En 1985, un document de la CIA est revenu sur la visite du président algérien Chadli Benjedid à Washington. L'agence de renseignement américaine a évoqué la volonté du chef d'Etat de mettre fin au conflit du Sahara, en proposant un plan d'autonomie élargie sous souveraineté marocaine. Nonobstant les divergences avec le cercle influent des généraux de son armée, au milieu des années 1980, le président algérien Chadli Bendjedid (1979 – 1992) a envisagé de mettre fin au conflit du Sahara. Daté du 1er avril 1985 et déclassifié en 2016, un document publié par la Central Intelligence Agency (CIAà en amont de la visite du chef d'Etat à Washington est revenu sur cette partie de l'Histoire. Du 16 au 22 avril 1985, la venue de Chadli Bendjedid aura en effet constitué la première visite d'un président algérien aux Etats-Unis. Dans ce contexte, le document de la CIA indique que le responsable pourrait demander «l'aide américaine pour inciter le Maroc à arriver à un règlement pacifique du conflit du Sahara occidental». Les renseignements américains estiment que «la volonté de Bendjedid de rencontrer le roi du Maroc Hassan II en 1983 et sa proposition, plus tôt cette année – que le Sahara occidental contrôlerait ses affaires intérieures tandis que Hassan II en serait le dirigeant honoraire et représenterait les Sahraouis dans organisations internationales – sont des signes clairs que l'Algérie cherche une solution négociée». Plus loin, le document indique que les Algériens considèrent «l'édification du Mur des sables par le Maroc au Sahara occidental et l'intransigeance [de Rabat] lors des récents pourparlers» comme «la preuve que Hassan II veut résoudre le conflit par des moyens militaires». En effet, la CIA mentionne l'efficacité de la berme marocaine à couper l'accès du Polisario aux principales agglomérations. Cette barrière n'étant loin que de 15 kilomètres de la frontière algérienne, le mouvement séparatiste a dû passer par la Mauritanie pour atteindre le Sahara. Sahara-CIA files #8 : Le Mur des sables, la «Grande muraille du Maroc» selon les Etats-Unis Dans ce contexte, la même source rappelle que «depuis l'automne dernier, les forces du Polisario ont mené deux attaques majeures – en octobre à Zag et en janvier à Mahbès». Equipées de blindés, les milices ont temporairement percé la berme, mais ont été repoussés par les renforts marocains. L'Algérie de Bendjedid pour un plan d'autonomie au Sahara Dans ce même document, la CIA explique également que Chadli Benjedid s'est tourné vers trois dirigeants arabes, pour obtenir un rapprochement des points de vue avec le Maroc. Ainsi, il a demandé aux rois Hussein de Jordanie et Fahd ben Abdelaziz Al Saoud d'Arabie saoudite, ainsi qu'au président égyptien Hosni Moubarak, «d'utiliser leurs relations personnelles avec le roi Hassan II pour faire changer ce que l'Algérie considère comme une intransigeance marocaine sur la question du Sahara occidental». «Au cours de l'année écoulée, Bendjedid a changé de politique sur le Sahara occidental. L'Algérie est passée du soutien de l'indépendance totale à une position favorable au statut d'autonomie pour un territoire sous souveraineté marocaine, dans un effort pour appuyer la coopération régionale.» Document de la CIA Le document explique que «l'Algérie a pris plusieurs initiatives pour une solution au conflit, notamment le sommet algéro-marocain de février 1983 et les plus récentes discussions entre hauts responsables, en décembre et janvier». «Actuellement, les négociations ont échoué, justement à cause de ce que l'Algérie considère comme l'intransigeance marocaine pour maintenir le statu quo», ajoute la CIA. L'agence de renseignement américaine souligne que «les deux parties continuent de soutenir l'idée d'un dialogue et d'une solution pacifique», mais que «le manque de confiance entre Rabat et Alger rend difficile la conclusion d'une solution négociée». La même source indique qu'en parallèle, «l'Algérie continue d'apporter un soutien politique fort au Front Polisario». Sahara-CIA files #1 : Les désaccords de l'armée algérienne avec son président Bendjedid Après l'adhésion de ce dernier à l'Organisation de l'unité africaine (OUA), l'Algérie a d'ailleurs cherché à lui faire une place au sein de l'Organisation des non-alignés. Dans ce sens, la CIA a suggéré que Bendjedid «présentera la dernière proposition de paix de l'Algérie concernant le Sahara aux responsables américains, et leur demandera de faire pression sur Hassan II pour obtenir des concessions». «Bien que nous pensons qu'Alger et Rabat souhaitent parvenir à une solution politique, des périodes de tension accrue sont susceptibles de se produire, ce qui augmente le risque d'un affrontement direct.» Document de la CIA Cependant, selon l'agence américaine, «le soutien de Bendjedid à une solution de compromis au conflit du Sahara occidental pourrait devenir une question controversée au sein des décideurs algériens». «Bien que le sujet ne soit pas décisif pour la plupart des Algériens, Bendjedid ne peut ignorer les factions existantes dans le paysage politique algérien et qui appellent au soutien du Polisario», ajoute la même source. En effet, «certains groupes de l'armée algérienne et de la branche idéologique du Front de libération nationale (FLN) s'opposeront à toute tentative de Bendjedid de rompre les liens avec le Front Polisario». Afin d'assurer un consensus au sein du gouvernement, selon la CIA, Chadli Benjedid est conscient que toute solution négociée doit inclure des garanties pour les droits des sahraouis».