Alors que des défis importants menaçaient la solidité budgétaire du Maroc, de bonnes nouvelles viennent décrisper le visage de l'argentier du royaume, Salaheddine Mezouar. La plus récente, c'est la sortie réussie sur les marchés internationaux pour l'émission d'un emprunt obligataire en euros. En quoi cet emprunt constitue-t-il une réussite pour le pays ? Décryptage. Le ministre de l'Economie et des Finances avait du mal à cacher son anxiété face aux nombreuses zones de turbulences qui approchaient. En interne, les liquidités des banques sont sous pression depuis plusieurs mois. La cause : des crédits aux ménages, aux entreprises en forte hausse, mais des dépôts qui n'augmentent que très faiblement. L'Etat avait pris l'habitude de financer son déficit budgétaire en faisant appel justement au marché national. Or face à cet assèchement des liquidités, la seule solution pour détendre un peu la pression, était de faire appel aux marchés internationaux. Ce n'est pas la première fois que le Maroc émet un emprunt à l'international. En 2003, et plus récemment en juin 2007, il avait réussi à placer pour 500 millions € d'obligations. Mars 2010, une bonne nouvelle intervient puisque l'agence de notation Standard & Poor's (S&P) décide d'améliorer la note de la dette à long terme en devise du Maroc en la passant de BB+ à BBB-, soit une qualité «investment grade» et non plus «speculative». Cela signifie tout simplement qu'en théorie le Maroc pourra emprunter plus facilement, et avec une prime de risque inférieure. Suite à ce précieux coup de pouce de S&P, le Royaume programme dans la foulée une sortie sur les marchés internationaux. La fébrilité des marchés, notamment avec les incertitudes sur la solvabilité de la Grèce, a obligé un report. Le mois de septembre est considéré comme le moment propice. Résultat : l'émission obligataire est un succès avec une demande équivalente à plus de 2 milliards d'Euros (soit le double de l'offre) à un taux de 4,5% et une prime de risque (spread) de 200 points de base. Un expert financier qui a souhaité garder l'anonymat estime que «l'émission est particulièrement réussie grâce à un très bon timing, un effet rareté du nom et du fait d'une signature connue et appréciée eu Europe.» Les 200 points de base de prime de risque qui sont bien plus élevés que le spread pour l'emprunt de 2007, sont conformes à la tendance actuelle marquée par une nervosité des marchés. Certains sites spécialisés dans la finance sont même allés à comparer le spread du Maroc avec ceux «moins bons» de certains pays d'Europe. Un emballement que tempère notre analyste financier estimant que «la comparaison avec les émissions européennes n'a pas vraiment lieu d'être. La Grèce et l'Espagne sont sorties a des moment de crise interne profonde et d'inquiétudes sur la viabilité même de l'Europe en tant qu'union solidaire. Malgré cela, le Grèce est sortie avant le bail out à 10 ans à midswap + 300 pour un montant de 5 milliards d'euro. A noter que ces niveaux élevés sont aussi dus au fait que la Grèce a levé 18 milliards d'euros entre janvier et mars, donc rien à voir avec les 1 milliard du Maroc.» Il faut également préciser que même si le Maroc est passé en «Investment grade», il reste dans les fonds «emerging» contrairement à des pays comme l'Espagne, le Portugal ou la Grèce qui intègrent les portefeuilles «pays développés». Notre expert nous explique que «la Grèce est la moins chère des signatures les plus chères. Le Maroc par contre est l'une des plus chères des signatures les moins chères sur le marché.» Mais cette position est justement ce qui a assuré le succès de l'émission obligataire marocaine. «Le Royaume du Maroc se place quelque part à la tête du peloton des +emerging+, ce qui est une excellente position pour un pays +emerging+ qui ne dispose d'aucune ressource», précise notre expert. Il constitue donc un placement de choix avec un niveau de risque moyen, pour les investisseurs qui ont besoin de diversifier leur portefeuille. Une très belle opération donc pour le pays qui lui permet de financer ses grands chantiers à un taux moins élevé que par le passé, de détendre la pression sur les liquidités, et d'évaluer concrètement la valeur de la signature Maroc. Une réussite au niveau financier, mais surtout une très belle opération marketing dans la promotion de l'économie marocaine. Répartition des souscriptions par région Etats-Unis : 20% Royaume-Uni / Ireland : 20% Allemagne : 19% Moyen-Orient : 10% Afrique (essentiellement Maroc) : 9% Suisse : 8% Asie : 4% France : 3% Scandinavie : 2% Reste de l'Europe : 5%