Dans la guerre froide que se livre deux pays chauds, l'Algérie et le Maroc, nous venons d'atteindre un nouveau sommet. Déclarations provocatrices, rappel d'ambassadeur, voilà que la fièvre atteint même le citoyen lambda. Si lambda est la lettre grecque idoine pour parler d'un citoyen quelconque, force est de constater que pour certains, la lettre Bêta du même alphabet serait plus proche de la réalité. Il n'aura pas fallu attendre plus de 48 heures après le rappel de notre ambassadeur à Alger pour que le premier incident surgisse. Une fois n'est pas coutume, Hamid Chabat, le bouillonnant secrétaire général de l'Istiqlal n'y est pour rien. Un groupe de manifestants, qui n'ont pas apprécié que l'Algérie ne rappelle pas son ambassadeur au Maroc, ont décidé d'envahir le territoire de notre voisin. L'ambassade étant peut-être trop bien protégée, ils se sont rabattus sur le consulat algérien à Casablanca. Drapeau du Royaume chérifien flottant devant la grille du consulat, cris de gloire à notre roi scandés par plusieurs dizaines d'irréductibles sujets, c'est intimidant pour les républicains d'algériens qui n'ont d'ailleurs présenté aucune résistance. Pris en flag ! Ni une, ni deux, voyant les forces de police marocaines regarder ailleurs, et l'armée de vigiles algériens se cacher, un courageux défenseur du drapeau rouge et vert, part à l'assaut de ce bastion algérien en terre chérifienne. Sous la clameur de l'armée de libération du futur ex-consulat d'Algérie –qu'on veillera à transformer en moqata3a- notre ami Beta grimpa sur le toit du bâtiment et au péril de sa vie déchira le drapeau du pays ennemi -même s'il était appelé pays frère il y a seulement quelques mois. Chipoter sur le vocabulaire peut paraître secondaire mais il est riche en significations. Car si nos ministres, notre roi, leurs ministres, leur roi (enfin leur président) ne devaient pas être pris au sérieux quand ils se considéraient comme «frères», pourquoi le faire quand le lendemain, ils se considèrent comme «ennemis» ? Et si tout ce brouhaha politique ne devait rester qu'au niveau diplomatique ? Hum, le malaise. Cela donne une tout autre tournure à l'invasion de la représentation diplomatique qui par définition est considérée comme territoire algérien. Siba fi blad Makhzen ? Quand des irresponsables s'auto-attribuent le rôle de défenseurs de la nation, prenant leur zèle maladroit pour du courage, ils n'ont pas conscience que par leur geste, ils anéantissent tout ce qui fait du Maroc une nation, avec un gouvernement élu, un ministre des Affaires étrangères et un chef de l'Etat à qui il appartient de prendre les décisions difficiles pour protéger ce pays. Ce pays ne manque pas d'individus, plus ou moins louches, qui n'hésitent pas à s'autoproclamer défenseurs des trois composantes de notre devise, l'islam (affaire du baiser de Nador), la patrie (le drapeau de l'Algérie), ou même le roi (pendant le mouvement du 20 février), comme si ces dernières avaient besoin de si piètres avocats. Alors que le Maroc est resté dans un cadre purement diplomatique en rappelant son ambassadeur, le Marocain Bêta vient de mettre le pays en porte-à-faux au niveau du droit international. Une fois n'est pas coutume, ce boulet qui se pense héros a fait preuve d'un plus grand «nif» que nos voisins de l'est. Un excès de fierté qui est tout simplement une insulte à la raison. Car ne nous trompons pas, c'est de raison, de sagesse, et de bon sens que notre pays à besoin en ces temps troubles pour la région, et non d'apprentis sorciers mimant Jack Bauer pénétrant dans l'ambassade chinoise à Washington dans 24 heures chrono.