochaine» d'un plan d'action. Pour l'heure, les avis divergent toujours entre ONG et officiels quant aux conséquences de l'activité des charmeurs sur la place Jemaâ El Fna. Tous sont, tout de même, engagés à mettre un terme au trafic proprement dit, reste à espérer que la décision finale soit la bonne. «Le dialogue est en train d'évoluer, nous restons confiants», assure Ahmed El Harrad.