Human Rights Watch (HRW) vient d'adresser une lettre aux ministres marocains de l'Intérieur et de la Justice, Mohand Laenser et Mustapha Ramid, les appellant à mettre un terme à la mise sous scellés des domiciles privés des manifestants en guise de punition. Les cas de deux responsables du mouvement Al Adl Wal Ihsane particulièrement défendus. «Le Maroc a cadenassé deux maisons pendant sept ans pour la simple raison qu'elles avaient été utilisées pour des rassemblements pacifiques non autorisés», a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch (HRW). Et d'ajouter : «dans de nombreux pays, la loi permet aux autorités de saisir des propriétés utilisées pour commettre des crimes graves, mais ici c'est loin d'être le cas». L'Organisation a adressé, lundi 8 juillet, une lettre aux ministres marocains de la Justice et de l'Intérieur, Mustapha Ramid et Mohand Laenser, les appelant à «cesser de mettre des maisons sous scellés pour punir des militants». En effet, le nouveau leader du mouvement Al Adl Wal Ihsane, Mohamed Abbadi, et Lahcen Atouani également membre, n'ont plus eu accès à leurs domiciles privés respectifs à Oujda pour le premier et à Bouarfa pour le second, depuis 2006 après décision de la justice. Dans une correspondance parvenue à HRW en septembre dernier, les autorités marocaines justifiaient cela par la tenue en ces lieux de réunions qui nécessitaient au préalable une autorisation. Violation de l'article 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ? Pour la petite histoire, la police judicaire a arrêté 48 personnes le 13 juin 2006, alors qu'elles étaient réunies au domicile de Lahcen Atouani dans le cadre des activités d'Al Adl Wal Ihsane. Sa maison a, par la suite, été mise sous scellés. Dans des circonstances similaires quelques semaines auparavant, le domicile de Mohamed Abbadi avait subi le même sort. Depuis lors, tous leurs recours et plaintes n'ont jamais abouti. Et d'après les avocats des deux hommes, leurs maisons auraient subi des actes de vandalisme à plusieurs reprises sans qu'ils ne puissent intervenir. HRW regrette que les autorités marocaines n'aient «pas clarifié la justification légale de ces scellés» et dénonce leur non-objectivité dans cette affaire. En effet selon l'Organisation, les maisons de plusieurs membres d'Al Adl Wal Ihsane ont été mises sous scellés ces dernières années pour les mêmes motifs. La plupart d'entre elles ont cependant été restituées à leurs propriétaires, sauf celles de Mohand Laenser et de Mohamed Abbadi. En mettant sous scellés les domiciles privés des membres d'Al Adl Wal Ihsane, le gouvernement marocain, d'après l'ONG, «semble avoir violé» l'article 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme selon lequel «nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété». «Les autorités marocaines devraient restituer les maisons scellées à leurs propriétaires et leur verser une compensation si, après enquête, on constate que la mise sous scellés était injustifiée», estime HRW, rappelant que la constitution de 2011 garantit le droit à la propriété, la liberté d'association et l'accès au système judiciaire afin que tout le monde puisse défendre ses droits. La réponse de Rabat attendue Maintenant que la lettre est certainement sur le bureau de Ramid et Laenser, cette organisation qui lutte pour les droits de l'Homme attend impatiemment la réponse. Mais l'on sait très bien que les relations restent tendues entre le pouvoir marocain et Al Adl Wal Ihsane, en raison notamment des positions de ce dernier sur la monarchie. En Mai dernier encore, Mohamed Abbadi réitérait l'opposition du mouvement à la monarchie héréditaire, rejoignant l'avis de sa prédécesseure pour un régime républicain.