Si de tout temps, la politique américaine du Maroc a toujours reposé sur une proximité avec les lobbys juifs, en 2014, elle vient d'opérer un changement en s'ouvrant également sur la communauté noire aux Etats-Unis. C'est le nouveau pari du royaume. Le Maroc tient à éviter un autre casse-tête diplomatique avec Washington, en avril prochain, au sujet de l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme au Sahara occidental. Il s'agit d'une priorité pour la diplomatie royale. Sa réalisation sur le terrain repose essentiellement sur un renforcement des liens, déjà existants depuis les premières années de l'indépendance du Maroc, avec les lobbys juifs, très influents aux Etats-Unis. Depuis un peu moins d'un an, Rabat tente, avec succès, un rapprochement avec des têtes d'affiche de la communauté afro-américaine, réputés proches des démocrates. Le n°2 de l'AIPAC décoré par le roi Le lobby juif à Washington a joué un rôle primordial dans l'extinction de l'incendie lié au projet de résolution américaine au Conseil de sécurité. La délégation royale, dépêchée sur place dans l'urgence, avait permis de renouer le contact avec l'ancien patron du Conseil national de sécurité, Tom Donilon, remplacé par Susan Rice et John Kerry. Une entreprise rendue facile grace notamment au concours du lobby juif. Celui-ci avait permis le retrait de la proposition américaine. Mieux encore, le 9 mai 2013, le président Obama téléphonait au roi Mohammed VI et l'invitait à la Maison blanche. Compte tenu des services rendus, Rabat se devait d'honorer ses amis aux Etats-Unis. A l'occasion de la Fête du trône, le souverain décorait d'un Wissam royal Malcolm Hoenlein, le vice-président de l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee). L'ambassade du Maroc à Washington est elle aussi, mise à contribution. L'ambassadeur Rachad Bouhlal n'hésite pas à silloner les Etats-Unis pour aller à la rencontre des organisations juives. Début février, il était en Floride du Sud pour répondre à l'invitation de l'AJC de Palm Beach County. Cap sur la communauté afro-américaine Comme le Maroc ne peut dépendre uniquement du seul soutien des organisations juives, 2013 a connu l'amorce d'une ouverture vers la communauté afro-américaine. Tout a commencé avec la visite, en août dernier, du révérend Jessie Jackson au Maroc. Accompagné de sa petite famille, l'ancien candidat malheureux aux primaires du parti Démocrate aux présidentielles de 1984 et 1988, n'a pas tari d'éloges sur «les différentes actions et réformes menées au Maroc, le rythme soutenu de développement du pays et son expérience démocratique accumulée, qui font du royaume un modèle particulier à suivre dans la région» a-t-il déclaré à la MAP. Le déplacement de Jessie Jackson a balisé le terrain pour d'autres membres influents de la communauté noire. Fin décembre et début janvier, une délégation composée de douze membres du Congressional Black Caucus (CBC) était au royaume. Après des entretiens avec des responsables marocains à Rabat, les députés ont été reçus, au palais de Marrakech, par le roi Mohammed VI. Un indicateur fort de l'importance de cette visite pour la partie marocaine, d'autant plus que les adhérents à ce caucus sont, majoritairement, issus de la formation politique du président Obama. Une proximité qui pourrait s'avérer cruciale pour influencer la politique des Démocrates vis-à-vis du Maroc. Après les congressmen, les journalistes afro-américains Moins d'une semaine après le départ des membres du CBC, des journalistes afro-américains débarquent au Maroc. A Rabat, ils ont eu des entretiens avec la ministre déléguée aux Affaires étrangères, Mbarka Bouaida avant de s'envoler vers Laâyoune et Dakhla où ils ont eu des discussions avec les autorités locales, des représentants d'associations unionistes et ceux d'ONG proches du Polisario. Pour mieux séduire les professionnels noirs des médias, la RAM a signé, le 16 janvier à Washington, un accord de partenariat avec l'Association nationale des journalistes noirs aux Etats-Unis (NABJ). La compagnie s'engage à faciliter les déplacements effectués par les membres de NABJ en Afrique. Les plus méritants parmi les étudiants en journalisme, dans le cadre de leurs recherches portant sur le continent noir, bénéficieront des mêmes largesses. Le choix de cette association n'est pas fortuit. La NABJ, fondée en 1975, compte quelques 5000 journalistes et professionnels des médias afro-américains parmi ses membres. L'ambassadeur du Maroc, lui non plus, ne ménage pas ses efforts auprès des organisations afro-américaines. Tout récemment, Rachad Bouhlal participait au Festival de Zora Neale Hurston, à Eatonville en Floride, où se cotoyaient, journalistes, élus, acteurs, chanteurs, musiciens, tous afro-américains. A deux mois, de l'examen par le Conseil de sécurité d'une nouvelle résolution sur le conflit au Sahara occidental, l'ouverture marocaine sur la communauté afro-américaine sera-t-elle suffisante ? Réponse d'ici fin avril.