La chasse aux rapaces protégés est devenue chose commune au Maroc. Même les traditionnels «charmeurs de serpents» des places populaires comme celle de Jemaa el-Fna à Marrakech s'y mettent eux aussi. Pourtant, une loi protégeant ce type d'oiseaux a été votée en 2011. En mai dernier, un chasseur marocain aurait posté sur son mur Facebook des images de lui tenant fièrement un vautour fauve qu'il avait abattu à Azilal, révèlent des ornithologues marocains dans un article publié sur leur blog, Moroccan Birds. Outrés, ils ont publié lesdites images, sans toutefois indiquer l'identité de l'intéressé, ni sa page Facebook. Quelques trois mois plutôt, l'un du groupe derrière le blog spécialisé, Rachid El Khamlichi, a surpris des enfants en train de «persécuter» un vautour blessé à l'aile. Il a récupéré l'oiseau, lui a administré des soins, l'a gardé jusqu'à ce qu'il se rétablisse avant de le libérer. «A chaque fois, on trouve des rapaces ou des oiseaux en général qui ont été braconnés», regrette l'ornithologue contacté par Yabiladi, soulignant qu'ils sont souvent piégés la nuit quand ils se posent pour se reposer. Ces scientifiques se disent davantage outrés par le traitement réservé à ces oiseaux à la place Jemaa el-Fna de Marrakech. Des présumés «trafiquants» exposeraient des rapaces sous le soleil pour attirer les touristes. Oussama Abaouss, défenseur de la cause écologique, tient pour preuve une image prise sur les lieux et publiée sur son site Ecologie.ma. Il assure que «ces oiseaux sont maltraités, leurs ailes coupées, pour qu'ils ne s'enfuient pas». Actes punis par la loi Tout cela se fait alors que la loi relative à la protection de ces espèces menacées d'extinction date à peine de deux ans. Celle-ci sanctionne clairement tous ces actes. Par exemple, l'article 63 stipule que quiconque «utilise des moyens ou des substances susceptibles d'entrainer la mort de spécimen d'espèce de flore et de faune sauvages ou de nuire à leur reproduction, à leur multiplication ou à leur milieu naturel», est puni d'une amende pouvant aller de 5 000 à 100 000 dirhams selon l'espèce. Une peine similaire est également réservée à quiconque «détient, transporte, vend, met en vente, achète, utilise à des fins commerciales» ce type d'espèce sans autorisation préalable du département des Eaux et Forêts. «Malgré cette loi, les Eaux et Forêts ne font pas leur travail. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe en toute impunité sur la place Jemaa el-Fna à Marrakech pour le comprendre», s'emporte M. Khamlichi. Nous avons tenté de joindre, en vain, le Haut-Commissariat des Eaux et Forêts cet après-midi, afin d'obtenir leur point de vue sur la question. «Les Eaux et Forêts ne font pas leur travail, les médias non plus ne jouent pas leur rôle» Outre cela, ces écologistes estiment que les médias ne jouent pas leur rôle. Ils ne font rien pour conserver la biodiversité marocaine. A la télévision par exemple, on montre parfois la place Jemaa el fna avec des gens qui exposent les serpents et les rapaces, certains citoyens pensent que c'est normal. «On dirait que dans ce pays, la faune et la flore ne disent rien à personne», regrette M. Abaouss. Le Maroc dispose pourtant d'une bonne position géographique pour la migration de ces oiseaux qu'on ne trouve plus dans plusieurs pays du monde. Actuellement, il existe sous le ciel marocain une quinzaine de rapaces dont près de la moitié est migratoire et le reste se reproduit localement. Pour eux, il faut arrêter la chasse et le trafic des rapaces protégés avant qu'ils ne disparaissent totalement. «Tous seuls nous ne pouvons pas mener la lutte. La sensibilisation dans tout le pays nécessite d'énormes moyens financiers», confie Rachid El Khamlichi. Et d'ajouter : «Nous lançons l'appel à l'Etat, mais surtout aux Eaux et Forêts. Il faut faire quelque chose».