La sortie du Trésor à l'international diminuera la pression sur les taux et améliorera la liquidité sur le marché monétaire. Toutefois, la qualité de signature du Maroc peut être affectée par les dernières sorties des agences de notation financière.
Le Maroc, après plus de 4 ans d'absence, va solliciter le marché obligataire international pour une levée de fonds début 2019. Une sortie confirmée par le ministre des Finances, mais dont le montant et les modalités n'ont pas encore été fixés. Le dernier recours au marché international remonte à 2014, sous l'ère Boussaid. Le Maroc avait emprunté 1 milliard d'euros avec un coupon de 3,5%, pricé d'un taux midswap majoré d'un spread de 215 pbs. Selon les bruits de marché, la prochaine émission devrait se chiffrer à au moins 1 milliard de dollars. Montant que le Trésor ne peut emprunter ni auprès des établissements bancaires, dont le déficit de liquidité s'élèverait à 57 milliards de DH en 2018, ni directement auprès de Bank Al-Maghrib (pour ne pas activer la planche à billet pour des raisons inflationnistes). Et ce, d'autant que l'Etat est déjà très présent sur le marché domestique de la dette.
Inquiétudes ? Les dernières publications des agences de notations internationales peuvent être source d'inquiétudes pour les investisseurs, affectant ainsi la signature de l'Etat et son spread. D'abord, Standard & Poors a revu récemment les perspectives du Royaume de «stables» à «négatives», sur fond de déséquilibres budgétaires. Puis est venu le warning de Moody's sur les dérapages du budget de l'année 2018. La note du Maroc est placée sous surveillance, mais aucun changement ne devrait y être apporté d'ici la concrétisation de la levée. Parallèlement, le gouvernement devrait entamer son «road show» auprès des investisseurs internationaux, dans un contexte interne de resserrement de liquidités bancaires, de tensions budgétaires, accompagné d'une croissance qualifiée d'«atone» par la Banque mondiale. Malgré ce cocktail amer, le Maroc présente tout de même quelques bons points : d'abord, une dette extérieure qui représente 31,3% du PIB (niveau faible en comparaison avec d'autres pays émergents) et qui laisse une marge à une plus grande dépendance vis-à-vis des marchés financiers extérieurs. Ensuite, un «Investment Grade» maintenu. Ce statut avait permis au Maroc de réussir ses dernières sorties. S'ajoute à cela la reconduction de la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI, qui couvre les risques d'impacts de la conjoncture internationale. Une assurance pour le Royaume et une garantie pour ses créanciers.
Peut-on espérer de bonnes conditions ? Sur le marché obligataire international, des tensions s'exercent actuellement, et elles sont bien visibles. L'heure est à la remontée des taux longs, aux Etats-Unis comme en Europe. Le principal élément d'explication provient, bien évidemment, de la politique monétaire des grandes Banques centrales. La tendance est à la normalisation. D'autres facteurs ravivent la nervosité du marché : le bras de fer budgétaire entre l'Italie et l'UE, les tensions sur les tarifs douaniers, les négociations «infinies» autour du Brexit, la dégringolade des marchés actions mondiaux, et une aversion au risque marquée pour le papier de dette émergent, comme en atteste l'écartement des spreads mesurés par l'indice EMBI+ de JP Morgan (Emerging Markets Bond Index) qui pointe à 329 pbs. Tenant compte de ces composantes marché, l'Etat doit donc offrir une prime de rendement intéressante, censée compenser les investisseurs et, surtout, bien étudier le timing de l'opération. Actuellement, la prime de risque évaluée par le CDS 5 ans Maroc tourne autour de 102 pbs, soit un niveau à peu près équivalent aux primes de risque du Portugal, de l'Inde ou encore de la Hongrie, alors que les spreads des Eurobonds 2022 et 2024 atteignent 71 et 139 pbs, respectivement. ■
Euro ou Dollar ? Le Maroc choisira-t-il de libeller sa dette en Euro ou en Dollar ? Libeller en Dollar, c'est toucher une poche d'investisseurs élargie et gagner une plus grande profondeur du marché des Eurobonds en Dollars. L'on se rappelle de la dernière sortie du Maroc en Dollar en 2012, où son émission a été souscrite plus de 6 fois. Sortir sur le marché Euro, c'est profiter d'un prix d'Euro plus stable à «la sortie d'usine». A noter que la FED a relevé ses taux trois fois cette année, et les marchés s'attendent à ce qu'elle fasse un autre geste sur ses taux d'ici la fin 2018. Enfin, l'emprunt à l'international va apaiser les tensions sur le marché domestique, quand on sait que le rythme des levées du Trésor devrait s'intensifier au second semestre, sous la double pression de l'accélération du rythme d'exécution budgétaire et l'importance des tombées prévues, dont le montant s'élève à environ 41,6 Mds de DH. D'un autre côté, cette émission va également renforcer les réserves de change, en permettant un gain (en jours) en termes de couverture des importations. ■