INTERVIEW. «Seule une volonté politique de blocage empêche la justice de mener à bien son action de recherche de la vérité», du côté français comme du côté marocain, explique Bachir Ben Barka, fils de l'opposant marocain enlevé en 1965 à Paris. Aujourd'hui, il attend la levée du secret-défense sur les documents saisis à la DGSE, mais il est encore trop tôt pour spéculer sur leur contenu. - Yabiladi : Peu de détails ont percé sur la perquisition au siège de la DGSE par le juge Patrick Ramaël, qui enquête sur la disparition de votre père. Pouvez-vous nous apporter des informations supplémentaires ? - Bachir Ben Barka : Tout ce que je peux vous dire est que cette perquisition s'inscrit dans le cadre des demandes exprimées par la famille de Mehdi Ben Barka et son avocat Me Maurice Buttin auprès du juge Ramaël pour avoir accès à tous les documents concernant la disparition de mon père, présents dans les archives des différents services officiels en France et ailleurs. La démarche du juge au siège de la DGSE nous prouve que ces documents existent. Maintenant il faut attendre d'en prendre connaissance pour savoir s'ils vont nous apporter des éléments susceptibles de nous aider à mieux connaître la vérité sur le sort de mon père. - L'objectif serait de connaître ce que les services secrets français savent de l'enlèvement de Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris. Attendez-vous de nouvelles révélations, de nouvelles preuves, qui feraient évoluer le dossier ? - Seule la consultation de ces documents apportera une réponse à cette question. - L'affaire Ben Barka a connu plusieurs rebondissements. Les derniers en date ont été le lancement de 4 mandats d'arrêts par Interpol puis leur suspension par le parquet de Paris. Pensez-vous que les documents obtenus seront déclassifiés ? - Il y a une procédure à respecter. D'abord la commission consultative du secret de la défense nationale doit donner son avis. Comme le président de cette commission était présent lors de la perquisition, nous sommes confiants concernant sa décision. Ensuite, il revient au ministre de la défense de décider de lever le secret-défense sur les documents. Nous attendons cette mesure. - Le juge voulait saisir plusieurs dizaines de dossiers mais n'en a obtenu que 23. Soutenez-vous les propos de Me Maurice Buttin, qui avait déclaré après le blocage par des mandats d'arrêts par le parquet, qu'il «soupçonnait une intervention politique pour empêcher un différend diplomatique entre la France et son ancien protectorat» ? - Bien sûr et totalement. Depuis 45 ans seule une volonté politique de blocage (qu'on peut nommer raison d'Etat) empêche la justice de mener à bien son action de recherche de la vérité. Cette raison d'Etat s'exprime aussi bien côté français que côté marocain. Les éléments existent pour connaître la vérité : que ce soit des documents comme on vient de le constater ou que ce soit des témoins encore vivants au Maroc qui connaissent une part plus ou moins importante de cette vérité. Il serait temps de les entendre.