Trois ONG, l'ACAT, Amnesty International France, et Human Rights Watch ont interpelé le Premier ministre français Manuel Valls à l'occasion de sa visite ce jeudi au Maroc. Elles demandent à ce que la France renonce à un projet d'accord avec le Maroc qu'elles jugent «extrêmement problématique». La visite du Premier ministre français est l'occasion idéale pour certaines ONG de tirer à nouveau à boulets rouges sur le Maroc. L'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), Amnesty International France et Human Rights Watch ont appelé le chef du gouvernement français «à renoncer à un projet d'accord extrêmement problématique signé entre les deux pays». «La France doit rejeter tout accord avec le Maroc qui favoriserait l'impunité des responsables de violations des droits humains», indiquent les ONG dans une note publiée ce jeudi sur le site HRW. Ces trois ONG estiment que «cet accord donnerait en effet priorité au système judiciaire marocain pour enquêter sur tout crime ou délit commis au Maroc, même si la victime est française, dès lors qu'est potentiellement mis en cause un ressortissant marocain». «L'accord remet en cause l'engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves qui sont sur son sol sur la base de la compétence universelle et risque de mettre la France en violation de ses obligations internationales», explique, Leslie Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale. L'affaire Hammouchi toujours pointée du doigt Si les ONG ne la mentionnent pas, elles font sans doute référence à l'affaire Hammouchi, le responsable du contre espionnage marocain qui faisait l'objet d'une plainte en France avant de se voir promettre une décoration de la Légion d'honneur. Selon l'ACAT, A.I France et HRW, l'accord signé le 31 janvier dernier et amendant la Convention d'entraide judiciaire entre la France et le Maroc, «mettrait en péril les droits des victimes françaises et étrangères de crimes commis au Maroc, y compris de graves violations des droits humains, en rendant quasi impossible toute poursuite en France de ressortissants marocains». Les trois ONG estiment que «la justice marocaine s'est…régulièrement montrée incapable d'assurer des procès équitables aux plaignants dans les affaires politiquement sensibles», soulignant notamment des failles dans des enquêtes sur des allégations de violations de droits humains. Pour Nordine Drici, directeur des programmes à l'ACAT, «l'accord prévoit qu'un juge français chargé d'enquêter sur une infraction commise au Maroc devra prioritairement se dessaisir au profit de la justice marocaine et cela, même si la victime est française et même si le crime commis est aussi grave qu'un crime de torture». «S'il s'agit d'affaires politiquement sensibles, la justice marocaine risquera de les classer sans suite et la victime de l'infraction sera alors en plus victime d'un déni de justice». Pour sa part, Geneviève Garrigos, présidente d'A.I France, ajoute que «le rétablissement des relations franco-marocaines, s'il est légitime, ne doit en aucun cas se faire au détriment du droit des victimes à un recours effectif devant un tribunal indépendant».