Fervent défenseur d'un islam à la française, l'imam marocain de Bordeaux Tareq Oubrou est revenu, dans un entretien avec le Monde sur ce qu'il pense de la pratique de la religion musulmane dans la France d'aujourd'hui. Il appelle à l'adaptation de la religion à la mentalité de l'Hexagone, car sa visibilité actuelle, dit-il, fait peur à l'identité française. Détails. «L'islam, par sa visibilité, déstabilise l'identité nationale» française, déclare le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, dans un entretien avec Le Monde publié en accès abonné. Le quotidien voulait en fait qu'il s'explique au sujet d'une déclaration faite le 2 février dernier, à la sixième conférence interreligieuse de Bordeaux aux côtés du maire de la ville, l'Umpiste Alain Juppé, sous le thème : «Les religions, source de violence ou de paix sociale». Un évènement en étroit lien avec les attentats de Paris survenus début janvier. Pour mémoire, l'imam marocain avait déclaré : «il faut une refonte de la théologie musulmane». Il explique que les Français «n'ont pas été préparés à accueillir [la] visibilité» de l'islam. Ceux-ci, d'après lui, ont reçu les premiers immigrés pour la main d'œuvre qu'ils offraient, mais ont «oublié qu'avec les bras viennent des cultures et des religions». Du coup, le fossé s'est creusé entre l'éducation religieuse jumelée à la culture du pays d'origine inculquée par ces immigrés à leurs enfants et les nouveautés de la mondialisation au sein de la société française. «Il faut adapter l'islam à la mentalité française» Selon Tareq Oubrou, les musulmans de France doivent prendre en considération non seulement le fait que la laïcité leur permette de pratiquer leur religion, mais également l'aspect des «mentalités». «La liberté en France, c'est la capacité de se libérer de la religion. Il faut donc adapter l'islam à cet univers mental où la pratique religieuse est vue de manière sceptique», affirme-t-il. Concernant la compatibilité de l'islam avec la laïcité – cette question fatidique objet de nombreux débats ces dernières années et qui s'est amplifié avec les attentats de Paris– l'imam natif d'Agadir pense que la question ne se pose pas, car l'islam est une religion et «pas une civilisation». «Le jihadisme n'est pas génétiquement lié à l'islam» D'après le recteur de la mosquée de Bordeaux, le problème aujourd'hui en France réside dans le rapport qu'entretiennent les jeunes avec la religion et les interprétations qu'ils font du Coran. Il explique que le fossé qui s'est creusé entre l'éducation reçue par les enfants d'immigrés et les mentalités actuelles de la société française, tout ceci jumelé à la faible formation de certains imams ont complexifié la situation. «Les jeunes ont du mal à comprendre que le Coran demande des outils d'interprétation. Il y a une dimension historique dans le Coran. Tout n'y est pas absolu», argue M. Oubrou. Mais l'imam pense que ces interprétations de l'islam n'expliquent pas à elles seules que des jeunes comme les frères Kouachi provoquent des attentats. «Il est évident que c'est multifactoriel», dit-il, expliquant que ces jeunes sont généralement le produit des échecs scolaires, des prisons, de la délinquance, la précarité sociale ou encore l'éclatement des familles. «Dire que [le jihadisme] est génétiquement lié à l'islam, c'est ne rien comprendre ni à l'islam ni à la complexité de l'être humain», estime l'imam marocain. Pour mémoire, Tareq Oubrou avait fortement condamné les attentats de Paris. Il était même l'un des imams les plus médiatisés au moment où la communauté musulmane était en proie à l'amalgame. Il avait d'ailleurs surpris en affirmant : «l'intention des caricatures [de Charlie Hebdo, ndlr] c'est l'apaisement, c'est même un acte de gentillesse. Il faut voir la caricature au-delà du problème de la représentation du prophète en tant que tel». Aujourd'hui encore, il évoque avec force la formation des imams, l'amélioration de leurs conditions sociales, notamment salariales, ainsi que l'introduction dans les programmes scolaires de l'apport du monde musulman à l'histoire de la France, comme des moyens efficace de lutte contre l'endoctrinement.