C'est la grande grogne en Espagne actuellement. Alors que le Maroc fait tout pour ne pas subir les conséquences de la réforme de la politique agricole commune de l'UE, les agriculteurs espagnols dénoncent «la pression» de Rabat pour empêcher l'entrée en vigueur de la réforme telle que prévue par les textes. Ils ont saisi le Commissaire européen à l'agriculture, et selon un média local, celui-ci aurait accusé le gouvernement chérifien de «chantage diplomatique et politique». «Nous sommes conscients des fortes pressions que le lobby agricole marocain exerce pour freiner ou affaiblir les dispositions voulues par l'UE dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune [PAC, ndlr]», a déclaré - lundi - Andrés Gongora du COAG, le Coordinateur des organisations d'agriculteurs et d'éleveurs en Espagne. Dans un communiqué officiel, l'Organisation dénonce «la pression» de Rabat pour empêcher l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC prévue le 1er octobre prochain. Le COAG a déjà saisi la ministre espagnole de l'Agriculture, de l'Alimentation et de l'Environnement, Garcia Tejerina, ainsi que le Commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos à ce propos. Les Marocains attendent toujours un geste de Bruxelles Pour rappel, la réforme de la PAC vise à modifier l'accès des fruits et légumes des pays tiers dont le Maroc. Ce qui met directement en danger des produits phares du royaume tels que la tomate. Après des plaintes du gouvernement, Bruxelles a accepté – il y a deux semaines - de revoir le cas du Maroc en faisant quelques réajustements sur certains produits comme la fraise, l'ail ou le concombre, mais excluant toute révision pour la tomate et les courgettes notamment. Mécontents, les professionnels marocains envisagent de saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC), car les autorités ont toujours dénoncé que cette réforme européenne, décidée unilatéralement, viole l'article 20 de l'accord agricole bilatéral. Ce dernier veut que la partie qui souhaite changer sa politique en informe à l'avance le Comité d'association. Une concession en faveur du Maroc serait «détruire l'esprit de la réforme» Le COAG estime pour sa part que «toute concession accordée à un pays tiers détruirait l'esprit de la réforme et irait à l'encontre de l'établissement d'un système plus fiable, en ligne avec le rapport spéciale la Cours des comptes européenne et le code communautaire des douanes». Selon Andrés Góngora, l'actuel système ne garantit pas le respect des prix des entrants. Il cite l'exemple de la courgette marocaine dont la valeur totale des importations européennes était inférieure au prix d'entrée réglementaire à 24 reprises entre février et mars 2014. Cela «a provoqué la saturation du marché européen et l'effondrement des prix d'origine», explique le responsable. «Chantage diplomatique» ? Hier mardi, les professionnels espagnols ont rencontré Dacian Ciolos, pour défendre leur position de vive voix. Curieusement ce dernier aurait, d'après la presse d'Almeria, «reconnu que le Maroc poursuit un chantage politique et diplomatique, en bloquant d'autres accords comme la pêche, si l'UE ne répond pas aux conditions de l'accord agricole». D'ailleurs, les pêcheurs espagnols s'impatientent. Ils sont encore montés au créneau, reprochant à leur gouvernement le «manque d'information» qui règne à ce propos, rapporte 20 Minutos. Le Maroc ne veut être perdant sur aucun dossier. Et l'accord de pêche semble être un pion stratégique, puisque l'activité de centaines de pêcheurs espagnols dépend des eaux marocaines. Mais ces critiques ne sont pas nouvelles. A cela, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, Aziz Akhannouch, avait coupé court, s'opposant à ce type d'analyse. Les deux accords «ne sont pas liés», avait-il déclaré.