Présenter des pétitions d'initiative populaire devrait relever du parcours du combattant, du moins le gouvernement Benkirane a tout fait pour. Son projet de loi entend vider ce droit garanti par la constitution de 2011 de sa substance au risque de le transformer en une coquille vide «Les citoyennes et les citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une loi organique détermine les conditions et les modalités d'exercice de ce droit», annonce l'article 15 de la constitution. Les Marocains auront bientôt ce «droit». Après plus de quatre ans d'attente, le projet de loi 44/14 a enfin été publié. Le texte devrait par contre en décevoir plus d'un. Il dresse en effet une série d'obstacles devant l'initiative populaire. Celle-ci devrait être réduite à une portion congrue. La mouture élaborée par le ministère des Relations avec le parlement et la société civile a dépassé les traditionnelles lignes rouges, en ajoutant de nouvelles zones interdites aux pétitions citoyennes. La longue liste des sujets exclus La version du gouvernement a bien entendu hermétiquement fermé la porte devant toute pétition «portant atteinte aux piliers de la nation, notamment celles concernant la religion musulmane, l'intégrité territoriale, le régime monarchique de l'Etat, le choix démocratique de la "Oumma", les réalisations enregistrées dans le respect des libertés et des droits fondamentaux annoncés dans la constitution». Mais à cette première "salve" de restrictions il faut ajouter une deuxième vague portant sur des questions liées à «la sécurité nationale», celles ayant fait l'objet «d'un verdict des tribunaux ou en cours d'examen par la justice» et même toutes les affaires programmées dans le cadre de commissions d'enquêtes parlementaires. Et ce n'est pas tout, la mouture préparée par le département de Habib Choubani brandi un niet ferme devant toutes les initiatives populaires portant sur des «revendications syndicales et partisanes». Ce tour de vis laisse peu de sujets libres aux citoyens désirant faire appel à l'initiative populaire. Par ailleurs, chaque pétition devra recueillir l'adhésion de 7 200 signatures dûment légalisées et tous les signataires seront tenus d'être déjà inscrits sur les listes électorales. Cela écarte de facto des millions de Marocains qui refusent de prendre part au processus électoral.