Cette lettre ouverte signée par plusieurs personnalités associatives, universitaires, intellectuels, artistes, et chefs d'entreprise, fait suite à une visite en Israël d'une délégation représentant une association marocaine. Ils dénoncent une normalisation qui se fait sur les décombres du peuple palestinien, après 9 mois de bombardements. Indignés par les propos d'une délégation de jeunes marocains de la société civile en Israël, qui vantaient la «normalité» de ce pays, alors qu'au même moment son armée poursuivait le bombardement de camps de réfugiés à Gaza, pourtant désignés par cette même armée comme "safe location", nous ne pouvons plus rester silencieux face à ce qu'on nomme «la normalisation». Cette normalisation de notre pays avec l'Etat d'Israël a été présentée comme une tentative d'ouvrir une troisième voie, désamorçant une dynamique hostile entre les pays arabo-musulmans et l'Etat hébreu, engagés depuis 1948 dans un affrontement politique et moral ininterrompu et une colonisation qui ne cesse de s'étendre depuis 1967. Cette voie avait alors semblé à certains comme susceptible de mener à l'établissement à terme d'un état souverain pour les Palestiniens, tel que le droit international l'exige. Cela avait également été reçu positivement, peut-être à tort, par une partie de la société civile et des intellectuels marocains qui pensaient que cela était un chemin pour retrouver en nous une composante de notre identité, l'affluent hébraïque, que les colonisations française et espagnole ont abimée. Mais cette normalisation est aujourd'hui intenable. Et les images d'une délégation de Marocains hilares, paradant dans les rues de Tel Aviv, est une insulte à notre éthique et nos valeurs, en contradiction totale avec notre humanité et notre solidarité face aux souffrances insupportables des Palestiniens. Parce que nous sommes face à un génocide. Parce que sous les décombres des bombes israéliennes gît la normalisation. Le peuple palestinien partout, en particulier à Gaza, fait face à un gouvernement d'extrême droite qui ne cache plus depuis le massacre du 7 octobre son intention de procéder à un nettoyage ethnique, ni sa volonté de faire de la bande de Gaza un lieu inhabitable pour plus de deux millions de civils soumis à des bombardements quotidiens. Toutes les horreurs dont nous sommes témoins depuis dix mois indiquent clairement la volonté de l'Etat d'Israël d'en finir avec la possibilité même d'un Etat palestinien tel que défini par le droit international. De quelle normalité peut-on encore parler ? Que reste-t-il à normaliser dans ces conditions alors que l'humanisme fondateur de notre modernité repose sur le droit et la justice ? La seule normalisation possible est celle qui passe par le droit international et l'application des résolutions des Nations uniesqui garantissent pour le peuple palestinien un Etat où vivre,souverain et en paix. Et c'est ce même droit qui garantit la souveraineté et l'intégrité politique et territoriale pour tous les peuples, le nôtre y compris. On ne peut pas normaliser l'injustice et la spoliation. Ni le génocide. C'est au nom de notre humanité commune que, aujourd hui,nous ne pouvons dire que nous ne savons pas. Ni accepter cette normalisation à sens unique. Ni ce qu'elle engage et compromet pour notre intégrité éthique et intellectuelle. Ni ce qu'elle valide comme mépris de la justice et du droit qui, rappelons-le encore, nous protègent tous. Premiers signataires : Yasmine Chami (écrivaine) Mehdi Alioua (universitaire) Younès Ajarraï (acteur culturel) Mahi Binebine (plasticien et écrivain) Leïla Binebine (universitaire) Chouki El Hamel (universitaire) Karima Mkika (associative) Aïcha Amor (galeriste) Maria Daïf (actrice culturelle) Abderrazak El Hannouchi (chercheur et défenseur des Droits de l'Homme) Omar El Kindi (associatif) Laïla Chaouni (éditrice) Hassan Chami (ancien président de la CGEM, ancien ministre) Younès Mansouri (ophtalmologue) Amine Boushaba (journaliste) Fouad Bellamine (plasticien) Jalal El Hakmaoui (écrivain) Karim Marrakchi (architecte) Ilyass Alami-Afilal (associatif) Khalid Mouna (universitaire) Fatima Zahra Morjani (plasticienne) Youssef Ouchra (plasticien) Amine Lahrach (artiste/art worker) Abla Ababou (galeriste) Sanae Arraqas (plasticienne) Mounat Charrat (plasticienne) Rim Affaya (anthropologue) Amina Benbouchta (plasticienne) Narjisse Joubari (plasticienne) Bechir Boussandel (plasticien) Hasnae El Ouarga (photographe) Fahd Bensliman (chirurgien plastique) Mohamed Leklilti (plasticien) Ouidad Elma (comédienne) Asmae Khamlichi (comédienne) Ghislaine Sahli (plasticienne) Mohamed Rachdi (artiste) Noureddine Affaya (universitaire) Khalil Nemmaoui (photographe) Abdel-Malek Zine (universitaire) Anis Hajjam (journaliste) Amina Rezki (plasticienne) Laïla Hida (actrice culturelle) Mohamed Mourabiti (plasticien) Fatifa Zemmouri (plasticienne) Jalil Bennani (psychiatre) Sanae Ghouati (universitaire) Bouchra Salih (styliste) Fedwa Misk (journaliste, écrivaine) Mohammed El Ghormli (réalisateur, écrivain) Aziza Ziou Ziou (psychologue) Chama Tahiri (actrice culturelle) Mehdi Sefrioui (artiste) Reda Zaireg (journaliste) Amine Benjelloun (pédopsychiatre) My Seddik Rabbaj (écrivain) Guiliz Mustapha (écrivain) Fikria Chaouki (entrepreneure) Nada El Harif (ingénieur, comédienne) Marion El Idrissi Slitine (anthropologue) Amre Ghazi (chef d'entreprise) Kawtar Sounni (consultante en développement d'affaire) Rachid Khaless (écrivain) Rim Battal (poétesse) Meryem Ben'mbark (cinéaste) Mériam Cheikh (universitaire) Laila Hida (actrice culturelle) Hicham Benaissa (sociologue) Nada el Harif (ingénieur et comédienne)